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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Des ouvriers métallurgistes prennent d'assaut le siège d’ArcelorMittal au Luxembourg

Par Ulrich Rippert
18 mai 2009

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Des sidérurgistes devant le siège de la société ArcelorMittal au Luxembourg
Photo : Pierre Heckler

Une manifestation d’ouvriers métallurgistes, mardi, devant le siège social luxembourgeois du numéro un mondial de l’acier, ArcelorMittal, donne une indication de la montée et de l’intensification des antagonismes de classe en Europe et dans le monde.

Au début de la réunion à laquelle participaient environ 200 actionnaires, la direction d’ArcelorMittal avait annoncé la suppression de 9000 emplois, y compris 6000 en Europe. L’Allemagne devrait en perdre 750, la France 1400 et la Belgique 800. Près de 1000 emplois seront éliminés aux Etats-Unis.

Quelque 1500 ouvriers métallurgistes de Belgique et de France étaient arrivés par car et par train dans la capitale luxembourgeoise pour manifester contre les licenciements prévus. Le chômage partiel avait été introduit il y a plusieurs mois au site français de Charleroi et à l’usine belge de Liège. A présent des licenciements sont à l’ordre du jour dans les deux usines.

De nombreux travailleurs étaient particulièrement en colère parce que la direction avait approuvé le versement d’un dividende de 1,1 milliard de dollars aux actionnaires en dépit d’une baisse de production et de licenciements de masse. « Nous perdons nos emplois et les actionnaires reçoivent les dividendes, » avait été le commentaire d’un travailleur de l’usine de Florange d’ArcelorMittal lors d’une interview télévisée.

La police avait bouclé le siège du groupe à l’aide de barrières de protection gardées par des unités de police spéciale. Au cours de la manifestation, des travailleurs en colère avaient subitement attaqué la police avec des pavés et des bouteilles. Les barrières métalliques furent arrachées et les travailleurs essayèrent d’enfoncer la porte d’entrée de l’immeuble. S’ensuivit une série de violents affrontements avec la police et le service de sécurité de l’entreprise.

Selon le récit de témoins oculaires, l’un des métallurgistes avait jeté une bombe fumigène par la fenêtre, répandant ainsi une odeur âcre jusqu’au lieu de réunion des actionnaires.

Selon son propre site internet, ArcelorMittal est « de loin le plus gros producteur d’acier du monde ». La société compte au total une soixantaine d’usines dans plus d’une dizaine de pays, employant 310 000 salariés.

Ce géant de l’acier est né de la fusion rapide d’entreprises productrices d’acier au cours des dernières décennies. Il est apparu dans sa forme actuelle en 2007 du fait de la fusion de deux gros aciéristes, Arcelor S.A. et Mittal Steel Company. L’ancien président de Mittal Steel, Lakshmi Mittal, se trouve à la tête de la société nouvellement fusionnée et son fils Aditya Mittal en est le président et le directeur financier. La famille industrielle indienne Mittal a développé son empire industriel en dépeçant et en restructurant des usines en mauvais état en Asie. Après l’effondrement des régimes staliniens en Europe de l’Est et en Union soviétique, elle se spécialisa dans le rachat à bon marché et dans la privatisation d’anciennes entreprises d’Etat. Son rayon d’activité s’était étendu à la Roumanie, la Pologne, la République tchèque, la Bosnie-Herzégovine, le Kazakhstan et l’Ukraine.

Selon le magazine Forbes, Lakshmi Mittal arrive au huitième rang des personnes les plus riches du monde avec une fortune de 19,3 milliards de dollars. A l’occasion du mariage de sa fille avec un financier de 25 ans de la City de Londres, il y a cinq ans, Mittal père avait dépensé 64 millions de dollars.

L’année passée, le patron d’ArcelorMittal fut décoré de la médaille Padma Vibhushan (l’ordre suprême du Lotus), la plus haute distinction indienne, pour « réalisations hautement exceptionnelles ». Le gouvernement indien organisa aussi à cette occasion une cérémonie solennelle au « Jour de la République ».

ArcelorMittal profite de l’actuelle crise de l’acier pour appliquer des mesures drastiques d’économie, de licenciements et de réduction de salaire et des bénéfices sociaux dans l’ensemble des usines faisant partie de son empire industriel. Les licenciements déjà annoncés ne sont que début de la fermeture de sites entiers de production.

Selon la Fédération mondiale de l’Acier, l’industrie de l’acier vit actuellement une chute de la demande qui est la pire depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans un contexte de récession mondiale et de baisse importante de la production automobile et de la construction mécanique, on s’attend à une chute de 14,9 pour cent de la demande d’acier pour l’année en cours. Dans l’Union européenne, la chute de la demande sera plus importante encore et devrait atteindre 28,8 pour cent. 

La Féderation de l’Acier prévoit pour 2009 une baisse d’un quart de la production d’acier brut en Allemagne. Et il semble que ce chiffre représente actuellement une sous-estimation. En avril, la production allemande d’acier a chuté de 53,1 pour cent. Selon les chiffres officiels, 45 000 ouvriers sur 94 000 en tout, se trouvent déjà en chômage technique.  

Le rôle des syndicats

Comme dans tous les autres grands trusts, les syndicats jouent chez ArcelorMittal un rôle clé pour ce qui est de mettre en oeuvre les coupes dans les emplois et les salaires. Bien que la direction de la société poursuive une stratégie internationale, que les travailleurs de plusieurs pays européens et d’autres pays dans le monde soient touchés de la même façon par les attaques sur les emplois, les salaires et les prestations sociales, les syndicats refusent d’organiser toute lutte unie de tous ceux qui sont concernés.   

Au contraire, ils collaborent étroitement avec leurs directions respectives derrière le dos des sidérurgistes et ils approuvent des concessions destinées à protéger « leur site industriel » aux dépens des ouvriers des autres usines.   

Lakshmi Mittal a une expérience considérable des rapports avec les bureaucrates syndicaux et leur politique opportuniste. En Europe de l’Est et dans les Etats de l’ancienne Union soviétique, il réalisa son plan de privatisation en étroite collaboration avec les anciens fonctionnaires des partis d’Etat. Il a aussi fait, en 2001, un don généreux au Parti travailliste britannique. Des articles de journaux ont montré à l’époque que cette générosité était directement liée au soutien apporté par le chef du Parti travailliste et du gouvernement, Tony Blair, à la prise de contrôle par Mittal de l’entreprise d’Etat roumaine Sidex. 

Quelques jours avant la protestation des sidérurgistes devant l’assemblée des actionnaires au Luxembourg, la Fédération européenne des métallurgistes (FEM) en avait appelé, dans un communiqué à la presse, à « la responsabilité et [aux] intérêts personnels » des actionnaires. Les actionnaires devaient faire en sorte que « Mital soumette un plan industriel clair » et montrent clairement « comment tous les sites d’Arcelor Mittal pouvaient être préservés de manière à permettre une reprise de la production quand l’économie repartira » disait Peter Scherrer, le secrétaire général de la FEM.

Le communiqué à la presse disait encore : « La FEM exige en particulier que les actionnaires soutiennent la conclusion d’un accord-cadre européen pour aider à résoudre la crise de l’entreprise. » En fait, un tel accord est destiné à organiser le démantèlement des emplois d’une telle manière qu’il puisse être réalisé avec succès par les syndicats. 

La colère des travailleurs, si manifeste dans leur protestation devant le siège d’ArcelorMittal, n’était pas seulement dirigée contre les licenciements de masse et le versement simultané de milliards de dividendes. Elle exprimait aussi l’opposition grandissante au refus des syndicats de conduire toute lutte internationale en défense des emplois.

(Article original paru le 15 mai 2009)


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