Alors que le gouvernement
conservateur se querelle pour savoir quelle est la meilleure manière de faire
passer sa politique de la terre brûlée et l’intensification de son
engagement en Afghanistan en dépit d’une vaste opposition populaire, à
droite, un groupe de politiciens bien déterminé à mobiliser la lie de la
société en faisant usage du chauvinisme et de la xénophobie est en train de se
former.
L’un des
protagonistes de ce groupe est Thilo Sarrazin (SPD, Parti social-démocrate), un
membre du directoire de la banque centrale fédérale allemande (Bundesbank).
L’ancien sénateur aux finances de la ville de Berlin, ne cesse de tenir
des propos incitant à l’islamophobie en cherchant à faire porter le blâme
de leur propre précarité aux plus faibles de la société.
Selon le journal Bild,
Sarrazin à une fois de plus incité à la haine contre les travailleurs migrants
lors d’un débat public organisé samedi dernier. Il a tout spécialement
appelé à limiter l’afflux de musulmans tout en intensifiant « la pression à l’intégration. »
« J’interdirais les foulards en classe, » a-t-il dit.
« Ils ne sont pas un symbole religieux mais politique. Un symbole de la toute-puissance de l’homme sur la
femme. »
Tout comme en France, où l'on a interdit le port du
foulard dans les écoles publiques en mars 2004, les provocateurs droitiers tels
Sarrazin essaient d’appliquer un vernis féministe à leurs attaques
xénophobes. Mais il est tout à fait évident que Sarrazin ne veut pas améliorer
la situation des femmes musulmanes mais cherche bien plutôt à se défaire
d’elles et de toute leur famille.
Ce n’est pas la première fois que Sarrazin a lancé des attaques
xénophobes à l’encontre de personnes économiquement faibles et des
pauvres en les rendant responsables de leur propre pauvreté. Fin novembre, il
avait fait part de sa compréhension pour la décision de la Suisse
d’interdire les minarets. « Le référendum suisse montre qu’au
plus profond de la société les gens pensent autrement que la classe politique
et la majorité des médias veulent bien le croire. »
Il y a environ deux mois, ce membre du SPD avait laissé libre cours à son
racisme dans le magazine Letter International. Les Turcs et les Arabes,
avait-il écrit, n’avaient « aucune fonction productive mis à part le commerce des fruits et légumes. » Et leur
nombre s’était accru en raison d’une politique incorrecte, a-t-il
dit.
Les Turcs qui ne cessent de produire de nouvelles « petites filles à
foulard », a dit Sarrazin, sont en train « de
conquérir l’Allemagne, tout comme les Kosovars avaient conquis le
Kosovo : en raison d’un plus fort taux de natalité. Cela me plairait
s’il s’agissait de Juifs d’Europe orientale dotés d’un
QI de 15 pour cent supérieur à celui de la population allemande. »
Bien que Sarrazin n’ait pas été renvoyé du directoire de la Bundesbank
après avoir tenu ses propos, il fut pourtant démis d’un certain nombre
d’autres fonctions. Le fait qu’il lance à nouveau des attaques
contre les migrants doit donc être considéré comme une prise de décision
consciente de poursuivre son offensive droitière à l’aide de ce programme.
Il veut habituer l’opinion publique à ses paroles racistes et rassembler
les personnes partageant les mêmes vues.
Ceux-ci se trouvent parmi les représentants industriels et les vétérans
d’extrême droite ainsi que parmi les anciens gauchistes de la classe
moyenne. Après sa récente tirade, des personnalités tel le
philosophe Peter Sloterdijk et Olaf Henkel, l’ancien président de la
fédération allemande de l’industrie (BDI) sont intervenus en faveur de
Sarrazin. Une procédure d’exclusion du SPD à son encontre a été
abandonnée depuis longtemps : le parti considère manifestement que de tels
propos sont compatibles avec son programme.
