wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient

La réalité derrière le « succès » américain en Irak

Par James Cogan
28 octobre 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Les explosions massives qui ont dévasté le ministère de la Justice et le siège du gouvernement provincial dans le centre-ville de Bagdad dimanche, tuant plus de 140 personnes et en blessant au moins 520, sont un rappel particulièrement sanglant des conflits politiques, ethniques et sectaires générés en Irak par l'occupation américaine qui dure depuis six ans et demi.

Les attentats à la bombe du week-end représentent la seconde attaque majeure sur des bâtiments gouvernementaux en l'espace de deux mois. Le 19 août, des voitures piégées avaient explosé devant les ministères des Finances et des Affaires étrangères, tuant 102 personnes et en blessant 600. Dans les deux cas, ceux qui ont perpétré ces attentats ont réussi à franchir avec des véhicules bourrés d'explosifs toute une série de postes de contrôle de sécurité.

En moyenne, entre 10 à 15 attentats à la bombe, attentats kamikazes ou attaques d'insurgés se produisent chaque jour en Irak contre des représentants du gouvernement ou des forces de sécurité. Dans certains cas, les explosions ciblent aveuglément des civils d'un milieu ethnique ou religieux. Moins spectaculaires que l'attentat de dimanche, c'est à peine si les médias en parlent.

A chaque fois qu'une occasion se présente, les insurgés s'attaquent aux 120.000 soldats américains encore en Irak. Les forces américaines occupent à présent le pays à partir de bases massivement gardées, en dehors des centres urbains. Le gouvernement fantoche du Premier ministre Nouri al-Maliki a accusé les fidèles de l'ancien régime de Saddam Hussein d'être responsables de ces attentats. On ne peut écarter cette éventualité. Des sections importantes de l'establishment principalement d'origine arabe sunnite et baasiste ont quasiment perdu tous les avantages dont ils jouissaient à une époque, en terme de propriété, de poste et de privilèges, à la faveur des factions chiites et kurdes qui ont collaboré à l'invasion américaine.

De nombreux Irakiens, de diverses obédiences religieuses et politiques, ont suffisamment de griefs pour se porter volontaires pour perpétrer ces attentats contre le régime crée par l'occupation américaine. Plus d'un million de personnes ont perdu la vie depuis 2003, dont des centaines de milliers tuées directement par les forces américaines. Des dizaines de milliers d'autres ont subi des détentions arbitraires et des sévices terribles dans les camps de détention du gouvernement irakien et américain. Plus de quatre millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer ou carrément forcées de fuir le pays. La haine des Irakiens devant l'occupation ne mollit pas.

Ces attentats contre les ministères du gouvernement coïncident avec les querelles acerbes qui vont croissant entre les factions irakiennes soutenant l'occupation, à quelques mois des élections qui doivent, selon la Constitution, se tenir le 31 janvier 2010. Washington exerce une pression énorme sur Maliki pour qu'il revienne sur sa promesse d'organiser un référendum populaire en même temps que les élections sur l'accord de statut des forces (dit SOFA) conclu entre le gouvernement et les Etats-Unis. Les analystes américains reconnaissent ouvertement qu'il est très probable qu'un tel référendum produise un vote majoritaire contre cet accord, conduit par des Irakiens qui veulent le retrait immédiat des forces militaires américaines.

Le Parti Da'wa de Maliki, très certainement avec des encouragements en coulisse de la part du gouvernement Obama, a quitté l'alliance chiite intégriste dominée par le pro-iranien Conseil supérieur islamique d'Irak (CSII), et va se présenter à l'élection contre lui. La hiérarchie du CSII que Maliki, qui n'est pas moins intégriste, qualifie cyniquement de « sectaire » et « d'antidémocratique » risque de perdre bon nombre des postes lucratifs qu'il occupe actuellement dans l'Etat irakien si la nouvelle alliance « nationaliste » de Da'wa obtient une majorité nette. D'un autre côté, il se peut que Maliki perde son poste si sa perspective de mettre sur la touche le CSII ne réussit pas.

Le gouvernement de Maliki a aussi crée un face à face tendu avec les forces nationalistes kurdes en refusant d'honorer la promesse qu'il leur avait faite en 2003 qu'elles gagneraient le contrôle de la ville de Kirkouk et d'autres régions du nord de l'Irak, riches en pétrole, en échange d'un soutien actif à l'invasion américaine. Les Kurdes exigent que toute élection comprenne un vote à Kirkouk, en dépit d'une opposition furieuse de la part de factions d'ethnie arabe et turkmène dans les régions du nord réclamées par la région autonome kurde. Il y a eu cette année plusieurs occasions où des troupes du gouvernement et des unités militaires kurdes en sont presque venues à se tirer dessus.

