Après plus de 16
semaines de grève continue et de manifestations, le mouvement contre la loi
« d'autonomie pour les universités » présentée par le gouvernement,
la loi LRU (Libertés et Responsabilités des Universités), a pris fin. Il l'a
fait sous la pression des menaces du gouvernement concernant les examens qui
approchent et celle du sabotage par les syndicats qui ont refusé de mobiliser
toute forme de solidarité.
Cette loi ouvre la
voie à l'introduction de la compétition et de la recherche du profit dans
l'enseignement supérieur public.
Depuis février
dernier, plus de la moitié des 83 universités françaises étaient en grève.
Seule l'université du Mirail à Toulouse y est encore. Onze étudiants de
l'université de Toulouse Sud-Var ont entamé une grève de la faim pour exiger le
retrait de la loi LRU.
L'université de la
Sorbonne à Paris IV, au coeur des événements, a voté la reprise des cours le 19
mai, la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Péceresse a donné des
garanties de prolongement des bourses étudiantes et a proposé de maintenir les
résidences et restaurants universitaires ouverts pour la durée des examens qui
ont été repoussés. Le gouvernement avait déjà fait un compromis sur certaines
des dispositions de la LRU, sans affecter l'orientation fondamentale de la loi.
Les réductions de personnel ont été suspendues pour deux ans ; les
pouvoirs accordés aux recteurs d'universités pour décider des promotions et des
engagements d'enseignants (au lieu de leurs pairs) ont été réduits, et
l'attaque sur le statut des enseignants-chercheurs, visant à leur imposer plus
de charges d'enseignement, a été retirée.
Le gouvernement
voulait également supprimer l'année de stage pratique pour les étudiants d'IUFM
ayant réussi les concours de recrutement à l'enseignement, une année rémunérée
et leur accordant le statut de fonctionnaire. Un Master sur deux ans l'aurait
remplacée. Le mercredi 13 mai, le ministre de l'Éducation, Xavier Darcos,
a annoncé que cette réforme serait temporairement écartée pour les étudiants
qui réussiraient le concours en 2010/2011. Le principal syndicat enseignant, le
Snesup FSU, a présenté cela comme un « recul du gouvernement obtenu grâce
à la pression des luttes ».
Ces dernières
semaines ont vu un durcissement de l'attitude du gouvernement. Les violences
policières contre les étudiants ont été fréquentes. La police anti-émeute avait
chargé une marche pacifique à Amiens le 1er avril. La brutalité des attaques
policières contre les manifestations étudiantes contraste avec l'indifférence
des principaux syndicats d'enseignants et d'étudiants, voire leur soutien
explicite à la position du gouvernement, consistant à amender la LRU tout en
conservant l'essentiel.
Les délégués du
personnel des universités et des enseignants de la CNU (Coordination nationale
de l'université) venant de 73 universités se sont rencontrés le 29 avril à la
Sorbonne et ont juré de « ne pas organiser d'examens tant que leurs
demandes ne seraient pas satisfaites ». Les syndicats officiels n'ont pas
soutenu cet appel. Le 6 mai, Pécresse a déclaré que des retraits de salaire
seraient appliqués contre les enseignants grévistes qui refusent d'organiser des
examens ou font de la rétention de diplômes, tandis que Darcos annonçait que
les étudiants grévistes ne recevraient pas de diplôme. Frédéric Lefebvre,
porte-parole de l'UMP au Parlement a exigé des poursuites judiciaires contre
toute personne qui empêcherait les étudiants de passer leurs examens.
L'ex-dirigeant du
Parti socialiste, François Hollande, a dénoncé « une conjugaison entre un
gouvernement qui ne veut pas entendre, qui ne veut pas négocier et une extrême
gauche qui cherche, pour des raisons qui lui appartiennent, à engager un
conflit qui n’a que trop duré ».
Un article
attaquant la détermination des enseignants et des étudiants est paru dans le
journal Informations ouvrières de la semaine du 7 au 13 mai. Daniel
Shapira, un membre dirigeant du Parti ouvrier indépendant (POI) et de la CGT
(Confédération générale du Travail) y écrit « L’angoisse des étudiants, de
leurs familles, des enseignants-chercheurs monte. Cette angoisse a été
renforcée par l’appel de la dernière coordination des universités tenue le 29
avril » et affirme que « cet appel est quelque peu
irresponsable ». Le POI est l'héritier de l'OCI (Organisation communiste
internationaliste), qui avait rompu avec le trotskysme en 1971.
La grève de l'université
de cette année est une réédition de celle de 2007, année où les étudiants
s'étaient battus pendant des mois contre la loi LRU sans recevoir de soutien de
la part des syndicats enseignants ou de l'UNEF (Union nationale des étudiants
français). Dès le départ, il était clair que les syndicats enseignants et
étudiants fuyaient une fois de plus toute confrontation avec le gouvernement de
Sarkozy. Alors de 32 000 étudiants, enseignants et travailleurs des hôpitaux
s'étaient rejoints pour manifester à Paris le 28 avril contre les atteintes aux
services publics, une manifestation similaire le 14 mai maintenait une
séparation entre enseignants et hospitaliers. Les hôpitaux devraient perdre 20
000 infirmières avec la réforme du système de santé du gouvernement.
Lors du débat qui
s'est tenu sur le forum LIBE le 22 mars avec le président de l'UNEF,
Jean-Baptiste Prévost, le porte-parole du gouvernement sur la LRU, Benoist
Apparu, a noté le rôle mobilisateur des assemblées générales et des comités de
coordination nationaux. Puis il a insisté sur le fait que « les seuls
partenaires représentatifs, ce sont les syndicats. Les coordinations
nationales, c’est la démocratie des soviets. »
Les syndicats qui
ne représentent que 7 pour cent de la force de travail en France, ne sont
reconnus comme « partenaires représentatifs » par le gouvernement que
parce qu'ils servent les intérêts de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.
Prévost, dont l'organisation avait négocié l'acceptation de la LRU en 2007, a
naturellement abondé dans le sens d'Apparu. Il a déclaré que les assemblées
générales n'ont « quand même pas autant de légitimité que les syndicats
pour négocier ».
Le Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA) emmené par Olivier Besancenot a insisté tout du long sur
les luttes protestataires – invoquant « une solidarité concrète », « la
convergence des luttes », « construire des mobilisations à la base » – qui
serait suffisante selon eux pour assurer la victoire aux étudiants. La même
position a été avancée par le syndicat SUD-étudiant (pour Solidarité, Unité et
Démocratie) ainsi que les divers groupes anarchistes et syndicalistes qui se
présentaient comme une alternative à l'UNEF (proche du Parti socialiste). Leurs
appels à une grève générale ne sont jamais posés dans la perspective pourtant
incontournable de monter une rébellion politique contre la bureaucratie
syndicale et son programme de nationalisme et de collaboration de classe.
Le dernier meeting
de la conférence nationale étudiante s'est réuni le 3 mai à Dijon et a appelé à
l'abrogation de la LRU, à la validation automatique des semestres des étudiants
et à une grève générale. Mais sans proposer une lutte politique contre le
gouvernement et ses complices dans les syndicats, ce n'est qu'une bravade
rhétorique lancée devant l'imminence de la défaite.
La tâche qui se
présente aux étudiants français consiste à construire une nouvelle direction,
qui mette en avant une perspective socialiste et internationaliste contre la
politique de protestation inefficace des divers groupes « de
gauche ».
L'Internationale
étudiante pour l’égalité sociale (IEES) (International students for social
equality ou ISSE en anglais) est l'organisation étudiante du Comite
international de la Quatrième Internationale. Sa déclaration de principes
explique que :
« L'IEES
rejette la politique qui consiste à manifester pour manifester, à mettre la
pression sur les partis établis pour qu'ils "passent à l'action".
Cette perspective, caractéristique de tant de groupes dans les universités, est
une perspective en faillite, sans espoir. Notre objectif est de construire un
mouvement politique de masse, s'appuyant sur une perspective politique claire
et générale, de lutter pour le pouvoir, d'établir un gouvernement ouvrier et de
réorganiser la société sur une base démocratique, égalitaire,
rationnelle. »
L'IEES affirme que
« Notre but n'est pas de construire un mouvement purement étudiant. Le
besoin le plus urgent est celui d'un mouvement politiquement indépendant de la
classe ouvrière dans son ensemble, c'est-à-dire de la grande majorité de la
population mondiale. Les problèmes particuliers qui se posent aux étudiants
sont les produits du système capitaliste, fondé sur l'exploitation de tous les
travailleurs. »
Et surtout,
« La classe ouvrière a besoin de son propre parti, de son propre programme
et de sa propre voix. »
Pour cela, l'IEES
cherche à construire des Partis de l'égalité socialiste, en tant que sections
du CIQI, en France et ailleurs dans le monde.