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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La conférence de Munich sur la sécurité : une épreuve de force

Par Ulrich Rippert
10 février 2009

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Une multitude de personnalités politiques de haut rang participent à la 45e conférence sur la sécurité qui se tient ce week-end à Munich. Le président américain Barack Obama y a envoyé son adjoint, le vice-président Joseph Biden, ainsi que d’autres membres de la délégation américaine dont le conseiller à la Sécurité nationale, James Jones, le chef du commandement central des forces américaines, David Petraeus et le nouveau représentant spécial américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke.

L’Allemagne aussi y a envoyé ses représentants politiques les plus en vue, y compris la chancelière Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU), le vice-chancelier Frank-Walter Steinmeier (Parti social-démocrate d’Allemagne, SPD), le ministre de l’Intérieur, Wolfgang Schäuble (CDU) et le ministre de la Défense, Franz Josef Jung (CDU). Seront également présents, le président français, Nicolas Sarkozy, le premier ministre polonais, Donald Tusk, le premier ministre russe, Sergeï Ivanov et Hamif Karzaï, le président de l’Afghanistan. Parmi les 300 participants à la conférence se trouvent treize chefs d’Etat et de gouvernement et plus de 50 ministres.

La conférence de Munich marque la première apparition du nouveau gouvernement américain sur la scène européenne. Et il s’agit aussi d’une première épreuve de force entre les principales puissances américaines depuis le changement des conditions survenu suite à la crise financière et économique internationale et des problèmes grandissants que rencontre le gouvernement américain en Irak et en Afghanistan.

Lors de la conférence qui s’était tenue à Munich il y a un an, le ministre de la Défense, Robert Gates, avait vigoureusement critiqué les partenaires de l’OTAN de Washington. Eu égard à la guerre en Afghanistan il avait réclamé à l’époque un « partage équitable du fardeau » au sein de l’alliance transatlantique et exigé davantage de sacrifices de la part des puissances européennes en ce qui concerne la question de « combattre et de mourir ». Sinon la sécurité collective serait rendue impossible et « l’alliance finirait par être détruite », dit-il.

A l’époque, aucune des puissances européennes n’avait osé s’opposer à la politique de guerre agressive américaine. Au lieu de cela, Paris et Berlin espéraient la fin rapide de l’ère Bush et un changement de la politique étrangère américaine. Ce fut le sénateur américain Joseph Lieberman qui avait prévenu les Européens de ne pas viser trop haut. Lieberman avait souligné qu’eu égard à la guerre en Afghanistan, Gates ne représentait pas seulement le gouvernement Bush mais en réalité une « position américaine non partisane ». L’Europe devrait comprendre que les candidats présidentiels démocrates, Hillary Clinton et Barack Obama, partageaient aussi cette position quant à l’Afghanistan, précisa-t-il.

Lieberman a raison à ce sujet. Le président Obama et sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, ne se contentent pas de poursuivre pas la guerre en Afghanistan, ils l’intensifient considérablement. Le président qui avait promis le changement pendant sa campagne électorale, n’a pas seulement maintenu Robert Gates à son poste de ministre de la Défense, mais sa première mesure gouvernementale a aussi été d’envoyer 10 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Il projette de déployer 20 000 hommes de plus doublant ainsi les effectifs américains dans la région tout en étendant la guerre au Pakistan.

La composition de la délégation américaine à la conférence sur la sécurité de cette année montre clairement à quel point la guerre en Afghanistan est cruciale pour le nouveau gouvernement américain. Le nouveau conseiller à la Sécurité nationale d’Obama, James Jones, dirigeait depuis 2003 l’United States European Command (COMUSEUCOM). Dans le cadre de cette fonction, il avait aussi commandé les troupes américaines impliquées dans l’opération Liberté immuable (Operation Enduring Freedom) en Afghanistan. Le général David Petraeus avait dirigé les forces américaines dans la guerre en Irak, il fut nommé en octobre à la tête du commandement central américain. Lors de la nomination de Richard Holbrooke comme représentant spécial américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, la secrétaire d’Etat Clinton avait déclaré que celle-ci représentait un « signe clair et fort » que les Etats-Unis étaient une fois de plus en situation d’assurer la direction du monde.

Toutefois, la situation a changé. Avec le début des crises financière et économique internationales et une série de revers militaire, le gouvernement américain a perdu de l’influence. Les gouvernements européens ont offert leur soutien mais seulement dans le cadre de leurs propres intérêts impérialistes et sous certaines conditions.

