La révulsion ressentie dans le monde entier contre le massacre,
commis au hasard, du peuple de Gaza par Israël s’est exprimée en France par des
manifestations de masse samedi dans 90 villes. Si l’on se base sur les estimations
réductrices de la police, faisant état de 123 000 manifestants (30 000
à Paris et 93 000 dans le reste de la France), ces chiffres dépassent
largement les mobilisations déjà importantes du 3 janvier où 21 000
personnes avaient défilé à Paris.
Selon les organisateurs, plus de 100 000 personnes ont
manifesté dans la capitale ce 10 janvier. Les agences de presse ont fait état
d’une « marée humaine. » Une force de police de 3 800 hommes a
été déployée pour éviter la répétition des incidents qui s’étaient produits à la
fin de la manifestation du 3 janvier.
Organisées par le Collectif national pour une paix juste et
durable entre Palestiniens et Israéliens, les manifestations étaient soutenues
par le NPA (le Nouveau Parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot), le Parti
communiste, le Parti ouvrier indépendant (ancien Parti des travailleurs de
Pierre Lambert) et les Verts ainsi que par la CGT (Confédération générale du
travail), le syndicat enseignant FSU, le syndicat étudiant UNEF et des
organisations palestiniennes, arabes et musulmanes.
Le Monde du 10 janvier rapporte
que Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste a justifié le refus de son
parti d’appeler à la manifestation en disant, « il y a eu des mots d’ordre
inacceptables contre Israël ». Le secrétaire national du PS, Razzy Hammadi
a ajouté, « Il faut qu’on puisse afficher notre solidarité avec le peuple
palestinien sans avoir à assumer des mots d’ordre douteux de dénonciation
d’Israël. »
Toutes ces organisations mettent en avant une politique consistant
à faire pression sur l’impérialisme français, européen et américain afin qu’il
intervienne et fasse cesser le massacre, et proposent une solution nationaliste
de deux Etats à la tragédie palestinienne.
Marie-George Buffet du Parti communiste, dans le défilé
parisien a dit à la presse, « Il faut dire à l'Union européenne : "Vous
avez les moyens de faire arrêter cette guerre, vous avez les moyens de saisir
les Nations unies pour que soit mise en place une force de protection
internationale et que reprennent les discussions politiques." »
Dans la même veine, Olivier Besancenot, s’exprimant au nom du
NPA a déclaré, « C'est important de montrer à la planète entière qu'il y a
d'autres positions que celles de Nicolas Sarkozy en France et que la communauté
internationale est particulièrement hypocrite de voter des résolutions pour se
donner bonne conscience et de ne jamais les appliquer parce que, pour cela, il
faudrait que les gouvernements occidentaux, dont la France, se fâchent avec le
gouvernement israélien. »
Besancenot est en train de se faire rapidement une place dans
la hiérarchie de la gauche officielle qui ne représente en aucune manière une
menace envers l’élite dirigeante française.
Policiers anti-émeute et gendarmes, portant des vêtements de
protection, étaient postés dans toutes les petites rues adjacentes, à proximité
de véhicules armés de grilles à l’avant pour repousser la foule. Il y avait des
policiers à l’entrée de toutes les bouches de métro, constamment en contact
radio, ayant certainement reçu l’ordre de fermer les bouches de métro en cas de
confrontation avec des jeunes. Certains policiers anti-émeute, portant des
vêtements de protection, filmaient la manifestation.
La manifestation a débuté avec seulement le noyau dur des
membres et sympathisants des différents partis et organisations, mais ensuite à
partir de 15h45 une marée humaine a envahi la rue. Il y avait beaucoup de
jeunes des banlieues ouvrières et des familles entières venues avec des bébés
et des personnes âgées. Quelques jeunes ont brûlé des drapeaux américains et
israéliens lorsqu’ils se sont rapprochés du début du cortège.
De nombreux travailleurs immigrés et français sont venus
indépendamment des organisateurs pour exprimer leur immense colère face au
soutien de Sarkozy pour Israël. Il y avait une majorité de jeunes et une forte
présence de jeunes filles et de femmes immigrées.
Aux abords de la Place de la Bastille, quelques manifestants
se sont assis et ont entonné des chants de soutien au peuple palestinien. Un
homme a grimpé sur la fontaine de la Bastille brandissant une banderole sur
laquelle était inscrit, « Gouvernement arabes, assez de lâcheté, Stop à la
collaboration ! » Une personne a crié : « Cet endroit est
le symbole de la Révolution française, elle nous a donné la justice, l’égalité
et la fraternité. Dans ce lieu historique, nous exigeons la même chose pour le
peuple palestinien. »
D’autres banderoles proclamaient, « Israël assassin,
Sarkozy complice », « Rama Yade : pour Gaza où sont les droits
de l’homme ? », « Bush – Olmert, Assassins. Obama- Sarkozy, Complices! »,
« Palestiniens, Afghans, Irakiens, immigrés : même ennemi, même combat »,
« L’ennemi des Palestiniens est dans notre pays, c’est l’ami de Bush :
M. Sarkozy ! »
Des femmes qui manifestaient avaient apporté des poupons sur
lesquels était inscrit, « Israël tue les enfants de Gaza. » Faisant
référence au ghetto de Varsovie, on pouvait lire sur une pancarte, « Varsovie,
Gaza : même massacre, mêmes bourreaux » et « Arrêtez
l’holocauste à Gaza. »
Près de l’Opéra-Bastille, une manifestante se tenait sur les
marches tenant une pancarte fait maison et portant l’inscription : « Viendra
le jour, où vous aussi, payerez vos crimes de guerre. » Certains
manifestants avaient apporté les photos des jeunes victimes des bombardements
israéliens.
Le World Socialist Web Site a interviewé des
manifestants à Paris.
Djamel
Djamel, 26 ans étudiant a dit, « Les gens dans mon
quartier disent qu’il faut manifester, crier, dire d’arrêter. C’est un petit
Etat et il n’y a personne pour les sauver. Il faut l’intervention de tous les
Etats pour constituer une force qui arrête Israël. Comme il y a beaucoup de musulmans
en France, Sarkozy s’est dit que ce serait bien d’intervenir pour donner une
bonne image de la France. »
Ahmed, 56 ans a dit, « Les Israéliens ont les mains
libres pour faire ce qu’ils veulent. Tant que ce problème durera on ira à la
catastrophe, pas seulement dans la région mais dans le monde entier. Le rôle de
Sarkozy c’est le rôle des politiciens. Il joue le chaud et le froid…Vive la
paix, c’est ça qu’il faut. Pour ça il suffit que les Américains le veuillent
mais ils ne veulent pas. »
Zouere
Zouere, 21 ans, étudiant a dit, « Il ne faut pas tuer des
innocents, déjà qu’ils vivent dans la misère. Nous on essaie d’envoyer de
l’aide, des médicaments. On sait comment il est Sarkozy, il parle plutôt
qu’autre chose. Il fait des promesses et rien d’autre. »
Julien, 25 ans, doctorant a dit, « Je crains qu’Obama ne
soit pas différent de Bush et l’Europe c’est aussi la même chose. Il faut faire
en sorte que l’ONU soit la seule force armée sur place. Il faut une fusion
politique entre Israël et la Palestine. On en est loin mais il faut aller dans
cette direction. »
Reda et Kamel
Reda, 32 ans, animateur social et Kamel, 35 ans, architecte
avaient distribué 5 000 tracts listant le nom des entreprises qui
financent Israël et appelant à les boycotter. Reda a dit, « Au-delà de mes
origines arabes, je pense être objectif, j’aurais été contre ce qui se passe à
Gaza. »
Kamel a dit, « On ne sait pas sur quel pied danser avec
Sarkozy. Indirectement il soutient Israël, mais il va aussi voir les Arabes,
mais les mauvais Arabes, ceux qui soutiennent Israël, comme le président
syrien. On est face à un génocide. »
Noureddine
Noureddine, 58 ans, expert dans le pétrole a dit, « Je
suis allé en Palestine en 1971 jusqu’en 1973… Ce qui se passe a été élaboré
avec la politique française, attention, pas le peuple français. C’est une
politique élaborée à l’avantage d’Israël. L’intervention de Sarkozy et du
président égyptien sont identiques. Ils font le jeu d’Israël. Sarkozy défend
les intérêts français, des grosses boîtes françaises comme Alsthom. Il défend
ce pourquoi il a été élu. Obama s’est tu sur la question de Gaza car il y
a des intérêts américains auxquels il ne peut pas toucher en ce moment. »
(Article original anglais paru le 12 janvier 2009)