Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot a rencontré le
28 septembre le Parti communiste (PC), partenaire traditionnel de coalition
avec le Parti socialiste (PS) ainsi que le Parti de Gauche (PG) de l'ancien
ministre PS Jean-Luc Mélenchon. L'objectif de cette réunion, ainsi que de
celle du 1er octobre du NPA avec le syndicat CGT (Confédération générale du
travail), est d'ancrer l'intégration politique du NPA dans l'establishment
français.
La déclaration publiée par la réunion du 28 septembre a été signée par de
nombreux partis constituant une coalition soi-disant « unitaire », dont les
plus en vue le PCF, le PG et le NPA. La principale proposition pratique de
la déclaration est de « constituer un
cadre politique national de discussion commun en vue de vrifier la
possibilit d'aller ensemble aux rgionales.サ Celles-ci se tiendront le
10 mars 2010. Une collaboration à plus long terme est aussi envisagée:
« C’est un premier pas mais il est important car les enjeux de ces élections
sont non seulement régionaux mais nationaux. »
Les participants ont décidé de se revoir le 7 octobre afin de mettre en
place une série de « discussions sur tous les points à régler afin de
trouver un accord. »
Cette déclaration cherche, de façon ridicule, à décrire les partis
impliqués comme représentant «la gauche de combat » et comme étant un
contrepoids à l'alliance que le PS est en train de développer avec le MoDem,
parti droitier de Franois Bayrou,
ancien ministre d'un gouvernement conservateur. La dclaration affirme, ォFace
un capitalisme de plus en plus brutal et sauvage et un gouvernement bien
dcid acclrer le rythme de ses attaques, rien ne doit dtourner de la
ncessaire construction dune alternative logique du systme capitaliste et
productiviste. » Elle ajoute, « il
faut œuvrer gagner la majorit des travailleurs et des citoyens aux
perspectives ouvertes par une gauche de combat. サ
Ceci revient à utiliser la nouveauté relative du NPA, fondé en février
dernier, pour promouvoir la crédibilité de « gauche » du PC, qui a longtemps
été un pilier du capitalisme français. Il avait participé au premier
gouvernement de de Gaulle après la Libération de la France de l'occupation
nazie et depuis les années 1970, est continuellement en partenariat
électoral et gouvernemental avec le PS.
La déclaration conjointe affirme que le but de sa soi-disant « alliance
d'extrême-gauche » est de contrer le virage à droite du PS vers une alliance
avec le MoDem: « Cest dire dune
gauche qui va toujours plus vers la droite et risque de favoriser ainsi les
futures victoires lectorales de cette dernire comme le prouve
malheureusement la situation italienne. »
Cet avertissement contre une répétition du soutien de la gauche
bourgeoise italienne au gouvernement de Romano Prodi (2006-2008) est à la
fois hypocrite et malhonnête.
En fait, l'orientation organique du NPA vers les partis d'Etat de la
gauche bourgeoise les conduit précisément dans la même voie que ses
co-penseurs italiens, organisés depuis 2007 dans l'organisation pabliste
Sinistra Critica. A l'époque, les pablistes italiens participaient à
Refondazione Communista. Quand Refondazione a, comme on pouvait s'y
attendre, rejoint le gouvernement de coalition de Prodi, les pablistes
italiens se sont trouvés à participer à l'application de la politique de
droite du gouvernement Prodi.
Le gouvernement de Prodi a réduit les retraites, envoyé des renforts de
soldats en Afghanistan et approuvé l'extension d'une base militaire
américaine en Italie. Ayant trahi les espoirs des travailleurs qui avaient
voté pour elle, elle a perdu les élections en 2008 en faveur du candidat de
droite Silvio Berlusconi.
La prétention implicite du NPA selon laquelle la coalition qu'il prépare
représente quelque chose de différent de la coalition qui a soutenu Prodi
est totalement fausse. Une coalition NPA-PC-PG dépendrait politiquement des
partis bourgeois établis tels le PS, au même titre que les pablistes
italiens ont fini par soutenir le centriste bourgeois Prodi. Le NPA a déjà
accepté de faire des listes communes avec le PS « pour battre la droite » au
second tour des élections régionales.
