L’économie mexicaine s’est contractée d’un
taux annuel de 10,3 pour cent au deuxième trimestre de 2009. C’est la pire
performance depuis que l’Institut national de la statistique (INEGI) a débuté
en 1981 la publication de statistiques trimestrielles. Ces statistiques
indiquent une décélération continue de l’économie avec une augmentation du
déclin moyen sur une période de six mois de 9,2 pour cent dans la première
moitié de 2009.
Si l’on avait prédit un déclin de 7 pour
cent sur l’année entière, une estimation extrêmement optimiste compte tenu des
chiffres, le Mexique aurait connu la pire année depuis la Grande Dépression.
Parmi les principales économies mondiales, seule celle de la Russie s’est
contractée plus que celle du Mexique, avec environ 10,9 pour cent.
La troisième contraction au deuxième trimestre est suivie par une
baisse de 8 pour cent au premier trimestre et de 1,6 pour cent au quatrième
trimestre de 2008. Les soi-disant activités secondaires, bâtiment, production
manufacturière, exploitation minière et services énergétiques, ont chuté de
11,5 pour cent. Les activités tertiaires, telles le transport et l’entreposage,
ont dégringolé de 10,4 pour cent. Un résultat quelque peu positif a été réalisé
dans le secteur primaire, l’agriculture, l’exploitation forestière, l’élevage
d’animaux et la pêche, qui a augmenté de 1,1 pour cent du PIB.
La baisse, de loin la plus forte, a été
enregistrée dans les services liés au tourisme avec 17,1 pour cent suivie par
la production manufacturière avec 16,4 pour cent. Ces statistiques moroses sont
le résultat direct d’un ralentissement affectant les secteurs les plus
industrialisés du pays.
La baisse du PIB s'est accompagnée d'une
crise du taux de change peso-dollar. Le cours de la monnaie est passé
approximativement de 11 pesos pour un dollar début 2008 à 15,50 début 2009.
Seule une intervention massive de la Banque centrale mexicaine et la chute du
dollar ont restitué une certaine valeur au peso qui s’échange à nouveau à 13
pour un dollar.
Les conséquences sociales de cette baisse
dramatique se ressentent partout. Les habitants de la capitale, Mexico City, ont
constaté une augmentation des troubles sociaux sous presque toutes les formes.
Criminalité juvénile, usage de drogue et corruption ont connu une forte
recrudescence, le tout motivé par la hausse du chômage chez les jeunes.
Depuis l’entrée en vigueur en 1992, de
l’Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les Etats-Unis et le
Mexique (ALENA), les économies des Etats-Unis et du Mexique se sont bien plus
fortement intégrées. Le Mexique est passé d’une économie en grande partie
tributaire de la demande intérieure, moins de 10 pour cent du PIB étaient
représentés par le commerce extérieur, à une plateforme d’exportations avec
plus de 30 pour cent de son PIB provenant du commerce extérieur. Ceci est tout
particulièrement vrai en ce qui concerne le Nord du Mexique. Soixante pour cent
des importations du Mexique, surtout des produits manufacturés, et deux tiers
des investissements de capitaux viennent des Etats-Unis. Plus de 90 pour cent
des exportations du Mexique sont destinées aux Etats-Unis. En 2008, le montant
total des exportations ont chuté de 34 pour cent tandis que les importations
ont baissé de 33 pour cent. Ceci inclut une chute de 54 pour cent de la valeur
des exportations pétrolières en dollar.
Parmi les marchandises exportées par le
Mexique on compte la main-d’œuvre. Les entreprises américaines dépendent de la
fourniture de la main-d’œuvre des travailleurs mexicains pour leurs usines au
Mexique et aux Etats-Unis. L’argent envoyé dans leur pays d’origine par ces
travailleurs, une source de revenu majeure pour des millions de familles
mexicaines, est crucial pour le PIB mexicain. Les usines américaines et
étrangères opérant du côté mexicain de la frontière américano-mexicaine, face
aux villes américaines de Laredo, de McClaren et d’El Paso au Texas et de San
Diego en Californie, dépendent d’une migration constante de travailleurs à bas
salaire venant du Sud vers le Nord du Mexique. En dépit des contrôles
draconiens de l’immigration, l’intégration du marché du travail est telle que,
d’après une évaluation, une augmentation de 10 pour cent des salaires des
ouvriers spécialisés aux Etats-Unis finit par entraîner une augmentation de 1,8
pour cent des salaires au Mexique.
L’impact sur l’économie frontalière est dévastateur.
La perte de centaines de milliers d’emplois dans des centres industriels tels
Ciudad Juarez, Laredo et Tijuana a affecté les économies du couloir industriel
qui s’étendent des deux côtés de la frontière de San Diego, en Californie, à
Brownsville au Texas.
En conséquence, l’actuelle récession
américaine a eu un impact immédiat sur l’économie mexicaine. Les exportations,
les investissements et les transferts d’argent ont chuté. Les prix des
marchandises, y compris le prix du pétrole, ont également baissé en réaction à
la chute de la demande mondiale.
L’effondrement des exportations, des
investissements et des transferts d’argent ne sont toutefois qu’un aspect du
problème. Les prix des denrées alimentaires qui n’ont cessé d’augmenter tout au
long de 2007 ont affecté le niveau de vie.
