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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

La fin du « processus de paix » sri lankais

Par K. Ratnayake
13 février 2009

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S’il existait un prix international pour le cynisme politique, alors les co-présidents du soi-disant processus de paix sri lankais, les Etats-Unis, l’Union européenne, le Japon et la Norvège, pourraient prétendre au titre. Dans un communiqué conjoint publié la semaine passée, les quatre co-présidents, encouragés par le nouveau gouvernement Obama à Washington, ont abandonné tout semblant de neutralité en demandant aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) de déposer leurs armes et de se rendre au gouvernement du Sri Lanka.

Enrobé d’hypocrites préoccupations quant à la situation critique des civils pris dans les combats, le communiqué lance un appel au LTTE « à discuter avec le gouvernement du Sri Lanka des modalités pour mettre un terme aux hostilités, y compris le dépôt de leurs armes, la renonciation à la violence, l’acceptation de l’offre d’amnistie du gouvernement sri lankais ; et la participation au processus en tant que parti politique afin d’arriver à une solution politique juste et durable ».

C’est le comble de l’absurde ! Avec le soutien des Etats-Unis, le gouvernement sri lankais a déjà rejeté tous pourparlers avec le LTTE en le déclarant organisation terroriste. Le président Mahinda Rajapakse insiste pour dire que seule une reddition totale et inconditionnelle mettra fin au combat. Son gouvernement a même rejeté un appel des co-présidents pour « un cessez-le-feu » le temps de permettre l’évacuation des malades et des blessés. Son offre d’amnistie ne s’adresse qu’aux échelons inférieurs du LTTE et non à la direction du LTTE. Tout ceci tourne en dérision les appels à la négociation, à la participation politique et « à une solution politique juste et durable ».

Le communiqué est remarquable aussi pour ce qu’il ne dit pas. Il n’appelle pas à mettre fin immédiatement aux combats, au retrait de toutes les troupes sri lankaises sur les lignes du cessez-le-feu de 2002, et au retour des négociations de 2002-2003 soutenues internationalement. En d’autres termes, les co-présidents n’observent même plus les subtilités diplomatiques du soi-disant processus de paix auquel ils s’étaient jadis engagés.

L’ignoble hypocrisie affichée par les co-présidents ne devrait surprendre personne. Les Etats-Unis, l’Union européenne (UE), la Norvège et le Japon ont tous soutenu, d’une manière ou d’une autre, la fausse « guerre mondiale contre le terrorisme » de Washington et son occupation néocoloniale de l’Afghanistan et de l’Irak. Leur soutien au « processus de paix » au Sri Lanka n’était pas motivé par leur préoccupation concernant 25 années de souffrance de la population de l’île mais par des intérêts économiques et stratégiques des principales puissances, et avant tout de l’impérialisme américain.

Plusieurs processus avaient contribué au cessez-le-feu du 22 février 2002. En avril et en mai 2002, le LTTE avait infligé une série de défaites militaires dévastatrices à l’armée sri lankaise en capturant la stratégique Passe de l’Eléphant et en menaçant d’écraser les 50 000 hommes piégés sur la péninsule de Jaffna. Le gouvernement de la présidente Chadrika Kumaratunga avait été plongé dans une crise politique et économique profonde alors qu’elle se précipitait pour acheter du matériel dans le but de consolider l’armée et son gouvernement.

Suite au 11 septembre 2001, des sections de l’élite dirigeante sri lankaise avaient entrevu l’occasion de forcer le LTTE à rejoindre la table des négociations en posant leurs conditions, au risque sinon de devenir la cible de « la guerre contre le terrorisme » américaine. Lorsque Kumaratunga résista, son gouvernement perdit sa majorité parlementaire et le parti rival United National Party (Parti national uni, UNP) remporta l’élection et signa le cessez-le-feu.

Les Etats-Unis appuyèrent conditionnellement le processus de paix. Washington était préoccupé par l’impact de la guerre sri lankaise pourrait avoir dans l’Inde voisine où ils étaient en train de nouer rapidement des liens économiques et stratégiques plus étroits. Le cessez-le-feu fut immédiatement acclamé internationalement comme étant un signe annonciateur de la paix, de la démocratie et de la prospérité pour cette île ravagée par la guerre et un exemple pour le monde. Les co-présidents promirent le versement de 4,5 milliards de dollars d’aide pour la reconstruction, comme moyen de remporter un avantage politique.

Il devint rapidement évident que les co-présidents étaient loin d’être impartiaux. Alors que les extrémistes cinghalais à Colombo se plaignaient amèrement de la partialité pro-LTTE, le processus penchait toujours lourdement au détriment du LTTE qui était obligé de formellement renoncer à ses exigences pour un petit Etat dans le Nord et l’Est avant même le début des négociations. Les pourparlers échouèrent en avril 2003 avant même qu’une discussion en vue de trouver une solution politique ait pu commencer, après une série de provocations navales qui firent couler des navires du LTTE. La dernière goutte qui fit déborder le vase fut le refus des Etats-Unis de rayer le LTTE de la liste des organisations terroristes, l’empêchant de ce fait de participer aux pourparlers à Washington.

