Le
World Socialist Web Site appuie les professeurs et maîtres de langue de
l’Université du Québec à Montréal (UQAM), qui ont voté à forte majorité pour
sortir en grève la semaine prochaine afin de défendre leurs conditions de
travail. Sans convention collective depuis 2007, ils réclament notamment des
salaires équivalents à ceux que gagnent leurs collègues dans les autres
universités canadiennes.
Mais
pour que cette lutte aille de l’avant, les enseignants doivent dépasser le
cadre limité imposé par la direction syndicale et lancer un appel à leurs
collègues, aux étudiants et aux travailleurs. Ce conflit n’est pas un simple
exercice de négociation entre l’administration de l’UQAM et le syndicat des
professeurs. Son véritable enjeu est la défense d’un système d’éducation de
qualité et accessible à tous, contre la subordination de la vie économique aux
lois du marché.
Le
capitalisme mondial vit sa pire crise depuis la Grande Dépression des années
1930. Les gouvernements ont réagi en injectant des centaines de milliards de
dollars, l’argent des contribuables, pour sauvegarder les fortunes des
spéculateurs et des gros actionnaires. Il en est autrement pour les
travailleurs à qui l’on demande de payer, par leurs emplois et leurs conditions
de travail, pour l’insouciance et la criminalité de la mince couche privilégiée
responsable de cette crise. En refilant la facture à la classe ouvrière, la
classe dirigeante est amenée à réduire encore plus les services publics et les
programmes sociaux, y compris l’éducation.
Selon
un rapport publié en février dernier par l’Educational Policy Institute,
un groupe de réflexion international qui se consacre à l’étude de
« l’accessibilité de l’éducation », la crise économique aura des
impacts majeurs sur l’éducation postsecondaire au Canada. Le pays pourrait
« entrer dans un état où les revenus disponibles par élève diminueraient
de façon permanente ».
Invoquant
la diminution des subventions gouvernementales et les pertes massives encourues
par les régimes de retraite et les fonds de dotation des universités, le
document donne un aperçu des mesures qui pourraient être nécessaires : gel
des salaires, report des travaux d’entretien, augmentation des frais de
scolarité, suppression de programmes de financement pour les étudiants.
L’élite
dirigeante va s’inspirer des coupes budgétaires imposées au milieu des années
1990 par le gouvernement libéral fédéral de Chrétien/Martin, qui avait charcuté
les transferts aux provinces pour le financement de la santé et de l’éducation.
Au Québec, le gouvernement péquiste de droite de Lucien Bouchard avait lui
aussi réduit considérablement les dépenses en santé et en éducation. Entre 1996
et 1998, sous le mot d’ordre du « déficit zéro » et avec l’appui de
la bureaucratie syndicale, le Parti québécois avait amputé le budget annuel
destiné à l’éducation de 1,9 milliard de dollars.
Quant
aux libéraux de Jean Charest, au pouvoir depuis 2003, ils ont poursuivi
l’assaut sur les services publics par une vaste campagne de privatisations
impliquant notamment des partenariats public-privé (PPP). C’est ce gouvernement
qui a imposé, avec l’appui du Parti québécois et de l’Action démocratique du
Québec, le dégel des frais de scolarité aux étudiants de la province. Cette
semaine, Charest a annoncé que le prochain budget du Québec, prévu le 19 mars,
imposera de nouveaux sacrifices à la population.
Les
professeurs doivent se méfier de leur direction syndicale dont la perspective
mène droit à un cul-de-sac. L’« escalade des moyens de pression » si
prisée par cette direction sert à démoraliser les enseignants et à les
maintenir isolés des autres travailleurs.
Ces
dernières années ont vu une prolifération des chargés de cours à des conditions
salariales bien moindres que les enseignants. En
2004-05, les professeurs assumaient 47 pour cent des cours, tandis qu’en
2007-08, seulement un peu plus de 40 pour cent des charges de cours au
premier cycle étaient données par des professeurs. Les syndicats
concernés, le SPUQ et le SCCUQ, tous deux affiliés à la CSN (Confédération des
syndicats nationaux), ont laissé faire, aidant ainsi l’administration de l’UQAM
à faire des économies aux dépens du corps enseignant. Dans le conflit actuel, les chargés de cours n’ont
pas été appelés par le SCCUQ-CSN à soutenir la grève.
L’an dernier, les
syndicats de l’UQAM avaient refusé d’appuyer officiellement une grève lancée
par les étudiants contre la tentative de l’UQAM de faire payer les étudiants et
les employés pour son manque de financement. Avec leur campagne « J’appuie
l’UQAM », les syndicats tentent essentiellement de ramener les
travailleurs et les étudiants derrière la direction de l’Université et son plan
de redressement, qui doit être présenté avant le 31 mai. Ce plan cherche à
convaincre le gouvernement du bienfondé d’un « réinvestissement pour
l’UQAM » en promettant de rendre celle-ci aussi « compétitive »
que les autres universités de la province.
Les enseignants de l’UQAM
doivent sortir du carcan que leur impose leur direction syndicale et se tourner
vers ceux qui refusent comme eux de faire les frais d’une crise pour laquelle
ils n’ont aucune responsabilité : les travailleurs, la grande majorité de
la population. Les étudiants et les jeunes doivent eux aussi se tourner vers
les travailleurs et lancer un appel pour la défense du système d’éducation et
pour l’égalité sociale. Un tel appel résonnerait avec force dans une population
assiégée qui vit fondamentalement les mêmes problèmes.
Cette perspective se
démarque de celle mise de l’avant par les étudiants du Comité anticapitaliste
de l’UQAM. Ce comité se montre réticent, sinon hostile, à la lutte des
enseignants, sous prétexte que « le corporatisme de [cette] couche
aisée » aura des répercussions négatives pour les étudiants. L’IEES
rejette cette position qui aurait bien pu être avancée par l’administration de
l’UQAM ou le gouvernement du Québec.
Pour aller de l’avant, il
faut bâtir un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière pour la
défense de ses intérêts communs. Cette lutte doit avancer un programme
socialiste visant à satisfaire les besoins humains et non la soif de profits
d’une petite minorité.