L'étendue de ces tensions concernant la manière dont seront partagés les postes de pouvoir et les privilèges entre élites sunnite et chiite, entre groupes chiites rivaux et entre la région kurde et le gouvernement de Bagdad, est telle qu'aucun accord n'a été conclu au parlement irakien sur la façon même dont les élections seront organisées. Il est quasiment certain que toute campagne électorale quelle qu'elle soit engendrera des violences et des fraudes significatives et pourrait déclencher une guerre civile ouverte.

Cette situation est en contraste criant avec les déclarations répétées de l'establishment américain selon lesquelles la forte augmentation des troupes (« surge ») opérée par le gouvernement Bush a été une réussite et que l'Irak est à présent sur la voie de la stabilité. Un exemple clair de cet aveuglement et de cette tromperie délibérée qui dominent a été publié dimanche par Thomas Friedman, chroniqueur au New York Times et partisan de l'invasion de l'Irak.

Dans sa chronique Friedman rêve d'un Barack Obama s'envolant pour Bagdad en 2012 pour « s'attribuer le mérite d'aider l'Irak à réussir à mettre un terme décent, bien que fort onéreux, à la guerre », si seulement les élections de janvier se passent sans heurt et mettent en place un gouvernement engagé dans « une réelle démocratie multi-confessionnelle ». Mais quelle est la réalité ? Pendant toute l'occupation, la tactique du diviser pour mieux régner, y compris le recours à la corruption des forces ethno-religieuses les plus vénales et corrompues ont été le moyen par lequel la résistance irakienne a été brisée et noyée dans le sang.

En 2003, le gouvernement Bush a consolidé le petit Etat kurde autonome du nord et a élevé les intégristes chiites à des postes de contrôle dans le gouvernement de Bagdad afin de gagner des collaborateurs locaux. Durant le « surge », des commandants de l'insurrection sunnite ont obtenu le contrôle de divers districts du pays ainsi que des dizaines de millions de dollars afin de faire cesser les attaques contre les soldats américains et de dénoncer ceux qui continuaient à résister. Dans les régions chiites, les dirigeants de l'Armée du Mahdi du religieux Moqtada al-Sadr ont aussi accepté de se laisser acheter et ont contribué à la destruction d'insurgés.

Le Wall Street Journal a ainsi carrément décrit la caractéristique du « surge » le 26 octobre: « Des forces conventionnelles américaines assignées à des quartiers et villages irakiens précis ont finalement réussi à développer des informations détaillées sur des leaders d'insurgés, de financiers et de combattants locaux. Ces informations ont ensuite été transmises aux unités de commando, tels les Navy Seals et la Force Delta de l'armée, qui ont éliminé des centaines de militants chiites et sunnites. »

Les opérations en Irak des escadrons américains de la mort ont été dirigées par le général Stanley McChrystal qu'Obama a nommé pour superviser le « surge » et d'autres programmes similaires de massacre de masse en Afghanistan. Il n'émergera aucune « démocratie multi-confessionnelle » de ces individus bourgeois qui ont contribué, pour leur propre avantage et intérêt matériels, à un bain de sang contre le peuple irakien. Au contraire, leur mise en avant de divisions ethno-religieuses seront exacerbées par le cauchemar social confrontant la population.

L'Irak, qui était jadis une société relativement développée, a été détruit et appauvri. 50 pour cent au moins de la population active n'a pas d'emploi régulier. La moitié seulement de la population a accès à de l'eau potable. Dans les quartiers pauvres de Bagdad et d'autres villes, les gens vivent au milieu des eaux d'égouts non traitées dans la rue avec accès à  peine à 10 heures d'électricité par jour. Selon les Nations unies, 60 pour cent des Irakiens vivent dans des habitations qui nécessitent « des restaurations majeures » du fait d'années de guerre.

La révolte politique contre cette situation couve, comme l'impérialisme américain ni aucun de ses collaborateurs locaux n'ont les moyens ni la moindre intention de les améliorer. Ces faits seront soulignés lors d'une élection au cours de laquelle on entendra des promesses démagogiques et fausses et rien de plus. Pendant ce temps, Maliki s'est rendu à Washington la semaine dernière pour participer à une « conférence d'investisseurs » où le principal ordre du jour était de proposer à la vente les vastes réserves de pétrole du pays à des entreprises étrangères pour qu'elles les exploitent et en tirent des profits.

Etant donné les tensions sous-jacentes et la volatilité de l'Irak, et la catastrophe en train de se dérouler en Afghanistan, aucun observateur sérieux ne peut exclure la possibilité que les attentats du week-end ne participent d'un effort, de la part des éléments les plus en faveur des Etats-Unis, de créer une « crise sécuritaire » qui pourrait servir à justifier le report, voire même l'annulation des élections.


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés