wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Expulsion brutale des migrants d'un campement de Calais

Par Antoine Lerougetel
30 septembre 2009

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Mardi matin à l'aube, 600 policiers ont envahi le camp de fortune près de Calais dans le nord de la France, connu sous le nom de « la jungle » et qui abritait quelque 800 migrants sans papiers, pour la plupart des Afghans cherchant à atteindre la Grande-Bretagne. La police a violemment repoussé 150 associatifs anglais et français de défense des droits des migrants qui essayaient de former une chaîne humaine pour empêcher l'expulsion des migrants. Ils ont ensuite délogé de force les migrants dont la moitié était des enfants ou des adolescents, effrayés et affolés, au milieu de scènes de grande détresse.

Des unités de l'armée se tenaient en réserve aux abords de l'entrée du tunnel sous la Manche. Cependant, les migrants n'ont pas opposé grande résistance, mais certains ont essayé de défendre la mosquée du camp où se trouvait aussi une tombe.

Le but de cet acte brutal perpétré avec le soutien total du gouvernement britannique et de l'Union européenne et une couverture médiatique importante était de terroriser tous ceux qui cherchent  un refuge loin des privations, de la guerre et des persécutions qui existent en Asie et en Afrique, et à les dissuader de tenter d'entrer dans l'Union européenne.

C'est aussi un signe lancé aux forces les plus réactionnaires de l'Etat et de la société ayant pour objectif de les préparer à la répression, dans le pays comme à l'étranger, des victimes en nombre croissant de la crise économique. Ce raid ne représente qu'un élément des agissements répressifs anti-immigrés en France: Il faut rappeler la mission parlementaire contre le port de la burqa, l'objectif des 30.000 expulsions de sans-papiers en 2009, l'expulsion brutale des sans-papiers de la Bourse du Travail de Paris par le service d'ordre de la CGT et la police...Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a condamné ce raid, « qui plonge dans le désarroi des hommes, des femmes, des mineurs qui ont déjà eu tant à souffrir » et qui « ne sert qu'à entretenir un climat xénophobe dangereux dans notre pays ».

Le dirigeant néofasciste du Front national Jean-Marie Le Pen a dit que « C'est toute la France qui est en train de devenir une jungle. » Une fois les migrants et les manifestants délogés du périmètre de la « jungle » des centaines de policiers ont procédé à une opération de nettoyage, à l'aide de bulldozers, de tronçonneuses et de lance-flammes pour détruire les abris de fortune.

De nombreux migrants, au courant que ce raid très médiatisé allait avoir lieu, avaient quitté le camp. Ceux qui étaient restés attendaient la police derrière des banderoles portant des inscriptions en anglais et en pachtoune. On pouvait lire « Nous avons besoin d'abri et de protection. Nous voulons l'asile et la paix. La jungle est notre maison. »Sur une autre, « Donnez-nous l'asile en France. Nous voulons un logement. Nous ne voulons pas rester dans la jungle. » Les groupes de soutien aux migrants scandaient « Pas de frontières. Pas de nations. Pas de déportations. »

Au total, 278 personnes ont été arrêtées, dont deux membres des associations de soutien. Les 135 mineurs détenus ont été envoyés dans des « centres spécialisés » selon les autorités. Les associations de soutien disent qu'il s'agit de centres pour jeunes délinquants. Eric Besson, ministre de l'Immigration et ancien membre du Parti socialiste qui s'était rallié à Sarkozy durant sa campagne présidentielle de 2007, a supervisé l'opération de la police. Il a dit à la presse que depuis janvier, quelque 180 clandestins ont choisi un retour volontaire dans leur pays et 170 ont engagé des démarches pour une demande d'asile. Cinquante requêtes ont abouti à la délivrance de titres de séjour provisoires.