Cette fois-ci aussi Sarrazin a rapidement trouvé des partisans dans les
rangs de la politique officielle et dans les médias.
C’est ainsi que le maire de Berlin-Neukölln, Heinz Buschkowsky (SPD),
a dit qu’il faudrait réfléchir à intervenir de cette manière « dans
la vie des migrants ».Et
qu’il se faisait du souci parce que « les rites
étaient aussi appliqués aux petits enfants, du jeûne au port du foulard ».
Il y a quelques semaines, Buschkowsky avait fait parler de lui lorsqu’en
parlant de l’introduction d’une allocation pour enfant envisagée
par le gouvernement il avait visé les personnes économiquement faibles en
disant avec une arrogance mêlée de chauvinisme : « Dans les couches
inférieures allemandes ça sert à payer l’alcool et dans les couches
inférieures des immigrés ça sert à faire venir la grand-mère du pays pour
éduquer les enfants, dans le meilleur des cas. » Il y a quelques jours, il
avait accusé la mosquée du quartier de Neukölln de former des « guerriers
de Dieu».
Le président de l’Union chrétienne démocrate (CDU) de Berlin, Frank
Henkel, était même allé jusqu’à qualifier d’« anti
intégration » le fait de renoncer à interdire le port du foulard. Dans un
article publié dans le journal Tagesspiegel, Werner van Bebber a soutenu la position de Sarrazin en
lui reprochant seulement de trop se concentrer sur les « consommateurs de
l’Etat social » et pas assez sur « ceux qui le
financent. »
Les provocateurs droitiers vont à l’offensive partout en Europe. Au
début du mois, à l’Assemblée nationale en France, les représentants du
parti dirigeant, l’UMP (Union pour un mouvement populaire), avaient
réclamé une extension de l’interdiction du port du foulard.
L’interdiction des minarets en Suisse poussée en avant pas les partis de
droite avait également fait les gros titres
Le président français Nicolas Sarkozy les a repris à son compte dans le
cadre d’un débat sur « l’identité nationale » qu’il
avait initié. Dans un article publié dans le journal Le Monde, il a
défendu la décision suisse sur les minarets en énumérant une liste
d’exigences à l’adresse des musulmans en
France qui devraient pratiquer leur culte avec « humble discrétion »
en reconnaissant les valeurs républicaines.
Le fait que la droite soit en mesure d’agir avec autant
d’agressivité est la conséquence de la faillite de la soi-disant gauche.
Il n’y a personne dans la politique officielle qui puisse sérieusement
défier les provocateurs droitiers. Le SPD, les Verts et La Gauche sont tous
responsables de la catastrophe sociale qui a contribué à la ghettoïsation des
villes et à l’appauvrissement de larges sections de la population,
notamment les immigrés. Ces partis sont organiquement incapables de
s’opposer à ceux qui tentent de faire porter les conséquences de leur
propre politique à ceux qui en souffrent le plus.
Ce n’est pas par hasard que c’est Thilo Sarrazin qui lance à
nouveau ce débat. En tant que chargé des Finances au Sénat de Berlin sous le
mandat de la coalition SPD-La Gauche, il a été personnellement responsable
d’un nombre de coupes sociales sans précédent dans la ville. A présent,
il est soutenu par des sections de la classe moyenne qui au vu d’une
polarisation sociale grandissante se rangent du côté des riches en espérant
pouvoir défendre leur propre position sociale grâce à l’exploitation des
plus vulnérables de la société.
Dans ses écrits des années 1930 sur le fascisme, Léon Trotsky décrivait
comment le national-socialisme avait découvert comment la lie de la société
pouvait servir en politique. Sarrazin fait un calcul semblable. Avec ses mots
d’ordre chauvins, il essaie de mobiliser les sections les plus arrogantes
de la classe moyenne contre les travailleurs en permettant ainsi à
l’élite dirigeante d’appliquer son programme de coupes sociales et
de guerre et ce en dépit de toute résistance.