Une réunion organisée par le World Socialist Web Site
et le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) s’est tenue à
Paris ce dimanche 15 mars. Cet événement fait partie d’une campagne lancée à
échelle mondiale par le WSWS et le CIQI pour exiger le retrait de l’armée sri
lankaise du nord et de l’est de l’île, où vit la population tamoule. La réunion
a mis en avant une solution socialiste et internationaliste à la guerre civile
qui dure depuis 25 ans et qui a coûté la vie à plus de 70 000 personnes.
Intervention de Peter Schwarz, secrétaire du CIQI lors de la réunion de Paris
La campagne organisée pour la réunion a touché de vastes
couches de l’importante communauté tamoule vivant à Paris. Les sympathisants
ont distribué des milliers de tracts et de déclarations du WSWS. La station de
radio tamoule sur Internet Tamilolli a diffusé, avant la réunion, une
discussion de deux heures avec Myilvaganam Thevarajah, membre dirigeant du
Parti de l’égalité socialiste (PES) au Sri Lanka et d’autres sympathisants du WSWS.
Le CCTF (Comité de coordination tamoul-France) une
organisation qui soutient les LTTE séparatistes (Tigres de libération de
l’Eelam tamoul) a cherché à intimider les sympathisants du WSWS lors de la
campagne pour la réunion. Le CCTF essaie de supprimer toute critique du
programme nationaliste des LTTE et insiste pour dire que lui seul est habilité
à s’exprimer au nom des Tamouls
Leurs efforts pour stopper la réunion se sont poursuivis
jusque devant le bâtiment où elle se tenait. Néanmoins, leurs efforts répétés
pour perturber la réunion ont échoué et 50 personnes, pour la plupart issus de
la communauté tamoule française, ont pris part à la réunion. Des étudiants, des
lycéens, des enseignants et des travailleurs étaient présents ainsi que
plusieurs sympathisants venus d’Allemagne et de Grande-Bretagne.
Deux intervenants se sont adressés à l’assemblée, Myilvaganam
Thevarajah, du PES sri lankais et Peter Schwarz, secrétaire du CIQI.
Thevarajah a dit que la lutte pour l’unification de la classe
ouvrière était au centre de la lutte pour mettre fin à la guerre. Il a dit que
la présence à cette réunion de travailleurs français, allemands, britanniques
et tamouls donnait un aperçu de la possibilité d’unifier la classe ouvrière
contre le communautarisme et la guerre et le système capitaliste qui en est à
l’origine.
Le trotskyste sri lankais a fait remarquer que le PES est
l’unique parti politique du pays qui s’oppose à la guerre et lutte pour l’unité
des travailleurs tamouls, cinghalais et musulmans sur la base d’un programme
socialiste et internationaliste. « C’est sur la base de cette
perspective », a-t-il dit « que nous nous sommes présentés aux
élections provinciales de Nuwara Eliya et Puttalam le 14 février et que malgré
les menaces et les intimidations nous avons présenté notre programme à des
centaines de travailleurs lors de campagnes et de réunions publiques. Nous nous
présentons aussi aux élections provinciales de Colombo le 25 avril avec 46
candidats. »
Thevarajah a expliqué que les principaux partis d’opposition, le
United National Party (UNP) et le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), soutiennent
tous les deux la guerre. « Le The Lanka Sama Samaja Party (LSSP), le Parti
communiste stalinien, le Ceylon Workers Congress, le Upcountry Peoples Front », a-t-il dit sont dans le gouvernement
de coalition aux côtés du parti du président Mahinda Rajapakse, le Sri Lanka’s
Freedom Party (SLFP) et sont « partenaires dans la guerre ». Les ex-gauchistes
du « Nama Sama Samaja Party (NSSP) et l’United Socialist Party ont rejoint
l’UNP qui soutient la guerre », a dit Thevarajah.
Dressant un tableau de l’impact brutal de la guerre,
Thevarajah a dit que près de 50 civils tamouls, dont de nombreux enfants, sont
tués chaque jour par l’armée. Les hôpitaux sont bombardés, il y a une pénurie
criante de médecins et de médicaments pour soigner les blessés.
Il a ajouté, « En même temps qu’il est engagé dans le
massacre de la minorité tamoule, le gouvernement intensifie l’oppression
politique dans le sud. Se servant de ses victoires militaires, le gouvernement
fait peser le fardeau économique de la guerre sur la classe ouvrière et les
pauvres… Des escadrons de la mort, se déplaçant dans des véhicules sans plaque
d’immatriculation, kidnappent et tuent les opposants politiques, les journalistes
et les hommes d’affaires. »
Thevarajah a dit avec insistance que la victoire militaire
dans le nord de l’île conduirait non seulement à la poursuite de la répression
de la minorité tamoule, mais « ouvrirait aussi la voie à une
intensification des attaques contre la classe ouvrière dans tout le
pays. »
Faisant référence à la perspective politique des LTTE, il a
dit que cette organisation considérait toute orientation vers une mobilisation
politique indépendante de la classe ouvrière comme une menace à sa perspective
d’établir un Etat capitaliste visant à préserver les privilèges de l’élite
tamoule. Il a dit que les LTTE ne faisaient pas la distinction entre l’establishment
politique réactionnaire de Colombo et les travailleurs cinghalais ordinaires. Thevarajah
a dit que les violentes attaques des LTTE contre les civils cinghalais ne
servent que les intérêts du gouvernement car elles sèment la confusion
politique au sein de la classe ouvrière et fournissent un prétexte pour la
répression militaire de la population tamoule.
Il a dit qu’une étude de l’histoire révèle que cette guerre
est le produit d’un système d’Etat-nation dépassé en Asie du Sud et que ses
racines se trouvaient dans l’indépendance de pure forme de l’Inde et du Ceylan
en 1947 et 1948 et la partition sanglante d’avec le Pakistan. Le Bolshevik
Leninist Party of India (BLPI) avait rejeté l’accord pourri entre
l’impérialisme britannique et la bourgeoisie nationale et avait lutté pour la
mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans toute la région.
Il a expliqué que le BLPI avait rejoint le LSSP en 1950. Le
LSSP au début s’opposait au chauvinisme cinghalais mais progressivement s’était
mis à capituler devant le nationalisme puis était entré dans le gouvernement de
coalition du SLFP de Madame Bandaranaike en 1964.
« Le PES au Sri Lanka a un long passé de défense des
droits du peuple tamoul sur la base des principes socialistes. Le précurseur du
PES, le Revolutionary Communist League (RCL) avait été formé en 1968 en
opposition à la trahison du LSSP. Le RCL a défendu bec et ongles la théorie
trotskyste de la révolution permanente et mis en avant une perspective
révolutionnaire pour la question tamoule, en s’opposant au communautarisme
tamoul. »
Thevarajah a conclu, « La lutte contre la guerre et
les luttes de la classe ouvrière en Europe contre le chômage et les attaques
contre les acquis sociaux ne doivent pas être séparés. J’appelle chacun à
réfléchir au rôle qu’il a à jouer dans la construction d’une nouvelle direction
révolutionnaire dans la classe ouvrière internationale. »
Peter Schwarz a commencé par faire remarquer que cette réunion
se tenait dans le contexte de la crise la plus profonde que le système
capitaliste ait connu depuis les années 1930 et que le système financier du
monde entier était en chute libre sans perspective d’une amélioration en vue.
Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, a-t-il dit,
l’économie mondiale tout entière va se contracter en 2009.
Schwarz a dit avec insistance, « La crise actuelle n’est
pas une crise cyclique ; il ne s’agit pas d’une récession qui, après un ou
deux ans, laissera place à un nouveau redressement économique. Le centre de
cette crise se trouve au cœur de l’impérialisme mondial, les USA. C’est la
conséquence d’un long déclin économique du capitalisme américain depuis ces
quarante dernières années. »
Il a dit que l’impérialisme américain utilisait sa supériorité
militaire pour compenser ce déclin. Il a averti, « la classe dirigeante
américaine, et il en est de même de ses homologues en Europe, en Asie et
partout dans le monde, n’est pas prête à renoncer à ses richesses et ses
privilèges amassés ces dernières décennies sur la base d’une spéculation
imprudente. Elle a recours à une guerre de classe et un militarisme toujours
plus féroces. »
La crise actuelle, a-t-il dit, a « des implications
révolutionnaires » et « conduira à des luttes de classes acharnées
aux Etats-Unis, en Europe, en Asie et partout dans le monde. »
Schwarz a dit que cette crise conduisait à un changement des
relations politiques de par le monde. « Un centre d’intérêt stratégique
grandissant pour les Etats-Unis est l’océan Indien » a-t-il dit, où le
gouvernement Obama s’inquiète de la puissance navale montante de l’Inde et de
la Chine dans une zone d’importance stratégique immense du fait de ses voies
commerciales et des régions adjacentes, riches en énergie, du Proche-Orient et
de l’Asie centrale. Il y a deux semaines, a-t-il dit, le Sunday Times du
Sri Lanka a révélé les projets d’une mission militaire conduite par les
Etats-Unis dans la zone de guerre du nord de l’île, mission présentée
assistance à l’évacuation des civils pris au piège entre l’armée et les LTTE.
Deux processus étroitement liés sont en train de se
développer, a expliqué Schwarz. Tout d’abord, l’intensification des
contradictions globales du capitalisme mondial, qui signifient une menace
d’appauvrissement de la classe ouvrière internationale, de répression de masse
et d’une série de conflits militaires toujours plus mortels. En réponse à cette
situation, on verra se développer une combativité politique et sociale de la
classe ouvrière et de nouvelles formes de conscience révolutionnaire. « La
question décisive », a-t-il dit, est de savoir « lequel de ces deux
processus aura le dessus. »
Schwarz a rappelé à l’auditoire la phrase de conclusion du Manifeste
du Parti communiste, écrit il y a plus de 160 ans et qui dit, « Prolétaires
de tous les pays, unissez-vous ! » et que la trahison de ce principe
par la Deuxième Internationale avait conduit à la boucherie impérialiste de la
Première Guerre mondiale. « Les révolutionnaires de l’époque, Lénine,
Trotsky, Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht et d’autres encore, défendaient la
perspective de l’internationalisme prolétaire. Ils appelèrent à l’unité de la
classe ouvrière internationale et à la transformation de la guerre en une
guerre civile. La première révolution prolétarienne réussie de l’histoire, la
Révolution russe d’octobre 1917 conduite par Lénine et Trotsky, fut la
conséquence de cette politique. »
Trotsky et l’Opposition de gauche luttèrent contre la
dégénérescence de l’Union soviétique et la politique désastreuse de Staline du
socialisme dans un seul pays et ils fondèrent la Quatrième Internationale.
Schwarz a dit qu’après la Deuxième Guerre mondiale la perspective de
l’internationalisme prolétaire fut attaquée, non seulement de l’extérieur de la
Quatrième Internationale, mais aussi de l’intérieur. Une tendance
révisionniste, conduite par Michel Pablo et Ernest Mandel, capitula devant le
stalinisme, le réformisme et le nationalisme bourgeois.
« Le CIQI, fondé en 1953, rejeta avec force cette
révision du marxisme. Il insistait sur le fait que la stabilisation du
capitalisme était un phénomène temporaire et que les contradictions
fondamentales du capitalisme n’étaient en aucune manière surmontées, » a
dit Schwarz.
« En 1964, le LSSP renonça à son opposition au
communautarisme et au chauvinisme cinghalais et rejoignit un gouvernement de coalition
bourgeois avec le SLFP. Cette trahison fut couverte par le Secrétariat unifié
pabliste. En rejoignant un gouvernement aux côtés du SLFP et en faisant du
bouddhisme la religion nationale, le LSSP désarma politiquement la classe
ouvrière et prépara le terrain pour une guerre qui dure maintenant depuis trois
décennies, détruisant la vie de dizaines de milliers de personnes et
l’infrastructure du pays. »
« Il n’existe pas de solution nationale à cette
crise », a dit Schwarz, « et il n’y a pas de solution dans le cadre
du capitalisme. Soit la bourgeoisie, comme en 1914 et en 1939, renvoie
l’humanité vers la barbarie et la guerre, soit la classe ouvrière s’unit
internationalement et renverse le système capitaliste et construit une société
socialiste. Il n’y a pas d’autre alternative. »
Réfutant la ligne nationaliste rétrograde des LTTE, Schwarz a
ajouté, « Toute idée qu’un pays, une île ou une moitié d’île puisse se
désengager de l’économie mondiale et trouver une solution à l’intérieur de ses
propres frontières est à la fois absurde et réactionnaire. Cela reviendrait à
remonter le temps jusqu’à l’époque précapitaliste, jusqu’au Moyen-âge. Cela
impliquerait la destruction massive de forces productrices et de vies
humaines. »
Loin d’être indépendante de l’impérialisme, si la bourgeoisie
tamoule venait à réaliser son rêve d’un Etat capitaliste, il ne créerait rien
d’autre qu’une plateforme de travail à bas coût pour les multinationales, où la
classe ouvrière serait confrontée à l’exploitation et la pauvreté brutales.
Schwarz a dit avec insistance que le sort de la classe
ouvrière des pays capitalistes avancés et retardés, des travailleurs
américains, européens, chinois et sri lankais, était inséparablement lié.
Il a conclu en affirmant que « le CIQI est l’unique
organisation sur la planète à avoir une bannièreimpeccable qui a
défendu inlassablement l’internationalisme prolétaire dans les conditions les
plus difficiles et les plus défavorables. » Il a invité les gens à
rejoindre le CIQI en disant, « Cela donnera la clé pour surmonter et
mettre fin à des décennies de guerre et de souffrances au Sri Lanka. Ce sera
l’instrument pour construire le socialisme à l’échelle mondiale. »
Les remarques des intervenants ont été bien accueillies par
l’assemblée, et une collecte à la fin de la réunion a récolté des centaines
d’euros de soutien pour la campagne électorale du Parti de l’égalité socialiste
au Sri Lanka.