Sous le titre « Nous, Européens devons parler d’une voix unie », la chancelière allemande et le président français ont publié un communiqué conjoint dans le quotidien Süddeutsche Zeitung juste deux jours avant la conférence de Munich. Dans des termes aimables et diplomatiques, ils ont déclaré que l’époque de la domination américaine en Europe et dans le monde était définitivement révolue. « Aucun pays n’est aujourd’hui capable de résoudre seul les problèmes du monde », ont-ils souligné au début de leur communiqué pour continuer en réclamant une politique de sécurité concertée acceptée internationalement et « définie de manière plus large ». Il est nécessaire « d’analyser ensemble les situations, de prendre des décisions communes et de les mettre en œuvre dans un même esprit de partenariat ».

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La place centrale occupée dans le communiqué revient à la « reconstruction d’un partenariat avec la Russie ». Merkel et Sarkozy écrivent, « La guerre en Géorgie, à l’été 2008, a marqué une rupture. » Ils poursuivent en soulignant que c’était l’Union européenne, et non les Etats-Unis, qui « a pu arrêter la spirale de la violence et créer les conditions d’un processus de règlement du conflit ».

En tant que voisine et partenaire, la Russie est « très importante ». La collaboration au sein du conseil OTAN-Russie joue « un rôle essentiel » et devrait être systématiquement intensifiée partout où c’est possible. « L’été 2008, le président Dmitri Medvedev avait fait des propositions sur la sécurité européenne. Nous sommes prêts à conduire un débat sur ces questions, avec nos alliés, et avec nos partenaires européens, et à prendre en considération les points de vue de tous », peut-lire dans l’article qui poursuit en disant : « Mais nous appelons à tendre la main à la Russie et à relancer notre coopération au sein du conseil OTAN-Russie et entre l’UE et la Russie, si celle-ci le souhaite. »

Toute extension de l’OTAN n’est possible qu’en étroite collaboration et en accord avec la Russie. « Mais nous rappelons que pour devenir membre de l’Alliance, il y a des critères, cela implique d’être capable d’en assumer les lourdes responsabilités. » De par ces remarques, les chefs de gouvernement allemand et français ont littéralement écarté, dans un avenir prévisible, l’inclusion de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’OTAN, jusque-là une revendication clé des Etats-Unis.

Pour ce qui concerne l’Iran, le communiqué dit : « Nous comptons sur une solution diplomatique. » Derrière ce commentaire bref se cache plus qu’un simple rejet de toute attaque militaire contre Téhéran. L’Allemagne et la France avaient de par le passé été les principaux partenaires commerciaux de l’Iran et les deux pays ont fortement souffert des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis à l’Iran. Il y a des signes qui indiquent que la France et l’Allemagne vont poser un ultimatum aux Etats-Unis à Munich : toute extension de leur déploiement militaire en Afghanistan devra être compensée par un relâchement des sanctions contre l’Iran.

Le gouvernement allemand notamment demande instamment depuis un certain temps un relâchement de la politique de sanctions contre l’Iran qui possède les deuxièmes réserves de gaz du monde. Il y a quelques semaines seulement l’ancien chancelier allemand, Gerhard Schröder (SPD) s’était rendu à Téhéran. Son voyage fut qualifié d’ordre privé mais ses services ont confirmé que la visite avait été coordonnée en liaison avec le ministère des Affaires étrangères. Schröder est le président d’une entreprise qui est en train de construire un oléoduc pour acheminer le gaz russe vers l’Allemagne et l’Europe par la mer Baltique. Dans le même temps, il dispose de liens étroits avec des compagnies allemandes qui sont vivement intéressées par une coopération avec l’Iran. Dans un article paru dans le Financial Times Deutschland à la fin du mois de janvier, le principal acheteur du géant allemand de l’énergie RWE avait déclaré : «  A long terme, l’UE ne peut se permettre d’exclure la perspective d’une coopération avec l’Iran. »

Conformément à ces mêmes priorités, le président de la conférence sur la sécurité de Munich, Wolfgang Ischinger, avait souligné la signification de la participation à la conférence de politiciens iraniens influents, y compris le ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki et le président du parlement, Ali Larijani. Ischinger qui a passé 30 ans au ministère des Affaires étrangères, entre autres en tant que chef du service de planification, avait été ambassadeur d’Allemagne aux Etats-Unis ainsi qu’en Grande-Bretagne au cours des sept dernières années. Il est considéré comme quelqu’un entretenant de bons contacts avec tous.

La conférence sur la sécurité qui se déroule cette année à Munich marque un tournant dans les relations internationales. Le rôle des Etats-Unis qui avaient dominé l’axe transatlantique durant des décennies, est à présent remis en cause par un certain nombre de pays européens. D’anciennes relations sont éclipsées tandis que de nouvelles relations ne sont pas encore affirmées. Toutefois, sous la surface des relations diplomatiques, des tensions grandissantes sont en train d’apparaître de par l’Atlantique tout comme entre les grandes puissances européennes mêmes. Face à l’aggravation rapide de la crise économique, chaque pays réagit de plus en plus en donnant la priorité à ses propres intérêts économiques, politiques et militaires.

(Article original paru le 7 février 2009)


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