De plus, le principal parti d'alternance de sa coalition, le PC, a des
liens historiques et institutionnels puissants avec le PS et est en train de
développer des relations avec des partis ouvertement conservateurs. Le
numéro du magazine Marianne du 23 septembre rapporte, « en
PACA [rgion Provence , Alpes, Cte d'Azur] le prsident sortant socialiste
Michel Vauzelle, lui, opterait pour la stratgie dit ォ du grand cart サ en
tentant de runir sous une seule et mme bannire MoDem et PCF. サ
Le PC et le PS travaillent ensemble dans des ateliers politiques. Le NPA
a refusé leur invitation à y participer et a exprimé le souhait que le PC se
retienne de faire des alliances avec le PS dès le premier tour en faveur
d'alliances avec la « gauche de combat » du NPA. Etant donné qu'un grand
nombre des 185 conseillers régionaux PC doivent leur position à des
alliances avec le PS, cela semble peu probable.
Les appels du document à mettre fin au « productivisme » au moment où la
crise économique réduit de façon draconienne le niveau de production dans
les domaines clés de l'industrie comme l'automobile et l'acier, ont un
caractère particulièrement sinistre. L'anti-productivisme prétend que la
production excessive créée par la classe ouvrière est responsable des
problèmes environnementaux et implique qu'il y a consommation excessive des
êtres humains. Ce n'est pas un hasard si de telles vues coïncident avec des
appels de politiciens capitalistes du monde entier à ce que les travailleurs
s'habituent à l'idée que leur niveau de vie doit être détruit par les
licenciements, les fermetures d'usines et la perte de leurs droits sociaux
et démocratiques.
L'adoption par le NPA du terme d'anti-productivisme est une couverture
idéologique pour des accords passés avec les groupes politiques bourgeois et
des classes moyennes et sert à justifier son alliance électorale avec le PC
et le PG.
Cela implique qu'il existe des bases pour une collaboration avec le PS.
Il n'est pas anodin que le document rédigé conjointement par le NPA-PC-PG
fasse écho au thème soulevé par la première secrétaire du PS Martine Aubry
dans Le Monde du 27 août. Elle y écrit: « Le post-productivisme ne
consiste pas à renoncer à produire, mais à définir une croissance sélective
pour produire utile, sobrement et proprement. Désormais, nous savons que
l'abondance n'est pas synonyme de bonheur. Le nouveau modèle exige un
profond changement dans la manière d'équiper nos villes, d'habiter, de
consommer et de se déplacer. »
L'objectif immédiat de l'invitation du NPA à la CGT pour une discussion
le 1er octobre était d'améliorer les relations après que le syndicat eut
décliné l'invitation de participer à l'université d'été du NPA.
Le NPA avait offensé la direction de la CGT en invitant Xavier Mathieu,
représentant du syndicat CGT qui menait la lutte des travailleurs de
Continental à Clairoix contre les suppressions de postes dans leur usine.
Mathieu avait traité Thibault, le leader de la CGT, de « racaille » pour ne
pas avoir soutenu la lutte des travailleurs de Clairoix. Le NPA lui-même a
apporté un soutien sans critique à l'accord conclu chez Continental
Clairoix, qui acceptait la fermeture de l'usine et le licenciement de tout
le personnel en échange de 50 000 euros d'indemnité pour chaque travailleur
licencié.
Le NPA a dit que la discussion avec la CGT s'était déroulée dans le
calme. Il a poursuivi: «Le NPA a réaffirmé qu'il n'avait pas vocation à se
substituer aux syndicats... » et que « Le NPA a tenu à dire à la CGT que sa
crainte de construction d' un courant NPA dans la CGT, était sans fondement.
L'autonomie des syndicats quant à la défense des salariés va de soi pour le
NPA... »
En d'autres termes, alors même que le NPA suit les
« anti-productivistes », c'est à dire la ligne politique anti-industrielle
du PS, il accepte que la CGT soit complètement « autonome » dans sa trahison
des luttes sur le lieu de travail. C'est à dire que, alors même qu'il
maintient une position mensongère d'indépendance par rapport au PS, ses
propres positions reproduisent, de façon toujours plus claire, celles des
partis bourgeois les mieux établis.