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Affaire Villanueva : l’enquête publique révèle une campagne pour blanchir la police

Par L. Lafrance, L. Girard et E. Marquis
8 décembre 2009

Le 9 août 2008, le jeune Fredy Villanueva tombait sous les balles d’un policier dans le quartier ouvrier de Montréal-Nord pour avoir protesté contre l’arrestation de son frère. Le lendemain, une manifestation spontanée contre la brutalité policière avait dégénérée en émeute. La police et les médias ont ensuite mené une campagne de désinformation pour blanchir les policiers responsables de ce crime. (voir les deux articles suivants : Les médias canadiens cherchent à couvrir les causes sociales de l’émeute à Montréal-Nord et Québec : La tentative de blanchir la police pour la mort d’un jeune homme échoue et provoque une crise politique)

C’est ce qui ressort des premières audiences de l’enquête publique convoquée par les autorités sous la pression populaire.

Ces audiences ont révélé que le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a menti sur ce qui s’est réellement passé lors de l’intervention du 9 août et que cette version déformée des faits a été reprise et diffusée telle quelle par les médias, sans que ceux-ci ne cherchent sérieusement à éclaircir les faits.

L’information véhiculée depuis les tout premiers moments suivant le décès de Fredy Villanueva, voulant que les policiers aient été « encerclés, projetés au sol et étranglés », a été démentie par le témoignage de Bruno Duchesne, enquêteur principal de la SQ (Sûreté du Québec, police provinciale) dans l’affaire Villanueva.

Suite à l’enquête de la SQ, aucun des 111 témoins interrogés ne dit avoir vu les policiers « encerclés, projetés au sol et étranglés », a fait savoir Duchesne dans son témoignage. Le rapport médical démontre aussi qu’il n’y a aucun signe d’étranglement au cou d’aucun des deux policiers impliqués dans la mort de Villanueva, Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte. Ces révélations démontrent la fausseté des affirmations largement véhiculées dans les médias au lendemain de la tragédie, comme celle-ci parue dans le journal La presse le 11 août 2008 : « Les passants qui ont vu la scène affirment que l'un des jeunes a sauté au cou d'un policier ».

Autre point important révélé durant les audiences, les deux policiers impliqués n’ont pas été immédiatement séparés après les événements, ce qui contrevient à la procédure à suivre lorsqu’il y a mort d’homme.

Selon un document interne du SPVM, intitulé « Mode de fonctionnement - Intervention particulière », le superviseur de quartier (René Bellemare dans ce cas) « doit isoler le policier impliqué » et s’assurer que « personne n’entre en contact » avec les témoins civils et policiers. Mais les agents Lapointe et Pilotte ont été reconduits ensemble au poste du quartier 39 et ensuite à l’hôpital Notre-Dame, où ils ont rencontré un délégué syndical.

À l’opposé, tous les autres témoins ont été isolés afin qu’il n’y ait pas ajustement des versions. La procédure d’isolement à donc été appliquée pour les citoyens, mais pas pour les policiers. Même que Jeffrey Sagor Metellus (atteint d’une balle dans le dos lors de l’intervention policière), encore sous sédatif, a été interrogé sur son lit d’hôpital, tandis que Denis Méas (atteint à l’épaule), aussi sur son lit d’hôpital, a été accusé de voies de fait.

Toujours selon les procédures du SPVM, le policier doit rester disponible pour collaborer à l’enquête policière interne. Or, aucun des deux policiers n’a été interrogé. La SQ n’a pas cru bon d’interroger Pilotte, se contentant d’un rapport écrit. Quant à Lapointe, celui qui a ouvert le feu, il n’a été considéré comme suspect que suite à la remise du rapport écrit de sa collègue, soit le 15 août 2009. Il a alors invoqué son droit au silence et n’a remis son rapport écrit qu’un mois plus tard.

Duchesne s’est défendu de ne pas avoir interrogé les policiers sous le prétexte qu’il devait accumuler le plus grand nombre d’indices avant l’interrogatoire. À ce sujet, Jean-Paul Brodeur, professeur en criminologie de l’Université de Montréal, mentionne qu’il n’a « jamais rencontré un seul cas où les policiers se sont abstenus de rencontrer les témoins de l'affaire. En général, ils sont rencontrés très rapidement (…) On rencontre les témoins justement pour avoir des certitudes».

Afin d’expliquer ce manquement aux règles élémentaires, Duchesne a affirmé que les policiers sont « honnêtes » et qu’il pouvait se fier sur les rapports des agents Lapointe et Pilotte. Il a dit aussi qu’il en était à sa première expérience à titre d'enquêteur principal dans une enquête sur un autre corps de police et qu’il n’a jamais lu les règles. Les excuses bidon de Duchesne se révèlent être un moyen commode pour camoufler ce qui s’est vraiment passé et protéger les policiers impliqués dans la mort de Villanueva.

Ces pratiques au sein de la police sont le reflet du genre d’interventions que les policiers mènent dans la population et qui sont défendues tant par les médias que le gouvernement et les partis d’opposition.

Procédant depuis des décennies au démantèlement des infrastructures sociales et des services à la population, l’élite dirigeante a de plus en plus recours à la répression comme « solution » aux tensions sociales. Ces dernières sont le résultat inévitable des besoins criants de toute une couche de la population, et notamment des jeunes, qui manque de tout et qui est de plus en plus aliénée des pouvoirs établis.

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