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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Après le massacre de Kunduz

La Gauche vole au secours du gouvernement allemand

Par Stefan Steinberg
15 septembre 2009

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Le bombardement du week-end dernier qui, sur les ordres d’un commandant allemand, a fait des dizaines de victimes civiles afghanes à Kunduz a déclenché à peine deux semaines avant les élections nationales une crise sérieuse au sein du gouvernement allemand. Le gouvernement avait cherché à ne pas aborder le sujet de la guerre en Afghanistan lors de la campagne électorale mais le tollé de protestations soulevées par le massacre de Kunduz rend maintenant ceci impossible.

Mardi, le parlement (Bundestag) a tenu une séance spéciale consacrée à l’Afghanistan. Les partis de la grande coalition gouvernementale, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD), ont profité de l’occasion pour afficher leur soutien sans faille à la mission militaire allemande en Afghanistan en général et à l’ordre donné par le commandant allemand à Kunduz en particulier.

La chancelière Angela Merkel du CDU a dit qu’elle ne tolérerait aucune critique « que ce soit ici [en Allemagne] ou à l’étranger » des activités des forces allemandes dans la région. Ses commentaires ont été repris par le ministre SPD des Affaires étrangères et vice-chancelier, Frank-Walter Steinmeier, qui a mis en garde contre « des jugements hâtifs » concernant le comportement des troupes allemandes en Afghanistan. Les partis de l’opposition, les Verts et le Parti libéral démocrate (FDP), ont serré les rangs autour du gouvernement.

Le jour même où se tenaient les débats au Bundestag, le ministre allemand de la Défense, Franz Josef Jung, inaugurait un monument à la gloire des soldats allemands tués à la guerre. C’est la première fois depuis les atrocités nazies de la Seconde Guerre mondiale qu'un gouvernement allemande ose ériger un tel monument.

Ainsi, la réaction du gouvernement allemand, des partis de l’opposition et du haut commandement militaire au massacre de Kunduz a consisté à lancer une nouvelle offensive au nom du militarisme allemand.

Quelques heures à peine après les débats au Bundestag, La Gauche (Die Linke) organisait un rassemblement à la Porte de Brandebourg à Berlin sous le mot d’ordre : « Stop aux bombardements – Hors d’Afghanistan. » Ce slogan toutefois, était une imposture. Le véritable objectif du rassemblement était de briser l’opposition populaire à la guerre et de démontrer le soutien de Die Linke à l’impérialisme allemand.

Le rassemblement a été organisé rapidement et les dirigeants de Die Linke n’ont aucunement essayé de mobiliser un sentiment anti guerre existant au sein de la population. Mais, bien que la participation ait été faible, environ 500 personnes, les journalistes et les équipes de reporters télé étaient nombreux. Il est évident que Die Linke avait appelé à ce rassemblement dans le but de se procurer une plateforme à partir de laquelle il lui serait possible de faire parvenir un signal aux partis gouvernementaux et à la classe dirigeante. Le message étant : Nous sommes prêts à soutenir une nouvelle stratégie pour poursuivre la guerre en Afghanistan.

Préoccupé par le fait que les développements en Afghanistan risquent de miner les intérêts internationaux allemands, Die Linke se proposait d’offrir ses conseils en ce qui concerne une politique étrangère impérialiste plus efficace et des moyens de la vendre à la population allemande.

Le principal orateur du rassemblement, le co-président du parti, Oskar Lafontaine, a clairement laissé entendre que Die Linke abandonnait son appel au retrait immédiat des troupes allemandes d’Afghanistan. Il a déclaré que ce qui était nécessaire c’était une « solution au moins comparable à celle adoptée par le gouvernement canadien, » en ajoutant, « il nous faut une date pour un retrait complet des troupes. »

Le plaidoyer de Lafontaine en faveur de la politique canadienne en Afghanistan ne reprend rien d’autre que celle du secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, qui avait fait dernièrement l’éloge du Canada en tant qu’allié le plus étroit des Etats-Unis en Afghanistan.

En réalité, la promesse du gouvernement canadien de retirer ses troupes d’ici 2011 est une manoeuvre cynique destinée à étouffer le sentiment anti guerre de masse et les revendications croissantes pour un retrait immédiat des troupes canadiennes. De plus, il n’existe pas la moindre garantie que le gouvernement ne revienne sur sa promesse. Il a déjà étendu sa présence en Afghanistan par deux fois précédemment.

Lafontaine propose que le gouvernement allemand adopte la « solution canadienne » précisément dans le but de calmer l’opposition dans le pays qui ne cesse de croître contre la guerre et de faire en sorte que les troupes allemandes restent en Afghanistan.