Le taux de chômage officiel de 5,2 pour cent
de la force de travail, en hausse par rapport aux 3,5 pour cent l’année passée,
obscurcit l’état actuel des choses. Avant le krach déjà, l’économie avait été
incapable de créer suffisamment d’emplois pour satisfaire les nouveaux venus
sur le marché du travail, un problème chronique pour l’économie mexicaine.
Ceux qui n’ont pas émigré ont trouvé du
travail dans le soi-disant secteur informel qui consiste en ce qui est appelé
par euphémisme des « micro-entreprises. » Cette économie souterraine
emploie quelque 20 millions de personnes, 45 pour cent de l’ensemble de la
force de travail de 45 millions de personnes. (Le Mexique compte une population
de 107 millions d’habitants ; la force de travail est officiellement
définie comme étant tous ceux âgés de plus de 14 ans ).
L’économie mexicaine a perdu, depuis juin
2008, 232.000 emplois, tandis que le secteur informel en a gagné 99.000. Si
l’on additionne ce dernier groupe au chiffre des chômeurs, le véritable taux de
chômage dépasserait 20 pour cent de la force de travail. De tels taux se
rapprochent de ceux des années 1930 et dépassent de loin les taux de chômage
engendrés par la crise économique de 1994.
La réaction du gouvernement du parti du
président Felipe Calderón, le Parti Action nationale (PAN), à la nouvelle
information concernant l’économie ressemble davantage à celle d’un gouverneur
d’Etat américain qu’à celle d’un dirigeant d’un Etat souverain. Après avoir
écarté les mises en garde selon lesquelles l’économie mexicaine serait durement
touchée par la récession comme étant de « l’alarmisme », le
gouvernement Calerón a décidé d’appliquer une politique de contraction qui a
réduit la consommation intérieure et allongé la liste des chômeurs. Le
gouvernement fédéral prévoit de réduire de 85.000 millions de peso les dépenses
publiques dans le budget de 2010, en gros 6,5 milliards de dollars américains,
et qui sera présenté le 8 septembre.
Dans le même temps, la Banque centrale a, en
raison de sa politique de vente de dollars pour prévenir l’effondrement du
peso, considérablement réduit la disponibilité de l’argent, augmenté les taux
d’intérêt et restreint davantage encore l’activité économique. Les responsables
de la Banque centrale ont clairement fait comprendre que la reprise de
l’économie mexicaine dépendait de la reprise de l’économie mondiale.
Les mesures de contraction ont été dictées
par Wall Street. En novembre dernier, Fitch Ratings, une agence de notation
financière internationale de Wall Street, avait attribué une notation
« négative » à la dette du gouvernement mexicain. En mai dernier,
l’agence de notation Standard and Poor’s avait également attribué une notation
négative au Mexique. Les deux agences avaient menacé d’abaisser la note du
gouvernement, qui se situe présentement à BBB+ voire trois crans de
l’appréciation des junk bonds [risque d’accident de paiement sérieux]. En fait,
les banques et le gouvernement Obama refusent d’accorder au Mexique, une semi
colonie américaine, le genre de plan de sauvegarde qu’ils se sont octroyés
eux-mêmes. Le fait que les mesures présentement appliquées entraîneront la
famine et le chômage ne préoccupe nullement l’élite dirigeante américaine.
En février 2008, la Confédération des
Travailleurs du Mexique (CTM) et le Congrès du Travail (CT) ont accepté un
pacte avec le gouvernement Calderón en promettant la paix sociale. Lors d’une
réunion dans la résidence présidentielle, le dirigeant du CT/CT a promis que la
bureaucratie syndicale envisage de placer l’intérêt national mexicain au-dessus
des intérêts du mouvement syndical.
Dans les mois qui ont suivi, les dirigeants
de la CMT ont dû faire face à la colère des travailleurs, y compris les
ouvriers du bâtiment, les mineurs et tous ceux travaillant dans les ateliers de
misère près de la frontière ainsi que les enseignants.
Après l’annonce faite par l’INEGI, la
bureaucratie syndicale, prudente à l’égard de sa capacité à contrôler les
travailleurs, a fait connaître publiquement ses préoccupations quant à de
possibles conflits sociaux générés par la crise. Les dirigeants de la CTM ont
mis en garde Calderón contre les leçons d’il y a 100 et 200 ans, dates
respectivement de la Révolution mexicaine et de la Guerre d’indépendance
mexicaine.
Toutefois, la bureaucratie syndicale n’est
pas allée jusqu’à en appeler à Calderón pour annuler les coupes budgétaires et
utiliser les ressources de l’Etat pour la création d’emplois. Au lieu de cela,
elle a réclamé que les coupes budgétaires soient équitablement réparties entre
les diverses agences gouvernementales. Vendredi, Calderón a fixé un plafond de
salaire pour les fonctionnaires gouvernementaux: dorénavant aucun fonctionnaire
ne pourra gagner plus que le président lui-même. « Avant de demander aux
familles mexicaines de faire davantage de sacrifices, il est nécessaire que les
fonctionnaires gouvernementaux fassent preuve de transparence dans
l’utilisation efficace des ressources du gouvernement, » a déclaré
Calderón en signalant d’autres réductions du niveau de vie.