La mort tragique de 104 travailleurs lors d’une
catastrophe minière survenue la semaine dernière à Hegang, dans la province
chinoise du Heilongjiang, nous rappelle de façon flagrante à quel point les 400
millions d’ouvriers du pays, dont la sueur et le travail sont à la base
du capitalisme chinois et mondial, sont brutalement exploités.
Tandis que la presse financière internationale présente la
Chine comme la lueur d’espoir dans l’économie mondiale et cite
diverses statistiques de productivité et de croissance élevées, les salaires de
misère, les conditions de travail oppressives et non sécuritaires ainsi que les
immenses coûts sociaux que cela implique sont assidûment ignorés.
La mort des mineurs dans la province du Heilongjiang est le
résultat de la transformation de la Chine en atelier de misère géant pour le
capital mondial. Au moment où fait rage la pire crise économique depuis les
années 1930, la quête des super profits en Chine ne s’est
qu’intensifiée, supervisée par un Etat policier stalinien qui réprime
impitoyablement toute opposition des travailleurs.
Pendant que l’industrie chinoise du charbon se
développe pour satisfaire les demandes en énergie et en acier qui sont en plein
essor, des milliers de travailleurs meurent chaque année dans les mines. La
production annuelle est passée d’un milliard de tonnes en 2000 à 2,63
milliards de tonnes l’an dernier. La Chine consomme maintenant plus du
tiers de la production mondiale de charbon et sa demande dépassera probablement
3 milliards de tonnes d’ici 2010. Dans la quête du profit, les vies des
cinq millions d’ouvriers des mines de charbon de la Chine ont tout
simplement très peu de valeur.
La dernière catastrophe est la seconde à survenir en moins
de quatre ans pour le groupe public Heilongjiang Longmei Mining, l’une
des plus importantes et modernes entreprises minières du pays. En novembre
2005, 171 mineurs avaient perdu la vie dans la mine Dongfeng de la compagnie.
La tragédie survenue à la mine de Hegang lors des derniers
jours est une reprise de ce qui s’est produit à Dongfeng quatre ans plus
tôt. Lorsque les mineurs de Dongfeng ont été tués, le gouvernement, aux niveaux
central et provincial, a cherché à limiter les dégâts pour apaiser la colère
populaire. Quelques administrateurs, servant de boucs émissaires, ont été
arrêtés. Des officiels ont promis devant les caméras de télévision qu’il
n’y aurait plus de désastre. Une enquête a révélé, comme à l’habitude,
que les règles de sécurité de base ont été ignorées pour faire grimper la
production. Une campagne de sécurité superficielle a été lancée pour fermer de
petites mines illégales, laissant intactes les grandes compagnies étatiques et
privées. La police a rapidement fait taire toutes protestations par les
familles des victimes. Une fois que l’attention publique s’est
tournée vers d’autres sujets, les compagnies minières sont retournées à
leurs affaires habituelles — jusqu’à ce que survienne la prochaine
catastrophe.
En moyenne, 13 mineurs meurent chaque jour en Chine. La
plupart des décès surviennent dans les milliers de petites mines privées où les
conditions sont barbares. En 2007, un scandale a éclaté dans les provinces de
Shanxi et Henan concernant l’utilisation de travailleurs exploités comme
des esclaves dans les mines de charbon et les fours à briques. Des centaines de
travailleurs, la plupart des enfants, ont été vendus comme esclaves pour
travailler jusqu’à 16 heures par jour dans des conditions répugnantes et
dangereuses. Mais comme le dernier désastre le montre, les conditions
d’exploitation brutales ne se limitent pas qu’à de petits
entrepreneurs privés. Alors que la mine de Hegan avait de l’équipement
moderne et disposait de procédures de sécurité, de dangereux raccourcis étaient
pris, en pratique, afin de maximiser la production et les profits.
En 2006, la Commission sur la réforme et le développement
national a publié un plan pour concentrer l’industrie minière,
d’ici 2015, en cinq ou six conglomérats géants en fusionnant ou en
fermant les petites mines dans les principales provinces produisant du charbon.
Le Heilongjiang Longmei Holding Group est l’un de ces conglomérats
émergents, avec 88.000 employés seulement dans la ville de Hegang. Loin d’améliorer
la sécurité, le plan de fusion va produire des désastres à une plus grande
échelle.
