Malgré l’indignation internationale
croissante, l’armée sri lankaise poursuit ses opérations militaires contre les
séparatistes Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), dans le district de Mullaithivu, au nord du pays. Des tirs de barrage
d’artillerie aveugles et un bombardement aérien ont causé la mort de dizaines
de civils supplémentaires au cours de ces cinq derniers jours. Environ un quart
de million de personnes sont piégées dans la région, sans nourriture aucune,
sans abri et sans médicaments.
Gordon Weiss, le
porte-parole des Nations unies a dit à l’Associated
Press que 52 civils
avaient été tués et 80 avaient été blessés dans la seule journée de mardi.
Certains avaient été tués à l’intérieur du périmètre d’une zone désignée comme
sécurisée par le gouvernement dans le restant de la région dominée par le LTTE.
Le véritable chiffre est probablement bien supérieur, mais les reportages sont
rares étant donné que le gouvernement sri lankais interdit aux journalistes
d’entrer dans la zone de combat.
L’hôpital de Puthukkudiyiruppu, la dernière
structure médicale restant à l’intérieur du territoire dominé par le LTTE, a
été fermé après avoir subi à plusieurs reprises depuis dimanche des tirs
d’artillerie. Selon Weiss, 15 personnels des Nations unies et 81 membres de
différentes familles ont fui la région mercredi après que celle-ci fut pilonnée
pendant plus de 16 heures par un feu d’artillerie.
Weiss a dit avoir
reçu un rapport selon lequel une bombe à fragmentation avait explosé juste à
côté de l’hôpital. L’usage de bombes à fragmentation est illégal au regard de
la loi internationale. Le porte-parole de l’armée sri lankaise, le brigadier
Udaya Nanayakkara, a rapidement nié l’usage de bombes à fragmentation. Pour l’heure, le rapport n’a pas été
invalidé.
Sarasi
Wijeratne, un porte-parole du Comité international de
la Croix-Rouge (ICRC), a dit que des efforts étaient déployés pour évacuer
quelque 500 civils blessés. L’hôpital de Puthukkudiyiruppu a été réinstallé à
Puthumalan, plus près de la côte. Wijeratne a dit que réussir à se procurer de
l’eau est un problème majeur.
Le gouvernement
et l’armée accusent le LTTE de retenir contre leur gré des civils comme
« boucliers humains ». Dans le même temps, toutefois, le gouvernement
a publié en début de semaine un communiqué selon lequel il n’était pas
responsable de la sécurité des civils dans les régions contrôlées par le LTTE.
Comme cela a été le cas dans d’autres régions, l’objectif de l’armée est
clair : terroriser la population civile et transformer la région entière
en une zone de tir libre sans autorisation.
Tout en
critiquant le LTTE d’empêcher les civils de partir, le porte-parole de Human Rights Watch, Brad Adams, a condamné l’attitude du gouvernement
en disant : « Le gouvernement de Sri Lanka sait pertinemment que les
civils pris dans les combats actuels sont dangereusement piégés. Le
gouvernement fait preuve d’une indifférence impitoyable en disant que les civils
ne devraient pas s’attendre à ce que le gouvernement s’occupe de leur
protection et de leur sécurité. »
Amnesty International a exigé cette semaine
une trêve humanitaire provisoire et l’ouverture de couloirs humanitaires afin
de permettre aux civils bloqués de partir et au matériel de secours d’entrer.
Des centaines de milliers de personnes sont complètement dépendantes d’aide de
l’extérieur. La dernière livraison de nourriture arrivée dans la région date du
29 janvier.
La porte-parole
d’Amnesty International, Yolanda Foster a dit : « La situation des
civils dans la région de Wanni est inacceptable. Les gens ne peuvent se
déplacer en toute sécurité même pas pour récupérer les corps des parents tués
et les blessés n’ont pas d’hôpitaux. Un quart de million de personnes souffrent
du manque de nourriture adéquate et d’abri alors que des obus pleuvent sur eux.
La majorité de ceux qui ont réussi à échapper à la guerre n’ont pas reçu de
soins hospitaliers adéquats. »
Le Programme
alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a mis en garde hier contre une
crise alimentaire imminente dans la région de Wanni. Un convoi du PAM aurait dû
entrer dans la région jeudi mais les responsables gouvernementaux ont négligé
de lui fournir les documents nécessaires. La porte-parole du PAM, Emilia
Casella, a dit qu’il faudrait une semaine avant qu’une nouvelle tentative
puisse avoir lieu. « Nous n’avons plus de stock à distribuer [à l’intérieur de la région], et notre personnel est principalement en
train de se cacher en ce moment », dit-elle.
Des extrémistes
cinghalais ont réagi de manière hystérique aux informations restreintes
concernant la catastrophe humanitaire et émanant des groupes d’aide à
l’intérieur de Wanni. Wimal Weerawansa, le dirigeant du Front de liberté
nationale (NFF), qui est allié au gouvernement, a exigé hier l’expulsion du
chef du ICRC à Colombo, en prétextant qu’il était un
sympathisant du LTTE. Hier soir, un groupe de manifestants exigeant la même
chose a attaqué à coups de pierre le siège du ICRC.
Le gouvernement
a simplement rejeté tous les appels au cessez-le-feu, même ceux provenant de
ses partisans internationaux tels les Etats-Unis. Mardi, les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, le Japon et la Norvège, qui coprésident le soi-disant
processus de paix international au Sri Lanka, ont appelé le LTTE à se rendre et
le gouvernement à accepter un cessez-le-feu afin de discuter des modalités de
la reddition.
Le secrétaire à
la Défense, Gotabhaya Rajapakse, a exclu toute
cessation des combats. Il a indiqué jeudi au journal Island :
« Rien ne pourrait être plus ridicule que cela… Seuls, et je dis bien
seuls, le dépôt des armes et la capitulation des cadres [du LTTE], pourraient
mettre un terme à l’offensive sur le front de Wanni. »
Totalement
indifférent à la situation critique dans laquelle se trouvent les civils,
Rajapakse a ajouté : « La soi-disant période “d’arrêt des tirs”
proposée par les coprésidents dans le but d’évacuer les malades et les blessés
qui sont présentement piégés dans la région dominée par le LTTE serait
préjudiciable aux efforts du Sri Lanka pour éradiquer le terrorisme. »
Au cours de ces
derniers jours, l’armée a annoncé avoir saisi le bastion du LTTE de Vishvamadu et Chalai. Chalai, qui est situé près de Mullaithivu, était
une base importante du LTTE's Sea Tigers [Tigres
des Mers] qui est impliqué dans des opérations navales et d’acheminement de
matériel. L’armée affirme également avoir capturé le reste de la piste
d’atterrissage pour les avions légers. Il est fait état de lourds combats mais
l’armée n’a communiqué aucun chiffre sur le nombre de victimes.
Il ressort
clairement de la déclaration du ministre de la Défense que l’armée a
l’intention d’écraser le LTTE en tant que force militaire sans tenir compte des
conséquences terribles que cela entraîne pour les civils piégés. Une telle
indifférence à l’égard des civils constitue un crime de guerre selon la loi
internationale.