La crise économique internationale a des conséquences de
plus en plus dramatiques pour l’Europe. Selon les sources européennes
officielles, le nombre de personnes au chômage pour les 27 Etats membres de
l’UE a augmenté de plus de 20 millions en mars. Cela correspond à une
augmentation de 4 millions par rapport à l’année précédente. D’autres mises à
pied massives sont inévitables dans l’avenir immédiat.
De nombreux travailleurs savent que la défense des emplois
et des salaires requièrent une étroite collaboration internationale. Quelque
3000 ouvriers français de la compagnie de pneus Continental qui avaient pris un
train spécial pour manifester avec leurs collègues allemands ont été accueillis
avec enthousiasme à leur arrivée à Hanovre.
Les syndicats, cependant, font tout en leur pouvoir afin
d’empêcher une lutte internationale efficace pour la défense de tous les
emplois et les salaires, peu importe le lieu. Plutôt, les chefs syndicaux
travaillent étroitement avec les directions corporatives et les gouvernements
de leur pays respectif.
Les syndicats jouent ainsi un rôle central pour diviser et
faire du chantage aux travailleurs. Les bureaucrates syndicaux affirment que la
crise économique élimine toute alternative aux mises à pied et usent de la
menace de pertes d’emplois dans une usine pour imposer des baisses de salaires
et miner les conditions de travail dans d’autres usines.
Lorsque les mêmes ouvriers de Continental au nord de la
France ont tenté de mener une action conjointe avec leurs collègues de l’usine
Continental allemande, le président du comité d’entreprise a appelé la police
et celle-ci a fermé l’usine d’Aix-la-Chapelle à l’aide de canons à eau et de la
police montée.
La politique nationaliste des syndicats est
particulièrement visible à Opel. Les ouvriers d’Opel travaillent étroitement
depuis de nombreuses années avec les ouvriers de l’entreprise internationale
General Motors. Les automobiles produites à Rüsselsheim, Bochum, Détroit ainsi
que nombre d’autres villes sont le produit d’un processus de production
étroitement intégré internationalement.
Bien que la menace de la faillite de General Motors affecte
toutes ses usines, les syndicats font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher une
lutte internationale commune. Les comités d’entreprise allemands et d’IG Metall
ont sollicité la chancelière allemande pour une « solution
allemande ». Ils ont proposé d’importantes baisses de salaires de la part
des travailleurs allemands et la fermeture de l’usine Saab de Trollhättan en
Suisse ainsi que le démantèlement de la production d’autres usines européennes.
La dernière proposition syndicale est que les ouvriers
d’Opel de quatre usines allemandes soient prêts à sabrer dans leurs salaires et
offrir d’autres concessions totalisant 1 milliard d’euros en tant que
« contribution ouvrière » pour aider à fonder une compagnie Opel
indépendante. Cela ne ferait pas qu’avoir des conséquences drastiques pour les
revenus des travailleurs d’Opel. Ces derniers se verraient alors enchaînés aux
intérêts de profits de la direction de l’entreprise et seraient placés en
position d’opposition à d’autres sections de travailleurs de l’auto.
Dans de nombreuses usines, l’opposition aux politiques
nationalistes de droite des syndicats grandit.
Lorsque les travailleurs de l’acier ont
manifesté contre la menace de 9000 congédiements devant les quartiers généraux
de l’entreprise Arcelor-Mittal au Luxembourg au milieu du mois de mai, ils
n’étaient plus disposés à tolérer la collaboration entre les syndicats, la
direction de la compagnie et le gouvernement. De nombreux travailleurs se sont
emparés barrières de métal et on tenté de démolir l’entrée des quartiers
généraux de la compagnie, où le comité de supervision tenait sa réunion.
La lutte contre les congédiements et les
baisses de salaires prennent de plus en plus la forme d’une rébellion contre
les syndicats et les comités d’entreprise. Cette rébellion, cependant, peut
seulement réussir si elle est menée sur la base d’un programme socialiste
internationaliste.
Le déclin des syndicats n’est pas que le résultat de la
corruption largement répandue parmi les fonctionnaires syndicaux et les comités
d’entreprise. C’est la conséquence inévitable d’un programme qui s’oppose à
l’abolition du système du libre marché et qui tente plutôt d’influencer et de
collaborer à la gestion du capitalisme.
A cette fin, les syndicats ont développé une collaboration
très étroite avec les comités exécutifs des compagnies et les gouvernements. En
Allemagne, ces formes de collaborations et partenariats sociaux sont
profondément ancrées dans le système légal du pays. Dans les grandes usines,
les syndicats occupent la moitié des sièges sur le comité de surveillance. Les
représentants des comités d’entreprise travaillent à temps plein pour le
syndicat, leurs salaires étant payés par la compagnie. Le directeur de la
main-d’œuvre de la compagnie est souvent un ancien haut fonctionnaire syndical.
Durant la période de reprise économique après la Deuxième
Guerre mondiale, cette forme de partenariat social fut en mesure d’assurer une
certaine amélioration des conditions de vie et maintenir un équilibre social.
Le rapide développement de la production mondialisée combiné à l’actuelle crise
économique démasque de plus en plus le contenu réactionnaire de la perspective
des syndicats.
L’intégration mondiale du système de finance et de
production et fait disparaître les bases nécessaires pour les compromis sociaux
et a entraîné la transformation des syndicats. Dans la lutte mondiale pour les
marchés et les bas coûts de production, ces derniers s’identifient complètement
à « leurs » employeurs et « leur » gouvernement. Leur
principal objectif est de défendre leurs propres bases nationales. Pour eux,
les sacrifices des travailleurs sont inévitables et ils opposent ainsi les
ouvriers d’un pays à ceux des autres pays.
En Allemagne, les syndicats collaborent étroitement avec le
Parti social-démocrate (SPD) et le Parti de La Gauche et les aident à
démanteler l’aide et les services sociaux. Peter Hartz, l’auteur de la série la
plus draconienne de lois antisociales de l’histoire d’après-guerre de
l’Allemagne, est un ancien directeur de la main-d’œuvre à VW, dirigeant
syndical et membre du SPD qui fut conseiller très important pour le
gouvernement du SPD de Gerhard Schröder.
Du point de vue des intérêts des travailleurs, il est
désormais impossible de désigner les syndicats comme des organisations
ouvrières. Ils sont des appareils bureaucratiques qui utilisent leurs moyens
organisationnels pour supprimer tout mouvement indépendant de la classe
ouvrière et qui imposent « l’harmonie entre les classes » dans
l’intérêt des employeurs. Les fonctionnaires syndicaux sont pleinement intégrés
dans la structure de la compagnie. Non seulement ont-ils des salaires qui sont
comparables à ceux des gestionnaires, mais ils partagent aussi avec ces
derniers le même point de vue sur toutes les questions sociales et économiques
d’importance.
Le financement de syndicats dépend de moins en moins des
contributions des membres. Autrefois, la devise des syndicats était « un
sou pour chaque mark nous rend forts ». Aujourd’hui, ils peuvent compter
sur un large spectre de sources de financement, y compris leurs investissements
et leur participation dans les compagnies. Dans un certain nombre de cas, ils
sont directement financés par des instituts économiques ou par les compagnies.
On trouve un exemple récent avec le syndicat du rail allemand Transnet qui a
reçu des millions du conseil dirigeant de l’organisation patronale des chemins
de fer allemands.
En France, un pays où seulement 8 pour cent des
travailleurs sont organisés dans des syndicats, le président de l’Union des
industries et des métiers de la métallurgie Denis
Gautier-Sauvagnac a transféré 5,6 millions d’euros entre 2000 et 2007 dans des
comptes bancaires appartenant à des syndicats dans le but, a-t-il admis
récemment, de mettre « l’huile nécessaire » à la lubrification des
rapports avec son « partenaire social ». Aux Etats-Unis, le syndicat
des travailleurs de l’automobile, les UAW, contrôle la caisse de retraite
multimillionnaire de la compagnie et offre de très grands salaires à ses
dirigeants.
La lutte contre le cartel des employeurs, du gouvernement, des
syndicats et des comités d’entreprise doit commencer par le principe de la
défense de tous les emplois et salaires. Toute tentative de faire payer les
travailleurs doit être absolument rejetée. Les travailleurs ne sont pas
responsables de la crise du capitalisme. Ils n’ont pas participé aux transactions
spéculatives et n’ont pas engrangé des millions de dollars.
Pour mener une telle lutte, il est nécessaire de construire
des comités d’usine qui feront revivre la tradition des conseils ouvriers et
qui fonctionneront de façon complètement indépendante des syndicats actuels. De
tels comités doivent entrer en relation avec les travailleurs des autres usines
et des autres pays.
Lorsque les fonctionnaires des syndicats déclarent que la
défense des emplois et des salaires n’est plus possible dans le cadre des
rapports sociaux actuels, il faut en tirer la conclusion que les rapports
sociaux doivent être transformés.
Les principales compagnies et banques doivent devenir
propriété publique et des structures démocratiques doivent être fondées pour
prendre des décisions dans l’intérêt de la majorité des travailleurs et de la
population dans son ensemble. Ce n’est que sur cette base qu’il sera possible
de défendre les unités de production modernes et d’organiser la production dans
l’intérêt de la société dans son ensemble.
Une rébellion contre l’appareil corrompu des syndicats est
absolument nécessaire pour fonder de nouvelles organisations de masse
démocratiques. Cela demande un programme socialiste international et la
construction de partis qui chercheront à unir les travailleurs sur une base
internationale contre le capitalisme et pour la création des Etats unis
socialistes d’Europe. C’est le programme que défend le Comité international de
la Quatrième Internationale et sa section allemande, le Parti pour l’égalité
sociale, dans les élections européennes actuelles.