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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Karzaï cède aux pressions américaines et accepte un deuxième tour aux élections afghanes

Par Patrick Martin
24 octobre 2009

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D’un geste aussi prévisible, et dégradant, qu’un serf se prosternant devant son maître, le président de l’Afghanistan, Hamid Karzaï, a cédé aux pressions d’une intraitable administration Obama et a accepté mardi qu’un deuxième tour ait lieu afin de déterminer le vainqueur de l’élection présidentielle.

La conférence de presse annonçant la « décision » de Karzaï a dû être reportée de plusieurs heures, car il s’opposait à un ultimatum américain qui le forçait à accepter la décision d’une commission électorale selon laquelle le tiers des votes pour Karzaï avaient été manipulés et étaient donc invalides. Une longue discussion avec le sénateur John Kerry, le président de la commission des Affaires étrangères au Sénat, (la cinquième rencontre entre Karzaï et Kerry depuis vendredi) a été nécessaire pour consolider la décision. 

 « Alors que le monde attendait, Karzaï et Kerry ont marché longuement dans les couloirs retirés du palais », a écrit le Washington Post. « A 16h30, c’est un Karzaï à l’air grave qui s’est avancé devant les caméras pour approuver la tenue, le 7 novembre, d’un deuxième tour entre lui et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdoullah Abdoullah. »

Lorsque Karzaï a fait cette annonce (d’autres articles ont décrit qu’il était « manifestement pâle ») il était flanqué de Kerry, d’un envoyé spécial de l’ONU Kai Eide, de l’ambassadeur américain, du lieutenant général Karl Eikenberry et des ambassadeurs français et britannique. Quand Eide a suivi Karzaï à l’estrade, appelant à une juste lutte dans le deuxième tour, Karzaï est intervenu : « Et nous devons ensuite en arriver à un résultat. »

Le New York Times a publié un compte-rendu détaillé des rencontres entre Kerry et Karzaï, basé clairement sur d’importantes sources américaines, Kerry lui-même y compris. Il y est décrit ce que le Times qualifie de campagne « incroyable » pour intimider le président afghan impliquant la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, le secrétaire à la Défense Robert Gates, le général James Jones, conseiller de la Maison-Blanche à la sécurité nationale ainsi que le premier ministre britannique Gordon Brown.

Un passage du compte-rendu du Times donne un aperçu des discussions : « Un haut représentant de l’administration a décrit comme « très forte » la pression internationale exercée contre Karzaï. Cette dernière comportait aussi des menaces à peine voilées faites par téléphone au ministre de la Défense de M. Karzaï, le général Abdoul Rahim Wardak. Le général James L. Jones, le conseiller à la sécurité nationale, et le secrétaire à la Défense Robert M. Gates ont tous deux appelé le général Wardak pour l’inciter à convaincre M. Karzaï de céder, a affirmé un haut officiel de l’administration. « Wardak veut plus de soldats américains », a déclaré anonymement cet officiel, discutant de conversations privées. « Ils ont dit à Wardak que cela allait affecter le processus de décision concernant les troupes. » »

Peut-être que les « menaces à peine voilées » incluaient de rappeler à Karzaï que sans les troupes américaines additionnelles, son régime s’effondrerait et il pourrait subir le même sort que le dernier président afghan capturé par les talibans. Najibullah, appuyé par les Soviétiques, fut arraché de son sanctuaire situé dans une enceinte appartenant à l’ONU à Kaboul en 1996, battu sauvagement, castré et pendu à un lampadaire.

Le premier ministre britannique Brown s’est joint à la campagne d’intimidation, parlant avec Karzaï trois fois pendant la fin de semaine, selon les diplomates européens qui se sont entretenus avec le Times. Il a dit à Karzaï qu’il devait accepter le rapport de la commission électorale, selon un diplomate, ou il « ne serait plus un partenaire de l’Occident ».

Karzaï fera face au candidat arrivé second lors du premier tour des élections du 20 août, l’ancien ministre des Affaires étrangères Abdoullah, dans un vote provisoirement prévu pour samedi le 7 novembre, la dernière date possible avant que la température hivernale ne rende un tel exercice physiquement impossible dans une bonne partie de l’Afghanistan rural. Abdoullah a immédiatement approuvé le deuxième tour et a dit qu’il y participerait.

Ces évènements — l’embarras et les contorsions du président fantoche, suivis de sa capitulation à contrecœur — démontre la réalité derrière les affirmations que l’administration Obama est engagée dans une guerre pour défendre la « démocratie » en Afghanistan. Le pays est occupé par des forces militaires impérialistes, principalement des Etats-Unis. Washington exerce le véritable pouvoir, utilisant Karzaï, de plus en plus discrédité, comme son homme de main.

Le deuxième tour électoral est le résultat qui était originalement désiré par les autorités américaines, selon les articles de la presse parus cet été. Elles ne voient pas d’alternative à la réélection de Karzaï, mais veulent le remettre à sa place en le forçant à un deuxième tour, peut-être en l’obligeant à entrer dans un gouvernement de coalition avec Abdoullah ou le favori des Etats-Unis, l’ancien ministre des Finances Ashraf Ghani, qui n’a pas réussi à s’attirer un appui significatif.

Compte tenu des violations massives de la loi électorale documentées par la commission électorale internationale et d’autres observateurs, Karzaï et ses plus proches conseillers auraient très bien pu faire face à des accusations criminelles de fraude électorale. Tout indique aussi que le camp Abdoullah entretenait des pratiques similaires dans les zones parlant principalement le tadjik.

Au lieu d’être accusés, les deux fraudeurs électoraux se feront face dans un deuxième tour qui sera selon toute vraisemblance encore plus une farce que le premier. Les électeurs subiront la violence des talibans et d’autres insurgés et l’intimidation. Les partisans de Karzaï et Abdoullah rempliront les urnes de faux bulletins de vote. Dans certains endroits, ils devront aussi affronter un climat peu clément, par exemple dans la région montagneuse d’Hindu Kush.

Le président Obama a téléphoné à Karzaï aussitôt que ce dernier a annoncé le deuxième tour. Obama a ensuite publié une déclaration hypocrite dans laquelle il décrivait la décision comme « un engagement face au règne de la loi et l’insistance que la volonté du peuple afghan doit être entendue ».

En vérité, si la volonté du peuple afghan était entendue, alors les troupes américaines et étrangères seraient immédiatement embarquées dans des avions et évacueraient l’Afghanistan le plus rapidement possible. Tant les forces d’occupation que leur marionnette de Kaboul sont largement détestées dans l’Afghanistan.

Et aux Etats-Unis, selon des sondages dont les résultats ont été rapportés mercredi passé dans le Washington Post, la majorité de la population s’oppose à toute escalade en Afghanistan, malgré la campagne de propagande incessante dans les médias qui lient la guerre en Afghanistan aux attaques terroristes du 11-Septembre. Le sondage fait état d’une opposition particulièrement étendue à l’envoi de nouvelles troupes parmi ceux qui ont voté pour Obama et les démocrates. Environ 61 pour cent des démocrates s’opposent à l’envoi de plus de troupes, 51 pour cent se décrivant comme « très opposés ».

Le deuxième tour sera probablement décrit par l’administration Obama comme un « progrès politique » qui justifie la décision, qui est déjà prise selon toute probabilité, d’envoyer des dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan.

C’est la position qu’a déjà prise le Wall Street Journal de mercredi dernier qui titrait « Le progrès afpak ». La principale voix de l’ultra-droite aux Etats-Unis demandait qu’Obama arrête le processus de délibération à la Maison-Blanche et qu’il envoie plutôt des troupes dès maintenant.

Avec un cynisme qu’il est difficile de dépasser, l’éditorial du Wall Street Journal décrit le consentement forcé de Karzaï, obtenu après des semaines de tordage de bras, dans les termes suivants : « L’Afghanistan a fait la démonstration hier de sa maturité politique en prenant la décision de résoudre la dispute sur la fraude électorale. »

(Article original anglais paru le 22 octobre 2009)


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