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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Plan de relance de l’industrie automobile, une nouvelle attaque contre la classe ouvrière

Par Antoine Lerougetel
30 janvier 2009

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Le premier ministre François Fillon a annoncé le 20 janvier un projet d’injection de 5,5 milliards d’euros dans l’industrie automobile nationale pour tenter de la protéger de l’effondrement de l’économie mondiale. Ce transfert de fonds massif vers les entreprises privées est présenté comme un plan de défense des emplois français.

En réalité c’est une attaque contre les travailleurs français et étrangers, grossièrement masquée par des appels au patriotisme économique et qui a pour objectif de monter les travailleurs français contre leurs collègues des autres pays. On sous-entend par là que les emplois français peuvent être « sauvés » aux dépens des travailleurs produisant des voitures dans les pays où le coût du travail est moins cher. C’est une approche soutenue par les syndicats français.

En décembre, de nombreux travailleurs du secteur automobile de France et d’Europe ont été mis au chômage technique ou ont vu leur temps de travail réduit et les usines ont été temporairement fermées pour écouler les stocks de voitures invendues qui s’accumulaient.

La situation au retour des fêtes de Noël est toujours sombre. Il suffit de regarder la situation à l’usine Renault Sandouville près de Rouen en Normandie. Les travailleurs ont fait grève et ont manifesté la semaine dernière lorsqu’ils ont appris que l’usine ne sera ouverte que huit jours en février et seulement le matin. Durant cette période, l’usine ne produira que 240 Laguna par jour, au total moins de 2000 voitures, soit six fois moins que lorsque le modèle avait été lancé à l’automne 2007. L’année dernière, 95 000 voitures seulement avaient été vendues au lieu des 180 000 à 200 000 prévues.

En juillet dernier, Renault avait annoncé la suppression de 1000 emplois sur les 3500. Son PDG Carlos Ghosn avait promis de ne pas fermer l’usine et avait dit que la production d’un nouveau véhicule utilitaire commencerait en 2012. En attendant, le personnel travaille avec des horaires réduits et subit une perte de salaire de 35 pour cent par jour. Le salaire moyen d’un opérateur est de 2230 euros brut par mois.

Renault prévoit de supprimer 4000 emplois en France d’ici la fin du mois d’avril et a annoncé en janvier que 980 travailleurs s’étaient portés volontaires pour ces licenciements.

La direction de l’usine Peugeot-Citroën PSA de Sochaux, le site le plus important de France, après avoir fermé l’usine pendant tout le mois de décembre et six jours en janvier, a annoncé la suppression des équipes de nuit pour la fabrication de la Peugeot 308 et cinq jours de chômage technique pour la main-d’œuvre en février, suivie de quatre jours en mars. Quelque 800 travailleurs en contrat de courte durée, intérimaires et CDD (contrat à durée déterminée), ne verront pas leur contrat renouvelé.

L’usine PSA de Rennes en Bretagne, qui a été fermée pendant quatre semaines à partir du 12 décembre, aura cinq jours par mois d’arrêt de la production, de janvier à mars, ainsi que des roulements pour d’autres mises au chômage technique. La direction prévoit de supprimer 1750 emplois en 2009, soit 20 pour cent de la main-d'œuvre actuelle qui compte 8000 travailleurs. L’usine employait 12 000 travailleurs en 2005 et il est prévu de réduire cette main-d'œuvre à tout juste 6000 travailleurs d’ici la fin de 2009.

Le financement gouvernemental annoncé par Fillon permettrait aux entreprises Automobile d’éviter de payer les 8 pour cent de taux d’intérêt exigés par les banques et de proposer des crédits bon marché aux concessionnaires et aux acheteurs. Et ceci viendrait s’ajouter aux 500 millions d’euros déjà remis à chacun des principaux producteurs français, Renault et Citroën, et aux mille euros de prime à la casse proposés aux acheteurs en échange de leur vieille voiture.

En annonçant le plan de relance de l’industrie automobile, Fillon a semblé s’inquiéter du maintien des usines en France, mais il a soigneusement évité d’imposer des restrictions concernant les suppressions d’emplois : « Il n'est pas question que l'État vienne en aide à un constructeur qui déciderait de fermer purement et simplement un ou des sites de production en France. » Dans la même veine, le ministre de l’Industrie Luc Chatel a annoncé que le gouvernement était prêt à fournir les fonds pour surmonter « les besoins de trésorerie à court terme » mais qu’il exigerait un gel sur les fermetures d’usines, les bonus des patrons et les dividendes des actionnaires.

Mais on peut être sûr que le plan de relance de Sarkozy n’empiètera pas sur les énormes revenus des patrons et des actionnaires. Les patrons de l’automobile acceptent ce qui revient à de l’aide pour la fermeture provisoire d’usines non utilisées dans l’attente d’une nouvelle augmentation de la demande. Cependant ils ont rejeté avec arrogance toute interférence de l’Etat sur les questions de rémunération des cadres et des actionnaires. Christian Streiff, président de Renault-Citroën, a dit aux médias qu’une injection de liquidité était un besoin urgent, mais a averti que le gouvernement ne devrait pas dire aux entreprises automobiles comment faire tourner leur entreprise. Le journal britannique Independent a cité sa remarque signifiant que les cadres de l’industrie ne souhaitent pas permettre au gouvernement de « se substituer à la direction » en imposant un gel sur les bonus et les dividendes.

Il se peut aussi que l’aide soit étendue aux compagnies étrangères tels Toyota et Smart pour les encourager à maintenir leurs usines en France.

Quant à l’attitude des entreprises concernant les fermetures d’usines, le porte-parole de Peugeot-Citroën Hughes Dufour est cité dans le Wall Street Journal du 21 janvier : « On ne voit vraiment pas pourquoi le PDG d’une société indépendante cotée en bourse devrait faire de telles promesses à l’Etat. »

Streiff a déclaré dans un entretien au Figaro qu’il pensait pouvoir garder des entreprises fonctionnant au ralenti, « à condition de redéfinir la taille de chaque usine en fonction du nombre de véhicules qu’elle produit ». Le gouvernement n’a exprimé aucune opposition à cette condition.

Le Wall Street Journal cite néanmoins une porte-parole représentant la société Renault dont l’Etat détient 15 pour cent des parts : « "C’est normal que l’Etat demande de telles garanties", a dit Nathalie Bourotte porte-parole de Renault, et elle a ajouté que Renault n’envisageait actuellement aucune fermeture d’usine en France. » Le Journal exprime son scepticisme quant à ces assurances : « Les promesses de ne pas fermer d’usines risquent d’être difficiles à tenir : La demande pour les voitures neuves a chuté et peu d’analystes s’attendent à ce que la demande européenne en automobile ne retrouve les niveaux d’avant la crise avant au moins cinq ans. » En effet, comme on l’a vu plus haut, Renault continue à supprimer des emplois.

L’industrie automobile est subordonnée aux conditions du marché et aux exigences de profit. Les garanties données du maintien des emplois et des usines n’ont aucune valeur. Sur la question des fermetures, Reuters cite Chatel, le ministre de l’Industrie : « L'enjeu est de taille au moment où les surcapacités de production du secteur sont estimées à 20 pour cent en Europe ce qui signifie la fermeture à terme de dix à douze sites. »

L’annonce du plan de relance de l’industrie automobile a été faite dans un contexte mondial de « resserrement du crédit » qui a provoqué une forte contraction de l’industrie dans le monde entier. L’industrie automobile a été particulièrement touchée. Les ventes de voitures ont chuté de 18 pour cent en décembre en Europe et on prévoit un déclin de 15 à 20 pour cent en 2009 avec un taux de licenciements similaire de 150 000 à 200 000, selon l’Association des constructeurs européens.

En France, l’industrie automobile et ses fournisseurs emploient actuellement 2,5 millions de travailleurs, soit 10 pour cent des personnes en activité dans le pays. Les ventes de décembre n’avaient diminué « que » de 6,5 pour cent par rapport à décembre 2007. La prime à la casse de 1000 euros pour ceux qui achètent des voitures neuves a ralenti ce déclin mais a surtout encouragé l’achat de petites voitures produites à l’étranger. On prévoit une chute beaucoup plus vertigineuse des ventes en 2009. Crédit Suisse estime que Renault a la plus grande réserve de voitures invendues de tous les producteurs automobile européens.

Le Figaro fait remarquer que « Le maintien de l'activité en France suppose aussi d'inverser une tendance lourde qui a vu ces dernières années les constructeurs diminuer le nombre de voitures produites en France (un million de moins entre 2002 et 2007) pour l'augmenter en Europe de l'Est où les coûts sont plus bas. Les deux constructeurs ont notamment délocalisé vers l'Est la production de leurs petits modèles, ceux dont les ventes progressent le plus en France. »

Le prix que la classe ouvrière devra payer pour maintenir la production en France est partiellement révélé par Carlos Ghosn, PDG de Renault. Il a indiqué qu’il était prêt à prendre des engagements en échange de l’argent public, mais qu’il considérait qu’il était « fondamental » que le gouvernement agisse en retour pour maintenir la compétitivité de l’industrie française, en accordant des concessions sur les taxes et les contributions sociales des employeurs. Il s’agit là d’attaques cachées significatives contre les droits sociaux des travailleurs.