Besson a fait la mise en garde suivante, « Pour ceux qui continuent à refuser ces propositions, nous envisagerons une procédure de retour contraint dans le pays d'origine. »Sa référence aux demandes d'asile est particulièrement cynique. Keith Best du Service britannique de conseil à l'immigration a dit à la presse, « Les Français ne jouent pas le jeu en autorisant les gens à faire une demande d'asile à Calais malgré leur obligation vis-à-vis de la Convention des réfugiés. » La Grande-Bretagne exclut d'accepter les migrants. Alan Johnson, ministre de l'Intérieur britannique a dit que les réfugiés

authentiques devraient faire leur demande d'asile dans le pays où ils sont entrés dans l'UE, tandis que ceux qui fuient les persécutions devraient rentrer chez eux. « Les mesures que nous avons mises en place ne sont pas là juste pour empêcher l'immigration clandestine, mais aussi pour mettre fin au trafic de personnes », a dit Johnson. « Nous travaillons avec les Français, non seulement pour renforcer nos frontières communes, mais celles de l'Europe dans son ensemble. » Johnson a promis de poursuivre son soutien à l'action de la France en disant que les agents de la police des frontières du Royaume-Uni « travaillent déjà jour et nuit aux côtés des autorités françaises pour sécuriser la frontière à Calais ». La Grande-Bretagne a récemment donné à la France 15 millions de livres sterling à cette fin.

Le cynisme de Johnson a été renforcé par le ministre britannique de l'Immigration Phil Woolas qui a dit que les migrants de Calais sont forcément clandestins. Il a argué que sinon ils auraient demandé l'asile en France ou dans le pays de l'UE où ils étaient arrivés. Mais le quotidien The Guardian écrit, « La Grèce, pays de transit le plus probable pour la plupart des migrants de Calais, a accepté moins d'un pour cent de demandes d'asile l'année dernière. L'Italie a provoqué l'inquiétude internationale en interceptant en mer de façon sommaire des bateaux de migrants et en les forçant à retourner vers la Libye sans même un regard sur leur demande d'asile. »

Ces actions passent délibérément outre à la disposition clé de la Convention pour les réfugiés de l'ONU datant de 1951, appelée non refoulement et qui signifie qu'aucune personne faisant une demande d'asile ne sera renvoyée dans un pays où elle serait susceptible d'être persécutée. Une deuxième disposition stipule que chaque demande soit examinée soigneusement et que personne ne soit poursuivi pour être entré dans un pays de manière clandestine.

Besson a promis que d'autres squats de la région seraient progressivement vidés. Des migrants venus d'Irak, d'Afghanistan, d'Erythrée, de Somalie et d'autres pays encore vivent dans des bâtiments vides et des cabanes tout le long de la côte du Nord-Pas-de-Calais, espérant monter dans un camion et passer en Grande-Bretagne comme passager clandestin

Les médias français et la « gauche » parlent peu des conditions qui créent ces mouvements migratoires massifs. D'après The Guardian, il y a eu 10 millions de réfugiés et 200 millions de migrants pour la seule année dernière.

Un article de Philip Johnston  dans le quotidien britannique Daily Telegraph du 22 septembre décrit la situation à laquelle sont confrontées ces personnes : « Ce qu'ils veulent tous, c'est entrer en Grande-Bretagne ; et après avoir bravé les sables brûlants du Sahara, risqué leur vie à traverser la Méditerranée ou passé des journées entières tout serrés et affamés à l'arrière d'un camion en provenance d'Asie centrale, ce ne sont pas les 33 kilomètres de mer du Nord qui va les faire reculer.

« A travers l'Europe, les bidonvilles poussent comme des champignons... Le changement climatique, la croissance de la population, le manque d'eau, la famine et la guerre vont pousser de plus en plus de gens à quitter leur pays d'origine et à venir en Europe...

« Les côtes méditerranéennes d'Espagne et de France voient une augmentation importante des chiffres. En 2008, on a estimé à 70.000 le nombre de personnes cherchant à faire la traversée à partir d'Afrique du Nord. Il y a parfois des cadavres qui s'échouent sur les plages, résultat des tentatives malheureuses de traverser la mer en partant d'Afrique, souvent dans des embarcations petites et incapables de résister aux éléments. »

The Guardian raconte les difficultés d'Ahmed Toeb, jeune agriculteur du nord de Kaboul qui dit avoir essayé nuit après nuit de faire s'arrêter des camions afin de pouvoir atteindre la Grande-Bretagne, en courant à côté d'eux sur l'autoroute. « J'ai réussi plusieurs fois, mais après je me suis fait arrêter par la police des frontières française. » La nuit précédant le raid, on avait eu vent de rumeurs comme quoi la police viendrait. » Il s'était caché et avait vu des hommes s'enfuir. « Des amis à moi ont été pris, il y en a un qui a 14 ans. Je ne sais pas où ils sont maintenant. J'ai peur pour eux. » Il ne cessera pas d'essayer d'entrer en Grande-Bretagne. S'il essaie de faire une demande d'asile en France, il craint qu'on ne le renvoie tout simplement en Afghanistan.

