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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : 45e jour de grève et d'occupation à l'usine FCI

Par Kumaran Ira et Antoine Lerougetel
11 avril 2009

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Deux cents travailleurs de l'usine FCI Microconnections à Mantes-la-jolie, dans la banlieue ouest de Paris, sont en grève pour la défense de leurs emplois et occupent leur lieu de travail depuis 45 jours. Ils représentent la moitié de la main-d'oeuvre totale de 400 travailleurs de l'usine.

La menace qui pèse sur les emplois dans l'usine fait partie d'un exercice international de diminution des coûts, impliquant en France la fermeture en novembre de l'usine FCI de la Ferté-Bernard, avec la suppression de plus de 280 emplois et 90 licenciements sur le site de Besançon.

FCI est une entreprise mondiale, concepteur, fabricant et fournisseur de systèmes électriques et électroniques, employant 12 500 personnes sur 30 sites de par le monde. Elle possède cinq usines en France qui emploient 2 000 travailleurs. FCI a été racheté au groupe énergétique français Areva en 2005 par Bain Capital, un fonds d'investissement privé basé aux Etats-Unis,

Bain Capital a été crée par Mitt Romney, candidat à la nomination républicaine lors de l'élection présidentielle américaine de 2008. Bain Capital dirige plusieurs fonds de finance, dont du capital non coté (private equity), des avoirs à fort rendement, de la finance mezzanine, du capital-risque et du capital coté, gérant plus de 20 milliards d'euros d'actifs. Depuis sa création, en 1984, Bain Capital a fait des investissements non cotés et des acquisitions d'extension dans plus de 230 entreprises dans diverses industries du monde entier. Il achète des participations majoritaires dans des entreprises en difficulté, les retape pour ensuite les vendre en engrangeant des profits.

De telles méthodes ont des conséquences catastrophiques pour les travailleurs. Le rachat de l'entreprise automobile américaine Chrysler par la société de capitaux privés Cerberus Capital Management s'est soldé par des fermetures d'usines, accompagnées de baisse des salaires et des prestations sociales pour les travailleurs et les retraités.

Les travailleurs ont lancé la grève à Mantes-la-Jolie le 24 février. Ils soupçonnaient l'entreprise de vouloir délocaliser la production des cartes à puces à Singapour où elle a ouvert une usine de production similaire en 2002.

L'entreprise n'a toujours pas annoncé son plan de restructuration pour l'usine de Mantes-la-Jolie. Dans une déclaration du 26 mars, la direction a dit, « Il n'y a pas de projet de délocalisation. » Elle a promis qu'il n'y aurait pas de suppressions d'emplois en 2009 et 2010.

Toutefois les travailleurs restent très sceptiques. La production dans l'usine diminue progressivement depuis 2007. Dans ses prévisions pour le premier trimestre de cette année, l'entreprise a évalué un sureffectif de 34 à 42 employés suivant le mois concerné. Le 16 février l'entreprise a annoncé d'autres mesures restrictives : le gel des embauches, la fin des contrats des intérimaires et le report des augmentations de salaire.

Selon la CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste) principal syndicat à l'usine de Mantes-la-Jolie, la production augmente à Singapour depuis la moitié de 2008. « Ce sont aujourd'hui les deux tiers des commandes qui sont réalisées à Singapour pour un tiers en France, ce qui pèse sur les résultats de l'usine française et devrait à terme amener un plan social, » a dit le porte-parole.

Le 30 mars, lorsque leurs représentants syndicaux étaient en train de négocier avec les patrons au siège social de FCI, quelque 100 grévistes de Mantes-la-Jolie ont retenu trois cadres de l'entreprise pendant quatre heures pour essayer de les contraindre à révéler les projets de l'entreprise. Ils ont réitéré leurs déclarations antérieures selon lesquelles les emplois à l'usine étaient garantis en 2009 et 2010 et ils ont refusé de fournir de garantie au-delà de ces dates.

Un travailleur a dit aux cadres, « La vie, ça se résume pas à 2009-2010. On a des vies à vivre. »

Un reportage de Médiapart affiché le 6 avril a révélé un document interne de la direction, confirmant les pires inquiétudes des travailleurs : l'entreprise prévoit en effet d'imposer un plan de licenciement forcé pour novembre et se prépare activement à surmonter la grève attendue que cela provoquerait. L'entreprise veut s'assurer que d'ici là, l'usine de Singapour sera en mesure d'approvisionner les clients. Le document révèle aussi que la direction projette d'écarter le représentant de la CGT Eric Scheltienne, suivant l'instruction, « Pression sur les syndicats - Sortez Eric. »

La situation explosive créée par ces révélations a conduit le préfet à convoquer la direction et les représentants syndicaux pour faire la médiation entre les deux parties.