Ghosn a demandé que la taxe professionnelle soit suspendue et que les charges sociales soient abaissées. Il explique : « L'écart de coût de production entre la France et un pays de l'Est s'élève à 10 pour cent du total, soit en moyenne 1400 euros. Sur cette somme, 400 euros sont liés au salaire, 250 euros à la taxe professionnelle et 750 euros au différentiel de charges sociales. »

La taxe professionnelle sert à financer les services des collectivités territoriales et les contributions patronales financent les prestations de sécurité sociale (maladie, chômage, retraite.) Ces attaques proposées et la référence menaçante de 400 euros en salaire donnent une idée de l’effort actuel visant à détruire le niveau de vie des travailleurs en faisant du chantage au chômage. Dans la situation actuelle d’une crise économique mondiale dévastatrice, les concessions exigées par Ghosn seront vite largement dépassées.

Les différentes entreprises Automobile nationales et les politiciens, activement aidés par les syndicats, ont recours au patriotisme économique pour essayer de faire accepter aux travailleurs les licenciements, les diminutions des salaires et des prestations et l’intensification de l’exploitation. Henri Guaino, principal conseiller du président Nicolas Sarkozy, dans un entretien au Figaro du 24 janvier joue la carte patriotique lorsqu’il rejette l’idée de donner la priorité au niveau de vie des travailleurs : « Mais la relance par la consommation serait une erreur économique. Le pouvoir d'achat distribué servirait surtout à acheter des produits importés. La question est de savoir si l'argent du contribuable doit servir à sauver nos emplois ou ceux des autres. » [Italiques ajoutées.]

On ne peut combattre la tentative du gouvernement et des entreprises automobile de faire baisser le coût du travail en dessous de celui de leurs concurrents, que si on unifie les luttes des travailleurs des différentes compagnies et pays pour défendre les emplois et les conditions de travail. Cela signifie qu’il faudra rompre avec les syndicats existants et fonder des organisations de lutte indépendantes qui se basent sur des perspectives socialistes internationalistes.

La CGT (Confédération générale du travail, proche du Parti communiste), du fait qu’elle accepte le système capitaliste fondé sur le profit, a sa part de responsabilité à encourager le patriotisme et la concurrence entre travailleurs. Un tract de la CGT intitulé « Bilan de Renault contrat 2009 : Rien pour les salariés. » déclare : « La direction peut amorcer une politique de vente offensive sur la Laguna en offrant des prix plus intéressants que la concurrence au lieu de supprimer 1000 postes à Sandouville. » [Italiques ajoutées.]

Un communiqué de presse de la CGT datée du 9 septembre utilise un argument « Vert » pour essayer de diviser les travailleurs de Renault de leurs collègues étrangers: « Et si Renault parle beaucoup d’écologie, il faudra nous expliquer en quoi le transport des Logan de Roumanie, des Twingo de Slovénie, du Koléos de Corée, de la Clio Estate de Turquie et maintenant des Sandero du Brésil, constitue une avancée pour l’écologie. »

Dans une lettre à Sarkozy, la CGT en appelle à son soutien, encore une fois sur la base du patriotisme économique: « L’essentiel des investissements industriels se fait à l’international (Maroc, l’Inde ou bien la prise de participation dans le constructeur russe Aftovaz) au détriment des sites … implantés en France. »

Sarkozy a clairement dit qu’il compte sur les syndicats pour l’aider à faire endosser aux travailleurs le fardeau de la crise et étouffer toute opposition. De nouveaux mécanismes sont mis en place dans ce but.

Le quotidien économique Les Echos du 14 janvier écrit : « Nicolas Sarkozy a reçu, hier, les leaders syndicaux pour aborder les effets de la crise sur l'emploi. Il promet d'associer les syndicats à la prévention et au traitement des licenciements, via des groupes de travail au niveau des branches. »  Les Echos rapporte que « Bernard Thibault (CGT) s'est néanmoins félicité du dispositif de suivi annoncé. »

(Article original anglais paru le 28 janvier 2008)


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