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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le sommet de crise à Bruxelles dominé par des divisions

Par Stefan Steinberg
11 mars 2009

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Les dirigeants des pays membres de l’UE se sont rencontrés dimanche à Bruxelles pour une discussion d’une journée consacrée à la crise, qui est en plein essor. Alors que la crise a des conséquences catastrophiques pour l’Europe en général, elle a touché de façon particulièrement dure les pays d’Europe centrale et de l’Est.

La réunion avait été prévue début février pour discuter les plans du président français Nicolas Sarkozy de financer l’automobile française aux dépens des nations d’Europe de l’Est. Entre-temps, une multitude d’autres problèmes avaient été à l’ordre du jour, notamment l’effondrement potentiel des économies d’un nombre d’Etats d’Europe de l’Est.

A la fin de la journée de délibérations, les dirigeants de l’UE ont donné une réponse collective à la crise en signalant leur refus du protectionnisme et du nationalisme. Le premier ministre britannique, Gordon Brown, est allé jusqu’à dire qu’un retour des Etats membres de l’UE à une politique protectionniste mènerait à la ruine.

Dans la pratique, les participants au sommet furent incapables de se mettre d’accord sur une quelconque mesure concrète pour faire face à la crise de liquidité, à l’effondrement tant redouté des banques européennes ou de s’accorder sur un plan d’aide paneuropéen. Les nations européennes les plus performantes furent incapables d’élaborer un programme commun pour le sauvetage de leur industrie automobile respective. L’une des principales propositions soulevées au sommet, un renflouement de plusieurs milliards d’euros pour l’Europe de l’Est, fut platement rejetée par l’Allemagne et d’autres membres communautaires de premier plan avec l’argument que des nations en mauvaise santé ne pouvaient être traitées qu’au « cas par cas. »

Le sommet de Bruxelles a été loué par un nombre de journaux, y compris le Süddeutsche Zeitung qui a décrit l’événement en disant que « les nations européennes réalisent l’unification juste au bon moment. » En fait, rien n’est plus éloigné de la vérité. Aucun accord substantiel n’a été conclu et, en coulisses, il était évident que les divisions nationales au sein de l’UE, qui étaient devenues de plus en plus apparentes au cours de ces derniers mois, sont à présent exacerbées au plus haut point et proches de la rupture.

La réunion de dimanche avait été précédée par une mise en garde du premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany : la crise financière mondiale créait de nouvelles et dangereuses divisions au sein de l’Union européenne des 27. Près de deux décennies après l’effondrement de l’Union soviétique et de ses Etats satellites d’Europe centrale et de l’Est, Gyurcsany déclare : « Nous ne devrions pas permettre qu’un nouveau rideau de fer ne divise l’Europe en deux. »

Gyurcsany a poursuivi en proposant que les pays les plus riches de l’UE contribuent à un fonds communautaire spécial de 190 milliards d’euros afin de soutenir les économies d’un certain nombre de pays d’Europe de l’Est menacés d’insolvabilité. Signe de méfiance croissante entre les pays d’Europe de l’Est et de l’Ouest, la Hongrie et les huit autres pays de la région, la Pologne, la Slovaquie, la République Tchèque, la Bulgarie, la Roumanie et les trois Etats baltes, se sont rencontrés séparément avant le sommet afin de discuter de leur propre stratégie.

Le fait que la proposition de Gyurcsany fut rejetée par un certain nombre de pays comme la Pologne et la République tchèque est une indication de l’ampleur des divisions qui existent au sein du bloc de l’Europe de l’Est. Dans un discours tenu la semaine dernière devant le parlement polonais, le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, avait déjà dit aux députés que, pour faire face à la crise économique grandissante du pays, le gouvernement « était en quête d’une solution polonaise à un problème polonais. »

Finalement, la proposition de Gyurcsany pour un fonds de renflouement de plusieurs milliards d’euros fut catégoriquement rejetée par les gouvernements occidentaux, Allemagne en tête.

L’Allemagne et les Pays-Bas ont également repoussé une suggestion mise en avant lors du sommet d’une adhésion rapide à la zone euro pour les pays d’Europe de l’Est qui ont vu leurs monnaies dégringoler ces dernières semaines. Alors que l’Union européenne compte 27 pays et constitue le plus vaste marché intérieur du monde, seuls 16 pays sont membres de la zone euro et partagent la même monnaie.

Un nombre de pays d’Europe de l’Est sont actuellement obligés de rembourser aux banques occidentales (y compris de nombreuses banques allemandes et autrichiennes) d’énormes dettes contractées en euros, alors que leur propre monnaie subit une dévaluation rapide. Une adhésion rapide à la zone euro diminuerait de manière substantielle les remboursements de ces pays aux banques occidentales.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a refusé de céder sur la question du plan de sauvetage et de la demande d’adhésion à la zone euro. Elle a déclaré lors du sommet : « Je ne peux pas dire que la situation est la même pour tous les Etats d’Europe centrale et de l’Est », en ajoutant «  On ne peut pas comparer » la situation difficile de la Hongrie à celle des autres pays. Elle fut soutenue en cela par le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, qui a également rejeté toute « édulcoration » des critères d’adhésion à la zone euro.

Tout en rejetant les appels d’aide des pays de l’Est, les dirigeants de la France et de l’Allemagne ont clairement fait entendre au sommet qu’ils avaient leur propre liste de revendications, d’abord et avant tout, l’augmentation du financement communautaire pour le subventionnement des constructeurs automobile français et allemands.

Nicolas Sarkozy avait dernièrement brusqué ses voisins européens en liant son accord à un plan de soutien au secteur automobile français à un engagement de Peugeot et de Renault de ne pas transférer leur production à l’étranger, par exemple la République Tchèque et la Slovaquie. Plus tard, il jeta de l’huile sur le feu protectionniste en accordant à Peugeot Citroën et à Renault respectivement un prêt de 3 milliards d’euros à la condition qu’ils ne ferment pas d’usines automobile en France.

A la question posée à Bruxelles, de savoir si ses mesures de soutien de l’industrie automobile française étaient protectionnistes, Sarkozy a défendu sa position en faisant référence à son collègue britannique Gordon Brown. Personne n’a qualifié Brown de protectionniste lorsqu’il a pris une participation majoritaire et le contrôle d’un certain nombre de banques britanniques, a dit Sarkozy à la presse.

Quant à la chancelière Merkel et son gouvernement, ils sont en quête de fonds communautaires pour un éventuel sauvetage d’Opel, le constructeur automobile allemand en difficulté. Merkel et Sarkozy ont tous deux qualifié les actuelles directives communautaires en matière de subvention de trop restrictives et ont qu’elles avaient besoin d’être réformées.

La crise en Europe de l’Est

Suite au rejet de sa proposition, Ferenc Gyurcsany a, au terme du sommet de dimanche, mis une fois de plus en garde qu’un refus d’accorder des plans d’aide plus importants « pourrait résulter dans une contraction massive » des économies de l’Est et à « des défauts de paiements de grande envergure » qui affecteraient l’Europe en général. La conséquence, poursuivit-il, serait des troubles politiques accrus et une pression migratoire. 

Alors que les nations européennes influentes refusent d’accorder un plan de sauvetage substantiel aux pays d’Europe de l’Est en difficulté, l’Allemagne, la France et les autres pays communautaires sont parfaitement au courant de l’ampleur de la crise que connaissent ces pays. Après tout, ils sont les principaux investisseurs dans ces pays et, de plus, entretiennent d’importantes relations commerciales avec eux.

Les banques européennes ont investi en Europe de l’Est une somme évaluée à 1,6 billion d’euros. Les investissements autrichiens à eux seuls totalisent 230 milliards d’euros (70 pour cent du PIB du pays) et, fin septembre dernier, les banques allemandes avaient effectué dans la région des investissements estimés à 170 milliards d’euros.

Le risque d’un effondrement des économies en Europe de l’Est précipitant une réaction en chaîne de faillites dans l’ensemble du système bancaire européen est très réel. Depuis le début de l’année, l’indice DAX allemand a perdu près de 20 pour cent de sa valeur. Les pertes enregistrées sur les marchés boursiers d’Europe de l’Est sont le double de ce chiffre. Le BET roumain a chuté cette année de 38,5 pour cent et le WIG20 polonais de 31,2 pour cent. Et ce, en dépit du fait que des nations individuelles, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ainsi que des institutions financières européennes ont déjà injecté des milliards dans les économies d’Europe de l’Est.

Selon un analyste, les fonds déjà investis n’eurent qu’un effet limité. Il a conclu en disant, « à ce rythme, il est difficile d’imaginer où finiront les cours des actions d’ici fin 2009. Les mesures introduites jusque-là dans les différents pays ne semblent pas avoir eu un quelconque effet appréciable. »

Dans ces conditions, les principaux pays d’Europe de l’Ouest confrontés aux difficultés de leurs propres banques et grands groupes et les Etats hautement endettés tels l’Irlande, la Grèce et l’Italie, ne sont pas très enclins à investir de l’argent frais dans des économies malades en Europe centrale et orientale. Merkel et Sarkozy sont prêts à intervenir et à sauver des économies individuelles mais à la condition seulement de veiller à la sauvegarde de leurs propres intérêts financiers et commerciaux tout en fixant les conditions de remboursement des prêts. C’est ce qui se cache derrière la remarque de Merkel de déterminer toute aide « au cas par cas. »

Le prix à payer pour de tels prêts de la part des nations d’Europe de l’Ouest sera inévitablement une accélération de la destruction des emplois, des salaires, des services sociaux et des droits démocratiques qui a déjà suffisamment affecté la population laborieuse d’Europe de l’Est. Tel est l’héritage catastrophique laissé par l’économie de marché deux décennies après la restauration capitaliste en Europe de l’Est.

(Article original paru le 3 mars 2009)


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