Dans son discours, Lafontaine a pris soin de placer ses critiques formulées à l’encontre de la politique officielle actuelle pratiquée en Afghanistan dans le cadre d’un soutien patriotique pour les intérêts de la bourgeoisie allemande, à l'étranger et dans le pays. Il a cité d’influents responsables allemands de l’armée et des forces de sécurité qui ont publiquement mis en garde contre le risque que le déploiement de l’armée en Afghanistan ne ferait qu’accroître le danger d’attaques terroristes en Allemagne. « Nous ne protégeons pas notre pays, » a-t-il déclaré.

Des signaux politiques identiques ont été lancés par d’autres membres influents de Die Linke. Dans une interview accordée le jour du rassemblement à Berlin au journal Junge Welt, la dirigeante du groupe parlementaire du parti, Dagmar Enkelmann, a déclaré que son parti était en quête « d’un vaste débat public concernant une stratégie de sortie. »

Toute personne qui se tient au courant de l’intervention américaine en Irak comprendra la signification de cette expression. « Stratégie de sortie » est un euphémisme politique pour y maintenir les troupes indéfiniment.

Les partisans de la guerre en Irak avaient argumenté en faveur d’une « stratégie de sortie » en se servant de l’argument selon lequel un retrait immédiat des troupes entraînerait le « chaos ». La « stratégie de sortie » développée par le gouvernement Obama implique le stationnement de dizaines de milliers de soldats américains réguliers et irréguliers et le maintien de bases militaires permanentes dans le pays.

L’occupation coloniale de l’Irak dans le but de sauvegarder les intérêts impérialistes américains se poursuit sous une forme quelque peu différente, permettant à Washington de se concentrer sur son front de guerre préféré, l’Afghanistan et le Pakistan.

Le fait que Die Linke soutient une solution identique en Afghanistan a été souligné par l’approbation d’Enkelmann de l’appel lancé par la chancelière allemande, Angela Merkel, et du premier ministre britannique, Gordon Brown, pour une conférence de l’ONU sur l’Afghanistan, qu’elle a qualifié dans son interview accordée à Junge Welt de « sommet de stratégie de sortie ».

Le but d’une telle conférence ne serait ni de mettre fin à la guerre en Afghanistan ni de créer les conditions d’un retrait des troupes, mais bien plutôt de rassembler un soutien international supplémentaire et l'aval de l’ONU pour une guerre illégale qui devient de plus en plus impopulaire. Une « stratégie de sortie » emmenée par les Nations unies impliquerait probablement l’envoi de davantage de troupes dans le pays.

Comme l’écrivait le groupe de réflexion américain Stratfor : « Les dirigeants européens envisagent une stratégie de sortie d’Afghanistan qui inclut un projet à court terme d’envoi de troupes additionnelles pour la formation des Afghans eux-mêmes et une date à long terme mutuellement acceptable pour le retrait. »

Lafontaine, Die Linke et les couches influentes de la bourgeoisie allemande considèrent une telle « conférence de stratégie de sortie » comme un moyen de faire basculer le contrôle de l’opération des Nations unies, conduite les Etats-Unis, sur les puissances européennes, et en premier lieu sur l’Allemagne.

Lors d’une conférence de presse tenue un jour avant le rassemblement à la Porte de Brandebourg, Dietmar Bartsch, un autre dirigeant de Die Linke, avait également exprimé son soutien pour une forme différente de l’intervention militaire. Bartsch avait réclamé une stratégie alternative fondée sur un plus grand engagement civil et une formation plus rapide de la police locale afghane par des policiers allemands.

Les arguments avancés par Bartsch et Enkelmann en faveur d’une « stratégie de sortie » d’Afghanistan, « la reconstruction du pays, » « la concentration sur un engagement civil, » « la formation des forces sécuritaires locales », rappellent bizarrement les raisons invoquées par le Parti social-démocrate et les Verts pour l’envoi de troupes en Afghanistan initialement en 2003.

Le parti Die Linke est célébré par les sections influentes des médias et des cercles politiques bourgeois. Au fur et à mesure que la date des élections fédérales du 27 septembre approche, de plus en plus de voix s’associent pour proclamer que Die Linke a suffisamment prouvé sa loyauté en ce qui concerne les questions de politique intérieure. Il a contribué notamment à appliquer des coupes sociales draconiennes durant son gouvernement de coalition avec le SPD dans la capitale de Berlin.

Afin de progresser et de devenir une part intégrante de la coalition dirigeante au niveau fédéral, Die Linke doit aussi prouver qu’il est capable de défendre de manière fiable les intérêts impérialistes allemands à l’étranger. C’est dans ce contexte que l’on doit voir le changement de ligne en Afghanistan qui est effectué par Lafontaine et Die Linke.

(Article original paru le 12 septembre 2009)

 


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