Olivier Besancenot, principal candidat du
Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a tenu une conférence de presse à Tournai
en Belgique le 22 mai lors de sa tournée européenne. Des reporters du WSWS
étaient présents et ont posé des questions ciblées à Besancenot au sujet de sa
récente visite en Pologne.
Après une visite en Espagne et au Portugal,
Besancenot était intervenu le 16 mai à un rassemblement à Katowice organisé par
le Parti polonais du travail (PPP, Polska Partia Pracy.) Le PPP travaille en
étroite collaboration avec le syndicat « Août 80 » et comprend dans
ses rangs des éléments ouvertement nationalistes dont des sympathisants de
l'ancien dictateur polonais Józef Pilsudski et d'ex-permanents du parti
populiste de droite, Samoobrona (Auto-défense de la République de
Pologne.)
L'un des principaux intervenants à ce
congrès du PPP à Katowice, aux côtés de Besancenot, était Bogdan Golik,
vice-président de la Chambre de commerce polonaise. Golik avait été élu au
parlement européen sur la liste de Samoobrona il y a cinq ans et il siège à présent dans le groupe
social-démocrate. Golik est actuellement un des candidats tête de liste du PPP
aux élections européennes. Dans son discours à Katowice, Golik a insisté à
plusieurs reprises pour dire qu'il était l'unique homme au parlement de
Strasbourg à sérieusement représenter « les intérêts polonais. »
Le fait que Besancenot partage la tribune
avec des personnalités aussi réactionnaires indique clairement que le NPA est
non seulement prêt à collaborer avec des forces réformistes et
sociales-démocrates, mais qu'il est aussi prêt à travailler de concert avec des
tendances ouvertement nationalistes.
Lorsque le WSWS l'a interrogé vendredi
dernier à la conférence de presse de Tournai sur le fait qu'il était prêt à
collaborer avec des personnalités de droite tel Golik, Besancenot a justifié sa
participation au congrès du PPP à Katowice en cherchant à dissimuler les
positions nationalistes de Golik. « Je n'ai vu aucun nationaliste de
droite, » a déclaré Besancenot. « On a discuté avec des
internationalistes anticapitalistes. »
Le WSWS a alors demandé à Besancenot
d'expliquer pourquoi le NPA déclare rejeter toute collaboration politique avec
le Parti socialiste français (PS) et partage cependant une tribune avec Golik,
lorsque tout le monde sait que Golik est membre du Parti socialiste européen aux
côtés du PS.
Visiblement irrité par la question,
Besancenot a répondu : « Le PPP a fait alliance avec ce député.
Décrochez votre téléphone et demandez vous-même au PPP. Si vous me demandez son
CV, je ne peux pas vous répondre. Ce n'est pas notre allié. Je l'ai entendu
parler, j'ai entendu son discours, les raisons pour lesquelles il a quitté ce
[précédent] groupe et sur quelles bases. »
Besancenot a ensuite déclaré que Golik
« ne figure pas dans la coordination de la gauche anticapitaliste dont on
parle... Le PPP a des relations, des alliances. »
Il a poursuivi : « Je persiste et
je signe, je revendique ma présence dans cette convention... Je ne vais pas
dans les autres pays pour distribuer des bons et des mauvais points. »
Il est évident que Besancenot a été perturbé
par les questions de l'équipe du WSWS. Néanmoins, il est peu plausible qu'il
ignore les activités politiques et le parcours de Bogdan Golik.
Le NPA (ou son prédécesseur la Ligue
communiste révolutionnaire, LCR) a établi des liens étroits avec le Parti
polonais du travail ces dernières années. En 2006, le président du PPP et de
son syndicat affilié « Août 80 » Boguslaw Zietek, avait accordé une
interview au journal publié par la tendance internationale de la LCR, International
Viewpoint.
Dans cette interview, Zietek avait exprimé
une position en accord avec celle avancée par Besancenot au congrès fondateur
du NPA en février 2009, à savoir que l'histoire et les traditions politiques ne
jouent aucun rôle quand il est question de choisir ses alliés politiques.
S'exprimant au nom du PPP, Zietek avait aussi souligné l'importance de
l'amnésie collective : « Nous rejetons les divisions historiques
artificielles fondées sur ce que les gens ont fait avant 1989. Si quelqu'un
veut le bien de la Pologne aujourd'hui, peu importe si, par le passé, il était
membre du parti au gouvernement ou s'il faisait partie de l'opposition. »
Zietek était intervenu à une conférence de
la LCR à Paris en 2008. Malgré les appels de Zietek et Besancenot à une
amnistie pour les trahisons politiques commises par le passé, il ne faut pas
oublier que ces deux hommes sont des politiciens expérimentés. Que Besancenot
affirme qu'il n'avait pas connaissance du passé politique droitier d'une
personnalité dirigeante du PPP telle Golik est difficile à avaler.
Quoi qu'il en soit, il y a quelque chose de
plus important encore que l'attitude de Besancenot envers Golik, à savoir son
opportunisme à tout crin et sa vision nationaliste. En premier lieu, il est
absurde de suggérer que le candidat tête de liste du PPP « ne figure pas
dans la coordination de la gauche anticapitaliste dont on parle »,
amalgame centriste du NPA, et dont le PPP fait partie.
Et que dire de l'argument selon lequel
Besancenot ne voyage pas de pays en pays pour « distribuer des bons et des
mauvais points » ? Existe-t-il un seul parti, aussi droitier soit-il,
auquel il donnerait « des mauvais points » ? Nous avons tout
simplement affaire ici à du philistinisme national et cela revient à donner le
feu vert à des alliances avec les forces les plus douteuses.
Besancenot a clairement indiqué lors de sa
conférence de presse en Belgique que l'attitude du NPA quant à une
collaboration avec des partis européens réformistes et sociaux-démocrates était
de nature purement tactique. Sur la question de travailler de concert avec des
organisations comme le Parti de Gauche français ou allemand, Besancenot a
dit : « Ce sont des questions tactiques, une question à trancher à
l'échelle européenne quand on parle d'indépendance par rapport à la social-démocratie...
Nous on leur tend une main fraternelle [aux partis La Gauche, français et
allemand] en disant "assumons ensemble notre différence." C'est une
discussion tactique, nous n'avons pas d'adversaire dans ce camp-là. Respectons
les uns les autres. Essayons d'avancer dans la lutte à l'épreuve concrète des
faits. »
La perspective fondamentalement nationaliste
du NPA s'était déjà révélée lors de son congrès fondateur où des délégués du
parti avaient rejeté la proposition d'Etats unis socialistes d'Europe en faveur
de la formule vague d'une « Europe des travailleurs et des peuples ».
Ce slogan a été repris par bon nombre d'intervenants à la conférence de presse
de Tournai.
Le fait que Besancenot soit intervenu à
Katowice et par la suite sa justification de la collaboration du NPA avec le
PPP lors de sa conférence de presse, devraient servir de sérieux avertissement.
Avec la crise économique qui s'aggrave en Europe, le Nouveau Parti
anticapitaliste va coopérer avec toutes sortes de forces afin d'empêcher que ne
se développe un mouvement de la classe ouvrière, réellement indépendant.