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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le premier ministre japonais dissout le Parlement et fixe la date des élections

Par Peter Symonds
30 juillet 2009

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Le premier ministre japonais Taro Aso a officiellement dissout le Parlement mardi, préparant ainsi une élection générale pour le 30 août. Le Parti libéral démocratique (LDP) au pouvoir est derrière le Parti démocratique du Japon (DPJ) d'opposition dans tous les sondages et risque de voir la fin de 53 années de pouvoir quasi-ininterrompu.

La décision d'Aso de procéder à ces élections vise en grande partie à prévenir une révolte dans les rangs du LDP contre sa direction, suite aux élections locales du 12 juillet. Dans ces dernières, considérées comme des tests, le LDP avait perdu les élections du conseil municipal de Tokyo et l'élection du maire de Nara au profit du DPJ.

DPJ rally

Campagne du DPJ dans la région de Nara

Le week-end dernier, un groupe de 135 parlementaires du LDP a demandé la convocation d'une réunion officielle du parti qui aurait eu le pouvoir de remplacer Aso en tant que dirigeant. Même si Aso et ses partisans ont réussi à éviter la manoeuvre, cela indique une division profonde et vivace dans le parti au pouvoir. Parmi ceux qui auraient été en faveur du départ d'Aso, on mentionne le nom de l'influent ministre des Finances, Kairu Yosano.

Disposant de seulement un mois avant l'élection, le LDP fait face à une possible débâcle électorale. Les sondages d'opinion du week-end dernier ont tous indiqué que le LDP sera probablement battu. Un sondage du Kyodo News a établi que 39,3 pour cent de ceux interrogés espéraient un gouvernement DPJ, alors que seulement 14,8 exprimaient une préférence pour le LDP. Le chef du DPJ, Yukio Hatoyama, était devant Aso comme premier ministre souhaité par 48,4 pour cent contre 21.

Ces nombres reflètent une aliénation de longue date des électeurs, non seulement contre le LDP mais contre tout l'establishment politique japonais. La victoire remportée haut la main par le LDP lors de la dernière élection générale en 2005 n'a pas contredit cette tendance. Le premier ministre Koizumi n'avait pu battre le DPJ qu'en se présentant comme une personnalité anti-establishment, prêt à s'opposer aux forces conservatrices à l'intérieur de son propre parti.

Lorsque sa loi de privatisation de la poste avait été rejetée au Sénat, Koizumi avait fait exclure les parlementaires libéraux démocrates qui avaient voté contre le projet, convoqué des élections anticipées et présenté des candidats « assassins » en vue, contre les rebelles. En restreignant la campagne à une seule question, Koizumi a pu noyer l'opposition populaire très large à l'implication du Japon dans l'occupation américaine de l'Irak et de l'Afghanistan.

Les conséquences sociales du programme néolibéral de Koizumi se faisant de plus en plus claires, son soutien populaire a commencé à s'effriter au fur et à mesure qu'un débat public inédit au Japon s'ouvrait sur la question de la croissance des inégalités. Depuis que Koizumi a quitté son poste de premier ministre en 2006, le LDP a multiplié les crises sous la direction d'une suite de dirigeants éphémères – Shinzo Abe, Yasudo Fukuda et maintenant Aso – qui représentaient un retour aux normes des politiques conservatrices du LDP. L'une des premières mesures d'Abe a été de réintégrer les rebelles du LDP dans le parti.

Au contraire des prétentions anti-establishment de Koizumi, Aso a donné le ton de la campagne électorale jeudi en présentant le LDP comme un parti de gestionnaires économiques expérimentés et de défenseurs de la sécurité du Japon. Accusant le DPJ de n'avoir aucun projet, il a déclaré : « On ne peut pas laisser l'économie du Japon entre leurs mains. On ne peut pas laisser la sécurité du Japon entre les mains d'un parti sans politique de sécurité. Seul le LDP peut prendre la responsabilité du futur du Japon. »

Election posters
Affiches électorales à Kyoto

Le message du LDP a cependant peu de chances de paraître crédible pour de nombreux électeurs. En dépit des affirmations d'Aso selon lesquelles les mesures d'urgences de son gouvernement commencent à payer, l'économie japonaise reste empêtrée dans la récession. De plus, la crise économique actuelle ne fait que s'ajouter à un déclin prolongé depuis le début des années 1990 suite à l'éclatement d'énormes bulles spéculatives sur les actions et les propriétés. Selon la banque mondiale, le PIB par habitant du pays est tombé de la troisième position mondiale en 1991 à la 18e l'année dernière.

Une décennie de stagnation économique, suivie des restructurations économiques accélérées de Koizumi, a créé des divisions sociales profondes. L'ancien système d'emplois à vie dans les entreprises a été abandonné, entraînant un nombre croissant de travailleurs, en particulier des jeunes travailleurs, vers des emplois à bas salaires, à temps partiel ou en travail temporaire. Lorsque l'économie a plongé en récession l'année dernière, on estime que les compagnies ont licencié 216 000 employés en contrat de courte durée, faisant monter les statistiques du chômage, que tout le monde s'accorde à considérer comme faussées, à 5,2 pour cent en mai, leur plus haut niveau depuis cinq ans.

Interrogé par le New York Times, Saburo Toyoda, vendeur de 54 ans, a exprimé le sentiment général en disant : « Les choses se sont tellement détériorées qu'il faut se demander, est-ce que quelqu'un d'autre peut faire mieux ? … C'est le moment pour des idées neuves, de nouveaux visages. » Toyoda a perdu son emploi où il avait travaillé toute sa vie il y a sept ans et a multiplié les emplois qui payent moins de la moitié de son précédent salaire. Il a déclaré au journal qu'il en a marre du long malaise du Japon.

Shiho, 23 ans, diplômée de l'université, a expliqué au New York Times qu'elle a été obligée de travailler comme réceptionniste pour un terrain de golf, après le retrait l'année dernière d'une offre d'emploi de cadre dans une grande entreprise de construction. « Je me sens trahie. J'ai étudié pour les examens d'entrée à l'université, je suis allée à une bonne université, j'ai fait tout ce qu'il fallait, et puis il y a eu ça », a-t-elle dit. Shiho a expliqué qu'elle et ses amis croient qu'il est temps de changer des choses au Japon, mais ils ne savent pas s'ils vont se donner la peine de voter. Si elle le faisait ce serait pour le DPJ.

Le DPJ espère capitaliser sur le sentiment anti-gouvernement très répandu en promettant d'accorder des aides aux parents, de rembourser les dépenses d'éducation, d'abolir les péages routiers, de réduire les taxes pour les petites et moyennes entreprises et d'accorder des aides aux familles de paysans. En même temps, le parti a déjà promis aux grandes entreprises qu'il appliquerait un programme de libéralisation plus agressif que celui du LDP. Interrogé sur la manière dont le parti propose de financer ses promesses, le DPJ a fait de vagues propositions pour réduire les gaspillages et pour réformer la bureaucratie de l'Etat.

Le tiède soutien populaire envers le DPJ vient du fait qu'il est très semblable au LDP dans ses politiques et même dans son personnel. Ce parti a été créé en 1998, en amalgamant des groupes qui avaient rompu avec le LDP ou le Parti socialiste japonais (JSP) au cours des quatre années précédentes. Le chef du DPJ, Yukio Hatoyama et bien d'autres personnalités de premier plan de son parti étaient d'ex-parlementaires du LDP. L'un des frères d'Hatoyama occupait un poste de ministre important dans le gouvernement d'Aso jusqu'à récemment.

Le DPJ peut caracoler en tête des sondages pour le moment, mais son soutien s'est déjà effrité au début de l'année lorsqu'un dirigeant du parti, Ichiro Ozawa a été impliqué dans un scandale relatif au financement d'élections par une entreprise de construction. L'affaire a particulièrement terni l'image du DPJ car elle soulignait les similitudes du DPJ et du LDP, ce dernier s'étant appuyé durant des dizaines d'années sur ses relations privilégiées avec les grandes compagnies, en particulier dans le secteur du bâtiment. Le DPJ a finalement été forcé d'exclure Ozawa pour tenter de réduire les dommages politiques.

Aso s'est concentré sur la « sécurité », et la politique étrangère pour exploiter les divergences internes au DPJ entre les anciens du LDP et ceux qui viennent du JSP. Ozawa et Hatoyama ont tous deux fait appel au sentiment anti-guerre très répandu en s'opposant aux opérations de ravitaillement naval assurées par le Japon pour la guerre américaine en Afghanistan et en remettant en question le maintient des bases américaines au Japon. Le DPJ a notamment critiqué un accord sur le transfert de marines américains de l'île d'Okinawa à celle de Guam comme étant trop coûteux pour le Japon.

Les élections approchant, le dirigeant du DPJ, Hatoyama, a cherché à assouplir la position du parti. Interrogé le mois dernier sur les missions de ravitaillement japonaises, il a déclaré : « il faut de la continuité en diplomatie… interrompre cela soudainement serait une idée très stupide ». Dans un entretien accordé à Stars and Stripes [le journal officiel de l'armée américaine, NdT] cette semaine, Keiichiro Asao, qui serait susceptible de devenir ministre de la Défense dans un gouvernement démocrate, a suggéré que tout en mettant fin au ravitaillement des navires américains et de l'OTAN, son parti pourrait envisager d'autres missions de soutien à l'occupation américaine. Tout changement de politique risque d'ouvrir des divisions dans le DPJ, particulièrement avec les ex-membres du JSP, parti qui était fondé sur l'opposition à l'alliance du Japon et des États-Unis.

À moins d'une surprise électorale, le DPJ peut remporter les élections en août, arrivant au pouvoir grâce au sentiment qu’il représentera, au pire, un "moindre mal" comparé au LDP. Sur le LDP, la défaite aura un profond impact, les récriminations et divergences retenues jusque-là émergeront rapidement. La victoire du DPJ pourrait être toute aussi déstabilisante, dès que cette coalition montée de toutes pièces devra appliquer les exigences du monde des affaires et enterrer ses promesses électorales, et sera confrontée aux désillusions et à l'opposition croissantes des électeurs.

(Article original anglais publié le 23 juillet 2009)

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