Des associatifs d'entraide et des volontaires qui risquent des amendes allant jusque 75.000 euros et cinq années d'emprisonnement pour porter assistance à ces migrants clandestins, le délit de solidarité, ont fait remarquer que des actions comme le raid de Calais ne feront que déplacer le problème. De nombreux migrants qui ont évité le raid dorment à présent sous les ponts et dans des bâtiments abandonnés.

Jean-Claude Lenoir,dirigeant du groupe de soutien Salam a expliqué leur présence au camp : « On voulait d'une façon symbolique, montrer notre solidarité avec les migrants. On ne peut pas faire la guerre en Afghanistan et traiter ici les Afghans avec si peu de dignité. » Les soi-disant partis de gauche en France ont fait une série de déclarations sur le raid. Le Courrier Picard cite le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste qui disent respectivement que c'était un « spectacle cruel et obscène » et une « opération médiatico-policière. » Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste a déclaré, « C'est un acte totalement inhumain. » Les Verts ont publié un communiqué disant que « cette opération hautement médiatique n'est qu'une mise en scène politicienne » organisée avant les élections régionales de 2010.

Tous ces partis étaient dans le gouvernement de la Gauche plurielle de Lionel Jospin qui s'est joint à l'invasion de l'Afghanistan initiée par les Etats-Unis en 2002. Ils continuent à soutenir l'intervention militaire de style colonial actuelle de soldats français aux côtés de ceux de l'OTAN et qui contribue à ravager le pays et à pousser des millions de personnes à l'exil. Nombreux sont ceux qui meurent en chemin, mais certains finissent par arriver à Calais et il en viendra encore.

Le gouvernement de Gauche plurielle a appliqué les lois anti-immigration qui ont rendu ces migrants clandestins. Il est quasiment impossible de différencier l'actuelle politique d'immigration du Parti socialiste de celle du gouvernement Sarkozy. Jospin a travaillé avec le gouvernement britannique pour rendre le passage en Angleterre aussi difficile et dangereux que possible, créant ainsi cet engorgement d'immigrants cherchant à gagner l'Angleterre au centre de la Croix-rouge de Sangatte, fermé en 2002 à la demande du gouvernement Blair. Jospin avait accusé la Grande-Bretagne d'être trop « tolérante » en matière d'asile et le quotidien du PC, L'Humanité, avait critiqué la décision de Sarkozy de « fermer Sangatte sans que le problème soit réglé en Grande-Bretagne. »

En septembre 2001, le ministre de l'Intérieur de Jospin Daniel Vaillant avait publié une déclaration conjointe avec le ministre de l'Intérieur britannique David Blunkett, appelant à de rapides « progrès pour se mettre d'accord et mettre en pratique les dispositions communes de l'UE pour traiter le problème des demandeurs d'asile. » et afin de faire cesser la « ronde des demandes d'asile ». (asylum shopping) (lire aussi en anglais Britain and France seek tougher measures against refugees)

La manière impitoyable dont sont traités les réfugiés de Calais et leurs enfants est un avertissement cinglant à la classe ouvrière d'Europe de la violence répressive que l'Union européenne est en train de préparer contre tous ceux qui cherchent à se protéger et à protéger leur famille de la destruction sociale qui leur est infligée par les Etats d'Europe au nom de l'impérialisme européen.

(Article original anglais paru le 19 septembre 2009)

 

Lire aussi :

France : la fermeture du centre de Sangatte intensifie les attaques contre les demandeurs d'asile [27 novembre 2002]

France : La mission parlementaire contre la burqa encourage les préjugés anti-musulmans [25 septembre 2009]


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés