wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

L’OTAN célèbre ses 60 ans en étendant la guerre en Asie centrale

Par Stefan Steinberg
9 avril 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Les discussions du sommet de l’OTAN qui s'est déroulé vendredi et samedi ont été dominées par l’occupation de l’Afghanistan, la guerre la plus longue dans les 60 ans d’histoire de l’alliance militaire. Une polarisation est en train de se faire entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne d’un côté et les principaux pays européens de l’autre quant à la meilleure façon de poursuivre cette guerre.

Les deux côtés sont prêts à intensifier le conflit aux dépens des populations afghane et pakistanaise. De plus en plus, toutefois, les pays européens, avec la France et l’Allemagne en tête, exigent que leurs propres contributions soient récompensées par une influence plus grande lors de la prise de décision au sein des organisations impérialistes, y compris l’OTAN.

Alors que l’Afghanistan arrive en tête de l’ordre du jour de l’OTAN, le sommet discute également les relations entre l’OTAN et la Russie, le rôle de la France dans l’alliance et les préparatifs pour un nouveau concept stratégique. Le sommet a lieu à peine deux semaines après que le parlement français a pris la décision d’un retour complet dans la structure de l’OTAN.

Le sommet de l’OTAN fait suite à la conférence du G20 à Londres à laquelle l’Allemagne et la France ont présenté un front uni contre les propositions de règlement de la crise économique émises par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Il est très improbable que les divergences en matière de politique étrangère entre les Etats-Unis et les principaux pays européens soient révélées au public lors du sommet de l’OTAN, le premier qui a vu la participation du nouveau président américain. Il existe une longue tradition de dissimulation des tensions qui règnent au sein de l’alliance, par des déclarations publiques dans lesquelles une unité parfaite est affichée.

Toutefois, au moment même où le sommet du G20 révélait de profondes divergences entre les partenaires de l’alliance Atlantique dans leurs politiques économiques, la liste des litiges en matière de politique étrangère entre les Etats-Unis/Grande-Bretagne et les principaux pays européens s’allongeait.

Depuis sa création en avril 1949 et jusqu’à la dissolution du Pacte de Varsovie en juillet 1991, le rôle de l’OTAN avait été dicté par la confrontation avec l’Union soviétique. Les Etats-Unis avaient fait fonction de parapluie de protection pour l’Europe de l’Ouest en jouant un rôle dirigeant au sein de l’alliance. Cette situation fut acceptée par les gouvernements européens, en dépit de la décision de la France de se retirer en 1966 des structures dirigeantes de l’OTAN.

Avec l’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie, les besoins pour l’Europe de la protection américaine n’existaient plus et les tâches et les objectifs de l’OTAN durent être redéfinis. En principe, deux voies étaient possibles. La construction d’une alliance militaire européenne indépendante allant dans la direction de la dissolution de l’OTAN ou la transformation de l’OTAN en une force d’intervention mondiale préservant le rôle dominant des Etats-Unis.

Lors de la conférence qui s’était tenue en novembre 1991 à Rome, l’ordre du jour préconisait la deuxième option. A la suite de la déclaration du président américain George Bush senior sur le « nouvel ordre mondial », les documents stratégiques du sommet de l’OTAN rayèrent en 1991 l’Union soviétique de la liste des menaces pour la remplacer par de nouveaux « risques » et « dangers », tels le terrorisme international, les « Etats défaillants » et les menaces pour obtenir un accès aux ressources énergétiques et de matières premières. Le sommet de 1991 avait annoncé la transformation de l’OTAN d’une alliance principalement de défense militaire en une force d’intervention agressive dont le but est de protéger les intérêts économiques, politiques et géostratégiques de ses membres sur le plan mondial.

Conformément à la nouvelle doctrine, l’OTAN a effectué depuis 1991 une série d’interventions militaires, notamment dans les Balkans et en Afghanistan. Ces interventions furent soutenues par les partenaires de l’OTAN de part et d’autre de l’Atlantique.

Lors du sommet du 50ème anniversaire de l’OTAN en 1999, les Etats-Unis profitèrent une fois de plus de leur influence pour s’assurer que l’alliance augmente ses paramètres pour des opérations militaires en minant l’article 5 du traité de l’OTAN qui ne permet l’action militaire défensive que si un pays membre subit une attaque externe. La nouvelle doctrine permettait des opérations « out of area » (hors zone) contre des pays ou des régions et permettait à l’OTAN d’accomplir des opérations militaires agressives sans autorisation préalable du Conseil de sécurité des Nations unies.

Durant la même période, sur ordre de Washington, l’OTAN mena une politique systématique d’encerclement de la Russie. Après 40 ans de situation d’après-guerre avec l’Union soviétique et ses alliés, le gouvernement américain se servit de l’OTAN comme d’un moyen d’accroître son influence dans un certain nombre de pays d’Europe de l’Est pour isoler la Russie.

Les conséquences de cette politique devaient surgir violemment en surface l’année dernière suite à l’invasion de l’Ossétie du Sud par la Géorgie et qui conduisit à une intensification significative des tensions entre la Russie et les Etats-Unis qui avaient donné le feu vert à l’invasion.

Les pays d’Europe de l’Ouest, quant à eux, n’eurent pas de scrupules à mener des guerres « hors zone ». Ils envoyèrent des troupes en Afrique, participèrent à des missions de surveillance au Moyen-Orient et déployèrent des troupes en Afghanistan. Dans le même temps, les élites dirigeantes européennes ont observé avec une angoisse grandissante comment les Etats-Unis ont transformé l’alliance en un instrument militaire de plus en plus agressif dans le but de promouvoir les intérêts américains dans le monde entier. C’est en particulier l’accroissement des tensions entre les Etats-Unis et la Russie qui a contrecarré les étroites relations tant souhaitées par les pays de l’Union européenne fortement tributaires des approvisionnements énergétiques russes.

Par contrecoup, l’Union européenne a entrepris quelques premières démarches pour développer une force d’intervention militaire rivale. Elle a mis sur pied une force de réaction de l’OTAN (« Nato Response Force », NRF, opérationnelle depuis 2006) forte de 25.000 hommes et une force à déploiement rapide totalisant 60.000 soldats.

Néanmoins, les nations européennes continuent de rencontrer des obstacles financiers et politiques dans leurs tentatives de créer une capacité militaire pan-européenne. Les dépenses militaires américaines (quelque 600 milliards de dollars) représentent encore plus du double des dépenses militaires de l’ensemble des pays de l’UE réunis. Dans le même temps, les gouvernements européens doivent faire face à une vaste opposition populaire contre leurs engagements militaires à l’étranger.

Ne pouvant concurrencer directement militairement les Etats-Unis, les nations européennes ont transposé la lutte au sein de l’OTAN même. Parce que 21 des 28 membres actuels de l’OTAN sont membres de l’UE, les élites dirigeantes européennes réclament un plus grand droit d’intervention dans les décisions de l’OTAN. C’est un aspect primordial de la récente décision de la France de réintégrer pleinement l’alliance.

La stratégie qui est à présent celle du gouvernement français avait été révélée dans un papier publié par Le Monde à l’occasion du 50e anniversaire de l’OTAN. En avril 1999, l’expert en stratégie, François Heisbourg, avait déclaré : « Pour que la France puisse jouer à plein son rôle de nation-pilote de l’européanisation de la défense, il faudra bien qu’elle réintègre pleinement l’OTAN. D’abord parce qu’elle est aujourd'hui dans la pire des situations: celle où nos aviateurs et peut-être demain nos soldats prennent des risques sur la base d’ordres élaborés dans les commandements de l’OTAN alors que nous ne participons pas, au niveau militaire, à l’élaboration de ces ordres. D’autre part, parce qu’une OTAN dans laquelle les Européens feraient bloc est une des voies permettant de freiner la tendance croissante des Américains à agir unilatéralement, ainsi qu’ils le font déjà en Irak depuis l’opération « Renard du désert ». Ainsi, il convient tout à la fois d’européaniser l’OTAN et d’« otaniser » l’Amérique. Cela ne pourra se faire sans une présence française à tous les niveaux.» (Le Monde, 15 avril 1999).

De tels efforts d’européanisation de l’OTAN se sont considérablement multipliés ces dernières semaines au fur et à mesure que la politique étrangère et les priorités militaires du gouvernement Obama ressortaient clairement.

En novembre 2008, le Conseil national du renseignement américain (National Intelligence Council, NIC) avait présenté un rapport d’analyse concernant le rôle futur joué par les Etats-Unis sur la scène internationale. Le rapport concluait en disant que le monde unipolaire tel qu’il existe, dominé par les Etats-Unis serait remplacé par un monde multipolaire dominé par plusieurs puissances régionales. Ce rapport qui prévoyait une perte considérable de pouvoir et d’influence des Etats-Unis a été très minutieusement étudié en Europe.

Citant le rapport américain dans sa dernière édition, la revue Blätter für deutsche und internationale Politik pose la question suivante : « La grande question qui se pose pour les années à venir est donc : Est-ce que les Etats-Unis, avec leur nouveau président, Barack Obama, accepteront leur déclin relatif ou chercheront-ils à intensifier davantage le recours à la force ? »

Le magazine craint que la récente escalade militaire américaine en Afghanistan et au Pakistan ne mène à la dernière variante. La décision d’augmenter la présence de ses troupes en Afghanistan a été prise par le gouvernement de Washington sans consultation de ses alliés européens.

Le président français tout comme la chancelière allemande ont rejeté l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan. Dans un important discours prononcé il y a une semaine lors du sommet de l’OTAN, la chancelière allemande, Angela Merkel, avait exclu l’envoi de soldats allemands supplémentaires. Dans le même discours, elle avait clairement expliqué son opposition aux paramètres du « hors zone » pour les interventions mondiales imposées à l’OTAN en 1999.

Lors de son unique interview donnée avant la réunion du G20 et du sommet de l’OTAN, le président français, Nicolas Sarkozy, avait déclaré, « Il n’y aura pas de renforts militaires » de la France en Afghanistan. Dans la même interview, Sarkozy avait annoncé que la France jouera un rôle plus important dans l’OTAN. Les présidents français « avaient envoyé sous la bannière de l’OTAN… des soldats français en opération sous commandement OTAN. Et regardez cette situation étrange, nous envoyons nos soldats se battre sous la bannière de l’OTAN, en refusant de participer au comité qui définissait la stratégie d’emploi de ces soldats. Est-ce que c’est raisonnable…Je ne le pense pas, » avait déclaré Sarkozy.

Sarkozy et Merkel ont toujours regardé la guerre en Afghanistan comme un moyen de promouvoir leurs propres intérêts et aucun des deux n’a critiqué l’augmentation des effectifs des troupes ordonné par Obama. Merkel, notamment, avait mis en avant l’argument en faveur d’une aide civile accrue comme étant un complément à la présence des troupes, la voie empruntée précisément par Obama actuellement. Néanmoins, il a été pris bonne note à Paris et à Berlin du virage survenu dans la politique étrangère et militaire américaine.

Tout en maintenant un grand nombre de troupes de combat en Irak, Obama a déplacé le centre des opérations militaires américaines des pays arabes et du Moyen-Orient vers l’Asie centrale, une région d’une importance stratégique pour l’Europe et cruciale pour les réserves énergétique de ce continent.

La crise économique et financière est en train de retracer la carte géostratégique. Les tensions entre les grandes puissances qui couvent depuis longtemps commencent à éclater. C’est la signification du front commun concernant les questions économiques affiché contre Washington par Merkel et Sarkozy lors du sommet du G20. Ce n’est qu’une question de temps avant que ces conflits étouffés n’éclatent au grand jour dans le domaine de la politique militaire.

Sarkozy et Merkel s’efforcent encore d’européaniser l’OTAN mais d’une manière qui génère de plus en plus de conflits entre eux et le gouvernement Obama. Le magazine Blätter für deutsche und internationale Politik rappelle à ses lecteurs que l’OTAN avait été en dernière analyse le résultat de l’effondrement économique du capitalisme dans les années 1930.

L’actuelle crise économique attise les conflits entre les grandes puissances et qui risquent de briser l’alliance de l’OTAN en laissant entrevoir le danger d’une nouvelle guerre mondiale.

(Article original paru le 3 avril 2009)


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés