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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

L’élite canadienne soulagée

Obama choisit le Canada pour effectuer sa première visite à l’étranger

Par Keith Jones
2 mars 2009

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Barack Obama a visité la capitale canadienne Ottawa le jeudi 19 février. La visite d’une durée totale de six heures a été la première visite officielle d’Obama depuis qu’il est devenu président des Etats-Unis.

Obama a profité de son premier passage sur la scène internationale pour déclarer que les Etats-Unis sont prêts à jouer le rôle de dirigeant du monde. Mais il a insisté que cela sera fait en collaboration étroite avec des alliés comme le Canada.

Il voulait ainsi différencier son administration de l’administration précédente de George W. Bush. Dans sa tentative de réaffirmer brutalement l’hégémonie américaine dans un contexte où la puissance économique relative des Etats-Unis dans le monde s’est beaucoup affaiblie, l’administration Bush a jeté aux orties le système des alliances inter-impérialistes et la loi internationale, que Washington considérait à l’époque antérieure comme le meilleur moyen de dominer mondialement.

« Les Etats-Unis, a proclamé Obama, sont encore prêts à diriger, mais une direction forte dépend d’alliances fortes et des alliances fortes dépendent à leur tour d’un renouvellement constant. »

Les visées d’Obama à la domination mondiale par les Etats-Unis ont trouvé leur contrepartie chez le premier ministre canadien Stephen Harper. « Une des plus importantes missions du président Obama », a dit Harper lors d’une conférence de presse commune des deux hommes, « est de continuer à diriger [internationalement], mais d’une façon qui est plus collaboratrice et je suis convaincu qu’en travaillant avec notre pays, il n’aura pas une plus importante occasion de démontrer exactement comment le modèle peut fonctionner au cours des quatre prochaines années. »

Les déclarations sur les intentions des Etats-Unis à diriger ont été contredites par les questions soulevées lors de la rencontre entre Harper et Obama : comment sauver le système financier mondial et empêcher une dépression mondiale, le sauvetage de l’industrie automobile nord-américaine et la crise que confronte l’occupation de l’Afghanistan par les Etats-Unis et l’OTAN.

Les deux dirigeants étaient décidés à étaler la puissance d’un partenariat canado-américain du point de vue militaire et économique. Harper a déclaré qu’il y a un « solide consensus » entre le Canada et les Etats-Unis sur « d’importantes questions bilatérales et internationales ». « Les menaces aux Etats-Unis, a dit le premier ministre canadien, sont des menaces pour le Canada. Il n’existe pas une menace à la sécurité nationale américaine qui ne soit pas une menace directe à ce pays. »

Obama a noté à plusieurs reprises que le Canada est le plus important partenaire commercial des Etats-Unis et son plus important fournisseur en énergie. Il a déclaré son « amour » pour le Canada et a dit que les Etats-Unis « ne pouvaient pas avoir de meilleur ami et allié ».

Malgré ces affirmations sur le partenariat canado-américain, les tensions sous-jacentes entre les deux pays sur une série de questions, particulièrement sur le commerce, n’ont pas cessé de faire surface.

La déclaration de Harper que toute menace à la sécurité nationale américaine est une menace pour le Canada a été faite dans le contexte de « l’épaississement » de la frontière entre les deux pays. Depuis les attaques terroristes du 11-Septembre, Washington a imposé beaucoup de nouveaux contrôles et règlements à la frontière qui, au grand dam de la grande entreprise canadienne, a contribué à une grande augmentation du temps et des coûts du transit transfrontalier. Pire encore, cela a touché la chaîne de production transfrontalière dans plusieurs industries.

Dans les semaines qui ont précédé la visite du président américain au Canada, le gouvernement canadien a déclaré sa forte opposition aux clauses de type « Acheter américain » dans le plan de stimulation économique américain. Même si Harper s’est dit confiant qu’Obama s’assurera que les Etats-Unis respectent ses obligations commerciales internationales, il a aussi suggéré que c’est une question qui sera surveillée de près. « En me basant sur ce que le président américain m’a dit…, c’est précisément ce que feront les Etats-Unis [sévèrement diluer les politiques d’achat préférentiel pour les produits américains.] Mais je ne peux pas exagérer l’importance de cette question pour nous. »

Alors que les représentants canadiens ont déroulé la bannière du libre-échange pour s’opposer à la clause « Acheter américain »,  ils ont signalé que leur véritable préoccupation était que le Canada forme avec les Etats-Unis une forteresse nord-américaine, que la politique « Acheter américain » devienne « Acheter nord-américain ».

Harper est revenu sur cette idée lorsqu’il a parlé des demandes d’Obama pour un amendement aux accords de l’ALENA (accord de libre-échange en Amérique du Nord), prétendument à cause de préoccupations pour les emplois et l’environnement, demandes que le président américain a réitérées lors de la conférence de presse de jeudi.

Obama a dit qu’il espérait « qu’il y ait une façon » d’ouvrir l’ALENA « qui ne dérangera pas les échanges commerciaux extraordinairement importants entre les Etats-Unis et le Canada », ajoutant que son but est « de développer les échanges commerciaux, pas les limiter ».

Harper, tout en disant que le Canada, était « parfaitement d’accord pour étudier des façons de répondre aux préoccupations [américaines] », a insisté que l’ALENA et son prédécesseur, l’accord sur le libre-échange entre le Canada et les Etats-Unis de 1988, « n’a été que bénéfique » tant pour le Canada que pour les Etats-Unis. Harper a conclu cette description favorable des avantages de l’ALENA (une immense augmentation du commerce entre le Canada et les Etats-Unis a sous-tendu l’expansion économique au Canada dans les années 1990) en suggérant que les deux pays s’unissent contre leurs rivaux asiatiques et européens. « Très franchement, a déclaré le premier ministre canadien,… les défis commerciaux que nous confrontons en Amérique du Nord sont des défis commerciaux communs… pas des problèmes entre les deux pays. »

Peu après l’élection d’Obama, le gouvernement canadien a laissé flotter l’idée d’un « pacte canado-américain sur les changements climatiques et la sécurité énergétique ». Le but de cette proposition est d’assurer que les mesures américaines pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ne viennent pas ralentir l’exploitation des immenses réserves en pétrole que l’on trouve dans les sables bitumineux de l’Alberta. Même si plusieurs projets sont maintenant retardés ou annulés à cause de la crise financière et la plongée des prix du pétrole qui a suivi, des investissements d’environ 150 milliards de dollars dans les sables bitumineux albertains ont été annoncés au cours des dernières années. De plus, l’élite canadienne considère les sables bitumineux comme un élément central pour réaliser ses ambitions de « superpuissance énergétique ».

Mais Obama a clairement énoncé que la politique américaine sur le changement climatique sera énoncée pour répondre aux intérêts économiques de la grande entreprise américaine, même si cela n’empêchera pas nécessairement de considérer l’offre de Harper un peu plus tard. Sa proposition ayant été rejetée, le premier ministre canadien a été forcé de concéder qu’au bout du compte, Washington jouera un rôle déterminant dans l’élaboration de sa politique sur la pollution de l’air. « Nous allons surveiller ce que les Etats-Unis font avec un grand intérêt, a dit Harper. [N]ous voudrons exploiter… les occasions d’harmoniser nos politiques avec celles des Etats-Unis, pour les rendre aussi efficaces que possible. »

Obama a dit lors de la conférence de presse conjointe qu’il a donnée avec Harper qu’il n’avait pas demandé que le Canada prolonge la mission contre-insurrectionnelle des Forces armées canadiennes (FAC) en Afghanistan au-delà de 2011.

Le Canada, qui a déployé plus de 2700 soldats dans la province de Kandahar, un des centres de l’opposition au gouvernement de Kaboul mis en place par les Etats-Unis, a joué un rôle clé dans la guerre afghane depuis 2005. L’an dernier, le gouvernement minoritaire conservateur et l’opposition officielle du Parti libéral se sont unis en face d’une opposition massive de la population à la guerre en Afghanistan pour faire passer au Parlement une motion afin de repousser la fin de la mission offensive des FAC en Afghanistan de février 2009 à 2011.

Obama a dit : « Je n’ai pas fait pression sur le premier ministre pour des engagements au-delà de ceux déjà faits. Tout ce que j’ai fait, c’est de complimenter le Canada non seulement pour les troupes qui sont là-bas, pour les 108 soldats morts au combat en conséquence de l’engagement du Canada en Afghanistan, mais aussi pour le fait que le plus important récipiendaire de l’aide étrangère du Canada est l’Afghanistan. »

Même si Obama a bénéficié électoralement de l’énorme sentiment anti-guerre prévalant aux Etats-Unis, il défend depuis longtemps l’idée que les Etats-Unis et l’OTAN doivent mener une guerre plus agressive en Afghanistan et dans les régions limitrophes au Pakistan. Plus tôt cette semaine, il a approuvé l’envoi de 17 000 soldats supplémentaires en Afghanistan et ce « renfort » va sans contredit être grandement élargi après que son administration aura terminé sa révision de la stratégie afghane dans deux mois.

Les libéraux tout comme les conservateurs ont donné des signaux clairs au cours des derniers jours qu’ils pourraient être gagnés à l’idée de prolonger encore une fois la présence des FAC en Afghanistan.

Au sortir d’une rencontre de 25 minutes avec Obama, le dirigeant libéral Michael Ignatieff a déclaré aux journalistes qu’il avait dit au président américain que le rôle de l’OTAN dans la guerre en Afghanistan devait être clarifié. « Ce que j’ai dit franchement au président, c’est que "vous ne pouvez pas nous demander de nous engager de nouveau dans une situation où règne l’incohérence stratégique"… et il a bien compris ce que je disais. »

La semaine passée, le ministre canadien de la Défense Peter MacKay a déclaré au quotidien montréalais Le Devoir que des centaines de soldats canadiens seront toujours déployés en Afghanistan après 2011 pour entraîner les soldats et les policiers afghans. Habituellement, ces entraînements impliquent une participation à des missions de combat.

L’élite politique et du monde des affaires au Canada a été immensément flattée et soulagée qu’Obama choisisse le Canada pour effectuer sa première visite à l’étranger. Depuis plusieurs dizaines d’années, les présidents américains avaient pris l’habitude de visiter leur voisin nord avant tout autre pays, mais, en 2001, Bush avait d’abord visité le Mexique.

Si la classe dirigeante canadienne accorde autant d’importance à sa « relation particulière » avec les Etats-Unis, c’est parce qu’elle considère qu’elle peut mieux faire avancer ses propres intérêts prédateurs à l’échelle mondiale en s’associant avec Washington et Wall Street. La division de plus en plus poussée du monde en zones économiques régionales, la montée de nouvelles puissances comme la Chine et l’Inde ont intensifié les rivalités entre les grandes puissances. Dans ce contexte, la diminution de la part du Canada dans le commerce et l’investissement mondial pousse encore plus la bourgeoisie canadienne à s’accrocher aux Etats-Unis. C’est toutefois une chose d’attacher sa fortune à une puissance montante, comme l’étaient les Etats-Unis au vingtième siècle et c’en est une autre de l’attacher à une puissance dont la base manufacturière s’est évaporée, dont l’économie est écrasée par une dette colossale et qui a l’intention de maintenir sa situation dominante au moyen de sa puissance militaire.

Obama et Harper ont proclamé une « nouvelle ère de coopération » entre les Etats-Unis et le Canada. Mais les relations entre les classes dirigeantes des Etats-Unis et du Canada vont inévitablement connaître d’innombrables frictions et acrimonies dans les années à venir.

(Article original anglais paru le 21 février 2009)


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