Comme ce fut le cas de toutes les tentatives antérieures de négocier la fin de la guerre, l’establishment politique sri lankais qui fonde depuis 1948 son régime sur l’idéologie de suprématie cinghalaise, se révéla incapable de faire la moindre concession. Le gouvernement UNP fut accusé par la présidente Kumaratunga, par l’armée et les partis chauvins cinghalais, tel le Janatha Vimukthi Peramuna (Front populaire de libération, JVP), de trahir la nation par le simple fait d’envisager un accord de partage du pouvoir entre les élites cinghalaise et tamoule. Kumaratunga prit finalement la décision de dissoudre le gouvernement en 2004.

En coulisses, l’armée sri lankaise profita du cessez-le-feu pour se réarmer et ré-entraîner ses forces ébranlées avec l’aide des Etats-Unis et d’autres alliés. Tandis que Washington continuait de reconnaître en paroles le mérite du processus de paix, un certain nombre de diplomates et de généraux américains de haut rang multiplièrent les visites à Colombo et des accords furent signés. Les conditions étaient réunies pour le relancer la guerre lorsque Mahinda Rajapakse remporta de justesse les élections en 2005 grâce au soutien du JVP.

De faibles tentatives de faire redémarrer les pourparlers de paix échouèrent en avril 2006 quand le gouvernement Rajapakse insista pour que soit réécrit le cessez-le-feu de 2002 dans le but de favoriser l’armée sri lankaise. Mais la fin était proche. Une série de meurtres provocateurs et d’enlèvements signalaient que Rajapakse avait détaché de sa laisse l’armée avec ses escadrons de la mort et ses paramilitaires.

En janvier 2006, l’ambassadeur américain, Jeffrey Lunstead, avait déjà notifié le soutien de Washington pour la guerre en mettant en garde le LTTE qu’il aurait à faire face « à une armée sri lankaise plus forte, plus capable et plus déterminée » à moins qu’il ne renonce à la violence et qu’il se désarme. Les Etats-Unis appuyèrent la menace non seulement par une aide militaire mais par une campagne diplomatique en exerçant une pression sur l’UE et le Canada pour qu’ils interdisent le LTTE et retirent de ce fait leur soutien politique et financier vital à la diaspora tamoule.

Quiconque a suivi les événements de ces deux dernières années avec un minimum de distance ne sera pas surpris par le récent communiqué publié par les co-présidents. De légères protestations épisodiques concernant les sévices les plus flagrants de l’armée sri landaise ont été accompagnées d’accusations portées contre le LTTE pour avoir cherché à défendre son territoire. Les Etats-Unis et leurs coprésidents alliés n’ont émis aucune critique contre le gouvernement Rajapakse lorsqu’il a lancé une offensive après l’autre à partir de juillet 2006 en flagrante violation du cessez-le-feu de 2002 et a fini par rompre complètement l’accord au début de l’année dernière.

Les co-présidents ne sont pas des spectateurs impuissants et passifs, mais bien des participants actifs et qui portent la responsabilité politique pour la guerre perpétrée par le gouvernement sri lankais et la catastrophe humanitaire qui se déroule en ce moment dans le Nord du Sri Lanka. Tout comme l’invasion israélienne soutenue par les Etats-Unis à Gaza et qui a résulté dans le massacre de centaines de civils, la guerre au Sri Lanka est un avertissement sur les méthodes criminelles qui sont à présent mises en pratique par les puissances impérialistes dans le but de promouvoir leurs intérêts économiques et stratégiques.

Le processus entier souligne le fait que les revers du LTTE ne sont pas simplement d’ordre militaire mais découlent de la banqueroute de sa perspective politique. Son adoption du faux processus de paix en 2002 n’était pas une aberration mais le résultat d’un programme pour un Eelam indépendant qui a toujours été basé sur l’obtention du soutien de l’une ou de l’autre des principales puissances impérialistes. Aujourd’hui, le LTTE continue de lancer des appels au bon vouloir de cette même « communauté internationale » qui soutient la guerre du gouvernement. Son séparatisme tamoul qui représente les intérêts de la bourgeoisie tamoule a exclu toute approche à la seule force sociale qui est capable de défendre de façon conséquente les droits démocratiques, la classe ouvrière.

La mort du processus de paix est également un témoignage accablant de ses défenseurs les plus en vue à Colombo, les représentants radicaux de la classe moyenne, le Nava Sama Samaja Party (NSSP) et l’United Socialist Party (USP). Ces prétendants socialistes qui agissent de concert avec la petite industrie de « paix » des ONG et des groupes de réflexion ont fait carrière en trompant les travailleurs et les jeunes en leur faisant croire que la seule manière de mettre fin à la guerre était de compter sur l’une ou l’autre faction de la bourgeoisie sri lankaise et sur les bons services des principales puissances internationales. Alors que leur dernier allié en date, l’UNP droitier, a associé sa voix aux célébrations de la victoire de Rajapakse, le NSSP et l’USP continuent de plaider en faveur d’une reprise des pourparlers de paix parrainés par les impérialistes

Il est temps que les travailleurs tirent les conclusions nécessaires. Pour organiser une véritable lutte contre la guerre, la classe ouvrière doit compter sur sa propre force et se mobiliser indépendamment de toutes les factions de la bourgeoisie en se basant sur un programme socialiste afin d’abolir les racines de la guerre, à savoir le système capitaliste même. C’est précisément une telle perspective qui a été élaborée et pour laquelle lutte le Parti de l’égalité socialiste (SEP) au Sri Lanka et, sur un plan plus vaste, en Asie du Sud.

(Article original paru le 9 février 2009)


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