La dernière tragédie minière est une autre condamnation du
maoïsme et du stalinisme, qui a toujours été basé sur le rejet explicite du
véritable marxisme et de l’internationalisme socialiste. À partir de 1980
et après, le régime d’Etat policier établi par Mao en 1949 s’est
avéré particulièrement attrayant pour les investisseurs mondiaux à la recherche
de main d’œuvre bon marché pour contrer la baisse de profitabilité
et le déclin économique.
La catastrophe de Hegang ne fait pas que montrer les
conditions horribles imposées aux travailleurs dans les mines et dans
l’ensemble de l’industrie en Chine, mais c’est aussi un
avertissement aux travailleurs de par le monde. Les processus de
consolidation et de restructuration dans l’industrie du charbon en Chine
sont typiques de la réponse de la classe capitaliste de tous les pays à la
crise économique. Engagées dans une lutte pour leur survie, les compagnies sont
poussées impitoyablement à diminuer leur main-d’œuvre et à couper
leurs coûts de production aux dépens de la classe ouvrière. De plus en plus,
les conditions de misère que connaissent les travailleurs chinois deviennent la
norme pour les travailleurs ailleurs.
L’explosion dans cette mine du Nord-Est
de la Chine a eu lieu quelques jours seulement après la visite du président
américain Barack Obama à Shanghai. Il avait à cette occasion exprimé son
admiration pour la filiale de General Motors en Chine, celle qui génère le plus
de profit pour l’immense compagnie américaine. Alors que GM a fait
faillite et a annoncé une grande diminution du nombre des emplois et
d’importantes compressions de coûts, sa production en Chine a continué à
croître rapidement. Les salaires et les conditions de travail aux Etats-Unis
seront de plus en plus en ligne avec celles existant en Chine alors que la
compagnie utilisera l’immense armée de réserve de travailleurs à bon
marché de la Chine pour briser la résistance des travailleurs aux Etats-Unis et
ailleurs.
A plus grande échelle, Obama a appelé pour
un « nouvel équilibre » des rapports économiques mondiaux, insistant
sur le colossal déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine et le
financement de la dette américaine par les Chinois. Le poids de ce « nouvel
équilibre » retombera nécessairement sur les épaules de la classe
ouvrière. Pour rendre les marchandises américaines plus compétitives sur le
marché chinois, il faudra d’immenses diminutions de coûts de production
pour les compagnies américaines. La réduction de la montagne de dettes du
gouvernement américain signifiera encore plus de coupes sauvages dans les
services sociaux de base comme le système de santé et l’éducation.
Tout comme le « nouvel
équilibre » chez GM a résulté en fermetures d’usines en Amérique du
Nord et leur expansion en Chine, les processus plus larges vont mener à une
destruction systématique des emplois, à la diminution des salaires, à
l’allongement des heures de travail et à des conditions de travail de
plus en plus dommageables pour la santé, sinon carrément dangereuses, qui
produiront inévitablement des tragédies comme celle de la mine de Hegang. Il
n’y aura jamais de fin à cette course pour la « compétitivité
internationale » et les profits. Une diminution de la consommation des
travailleurs américains aura pour effet de diminuer la demande pour les
marchandises chinoises, ce qui mènera à des fermetures d’usines, des
pertes d’emplois et d’autres mesures pour diminuer les coûts en
Chine.
Dans le capitalisme, il n’y a pas de
voie pour sortir de cette spirale infinie vers le bas. Les travailleurs en
Chine, aux Etats-Unis et internationalement ne pourront défendre leurs intérêts
de classe communs que s’ils unissent leurs luttes contre le capital
mondial et ses représentants politiques. Dans plusieurs cas, comme chez GM par
exemple, ils travaillent dans les mêmes compagnies qui les monteront les uns
contre les autres. La fin de cette compétition fratricide ne pourra prendre fin
que sur une base socialiste, en abolissant le système de profit et en réorganisant
systématiquement les vastes ressources productives du monde pour la
satisfaction des besoins humains, pas pour les profits de l’élite riche
du monde des affaires.
(Article original anglais paru le 25
novembre 2009)