Les syndicats, conduits par la CGT, se contentent de demander la possibilité de négocier les indemnités de licenciement et de réclamer que la production soit maintenue à l'usine de Mantes-la-Jolie plutôt que son transfert à Singapour.

Le 23 mars, après un mois de grève, le représentant syndical de l'usine de Mantes-la-Jolie Eric Scheltienne a dit au journal Le Monde, « Nous voulons négocier, dès aujourd'hui, des indemnités élevées, à verser en cas de futur plan social, précise M. Scheltienne. Car demain, quand Singapour aura la maîtrise de tout le processus, nous ne serons plus en position de force pour le faire. »

Les syndicats laissent chaque site trouver un accord tout seul avec l'entreprise. Un travailleur de Mantes-la-Jolie a dit au World Socialist Web Site que le syndicat n'a jusqu'ici pas cherché à étendre la grève à d'autres sites français confrontés à des mesures de réduction des coûts parce que « le site est indépendant et on ne fait pas le même travail. »

La CGT ne mentionne aucune tentative de contact avec les travailleurs de FCI à Singapour afin d'organiser une lutte conjointe mais au contraire marchande avec l'entreprise pour savoir laquelle des deux usines va conserver le travail, montant ainsi les travailleurs des différentes usines et pays les uns contre les autres. Cela correspond au patriotisme économique prôné par le président Nicolas Sarkozy avec le soutien total de la CGT et des autres syndicats, comme cela s'est vu de façon flagrante avec le plan de relance du gouvernement pour l'industrie automobile française.

Le travailleur a poursuivi, « Notre revendication principale est d’augmenter la production dans ce site pour préserver nos emplois qui sont menacés et risquent de partir dans un autre site à Singapour. Nous demandons à notre patron de nous donner l'assurance que nos emplois ici seront préservés. Pour l’instant, on n’a eu aucune réponse de leur part. »

Et il a ajouté, « Même si le site tourne bien, rien ne nous dit qu’il n’y aura pas un plan social. En cas de plan social ou bien avant même un plan social, on demande un montant minimum avec lequel chacun peut partir. »

Au moment du rachat par Bain Capital, l'entreprise avait garanti le maintien de ses cinq sites français et des emplois pendant trois ans. Les travailleurs du site de Mantes-la-Jolie ont dit au WSWS que cette garantie avait été acceptée par les syndicats qui avaient demandé aux travailleurs de l'accepter aussi. Depuis la fin de la période de trois ans, fin novembre dernier, l'inquiétude monte parmi les travailleurs, car l'entreprise commence à licencier en France.

Un reportage dans le journal local Le Courrier de Mantes, du 28 septembre 2005, date où la vente de FCI à Bain Capital par Areva, son précédent propriétaire, était presque scellée, montre clairement que les syndicats étaient tout à fait conscients des perspectives à venir pour les travailleurs de FCI. L'article cite un délégué syndical : « Dans le contrat passé entre Areva et Bain Capital, il existe des clauses pour maintenir l'équipe dirigeante du groupe FCI, continuer les politiques et les pratiques sociales en vigueur et garder les sites français ouverts pendant un minimum de trois ans. Cela s'apparente plus à acheter la paix sociale, car un conflit aurait pu porter atteinte au groupe Areva et à la transaction. Nous n'avons aucune garantie concernant l'emploi, car le maintien de l'activité ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de plan social ou de restructuration. »

Libération du 24 mai 2008, avait interviewé des représentants syndicaux de l'usine FCI à la Ferté-Bernard. Ils étaient tout à fait conscients des projets de Bain Capital pour FCI et de la connivence  du gouvernement français. Nasser Hamrani, représentant syndical de Force ouvrière, a affirmé qu'une fois que l'entreprise avait été vendue à Bain Capital, « Aucun investissement n'a été réalisé, aucune embauche n'a été faite. Ils ont tout fait pour qu'on ne soit plus rentable, avant de commencer à délocaliser des machines en Asie. »

Michel Divaret, du syndicat des cadres, la CGC, a dit, « Areva voulait se débarrasser de FCI. Mais comme l'entreprise est détenue par l'Etat, il fallait faire bonne figure et garder les mains propres. Ils ont donc refilé la patate chaude à un fonds d'investissements, un "nettoyeur", avec la garantie de ne pas vendre avant trois ans. »

Ce n'est que si les travailleurs refusent d'accepter la négociation par les syndicats de toute suppression d'emploi et qu'ils luttent pour défendre l'emploi de chaque travailleur par delà les régions et les frontières nationales, que l'on peut unifier la classe ouvrière. Dans chaque usine et lieu de travail, les travailleurs doivent développer des organisations de lutte de classes qui soient indépendantes des syndicats et s'allier à d'autres sections de la classe ouvrière sur la base de l'internationalisme socialiste, de la réorganisation de l'économie sous le contrôle démocratique des travailleurs et du rejet de toutes tentatives visant à les diviser et à leur faire payer la crise.


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