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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : les sociaux-démocrates soutiennent le gouvernement conservateur

Par Keith Jones
22 septembre 2009

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Le Nouveau Parti démocrate (NPD), soutenu par les syndicats, et le Bloc québécois (BQ) ont voté vendredi dernier en soutien au gouvernement fédéral minoritaire formé du Parti conservateur dirigé par Stephen Harper. Les conservateurs forment le gouvernement canadien le plus à droite de mémoire d’homme.

Et le NPD, le parti social-démocrate du Canada, a averti qu’il était prêt à continuer à soutenir les conservateurs de Harper pendant des semaines et même des mois. Pour cela, le NPD prend comme prétexte qu’il est nécessaire d’assurer l’adoption d’un projet de loi sur l’assurance-chômage que les conservateurs ont pondu en toute hâte. Ce projet de loi offre une maigre amélioration de la couverture offerte par l’assurance-chômage pour un petit pourcentage des 1,6 million de chômeurs que compte le Canada.

« Nos partisans préfèrent que nous travaillions pour eux plutôt que d’avoir une autre élection dont personne ne veut », a dit le chef du NPD Jack Layton devant les journalistes peu après que les 37 députés de son parti aient voté pour la motion de voies et moyens pour octroyer les crédits pour le budget conservateur de janvier dernier, budget contre lequel avaient voté le NPD et le BQ.

Dans une entrevue publiée dans le journal La Presse de samedi dernier, Layton ne s’est pas borné à défendre l’appui que son parti a donné au gouvernement Harper en affirmant que le NPD veut obtenir des « résultats concrets pour les gens », pas des « apparences ».  Il a indiqué que le NPD explorera si sa toute nouvelle alliance avec le gouvernement Harper pourra se prolonger au-delà de l’adoption de la loi des conservateurs sur l’assurance-chômage. Quand La Presse lui demanda pour combien de temps il offrirait une « stabilité à Ottawa », Layton a répondu : « Cela va dépendre du premier ministre Harper… va-t-il essayer de répondre aux propositions réalistes et importantes qui sont sur la table en ce qui concerne les pensions, les frais des cartes de crédit, les changements climatiques ? […] S'il répond à nos propositions, cela indiquera une volonté d'avoir un Parlement qui fonctionne au lieu d'avoir un Parlement toujours en chicane. »

Un parti indépendantiste basé au Québec seulement, le BQ a une longue histoire de collaboration avec les conservateurs. Le BQ a donné à maintes reprises les voix qu’il manquait aux conservateurs pour que ces derniers puissent continuer à gouverner, principalement lors de son premier mandat (de février 2006 à octobre 2008).

Le NPD, jusqu’à ce mois, se vantait de son refus de soutenir les conservateurs lors des votes de confiance. Le chef du parti Jack Layton était toujours prêt à comparer l’histoire d’opposition de « principe » de son parti envers Harper à celle du BQ et plus particulièrement à celle du Parti libéral, qui a voté 79 fois en faveur du soutien du Parti conservateur au cours des trois dernières années et demie.

Les sociaux-démocrates mettaient encore plus l’accent sur leur historique de votes anti-conservateurs depuis deux ans, alors qu’ils allaient encore plus à droite. Premièrement, Layton et ses néo-démocrates ont abandonné leur opposition au rôle de premier plan que joue le Canada dans la guerre contre l’Afghanistan. Ensuite, à la fin de l’automne passé, le NPD a accepté d’être le partenaire junior d’une coalition dirigée par les libéraux qui voulait mettre en œuvre la politique des conservateurs de diminuer les impôts des compagnies de 50 milliards de dollars.

Lors du congrès national du NPD le mois dernier, le leadership a mis sur la table une série de nouvelles mesures de droite. Celles-ci incluaient l’élimination de toutes les taxes sur les petites entreprises et le changement de nom du NPD pour le Parti démocrate, afin d’insister sur son affinité avec le Parti démocrate américain de Barack Obama et Hillary Clinton et sur son renoncement à toute association, même ténue, avec les politiques indépendantes de la classe ouvrière. « Nous voulons bâtir un parti où les libéraux et les centristes peuvent se sentir les bienvenus », a expliqué le directeur national du NPD, Brad Lavigne.

Les sociaux-démocrates, avec le plein appui de leurs proches alliés dans la bureaucratie syndicale, ont lancé une bouée de sauvetage aux conservateurs de Harper, fournissant d’autres preuves, même si elles n’étaient pas nécessaires, que le NPD est partie intégrante de l’establishment politique canadien et dédié entièrement à la grande entreprise.

Après le vote de vendredi, le leader du BQ, Gilles Duceppe, a affirmé que le soutien de son parti pour les conservateurs était un évènement isolé, motivé par son empressement de voir le parlement approuver un programme temporaire d’allègements fiscaux pour la rénovation domiciliaire. Duceppe a écarté la proposition des conservateurs d’« améliorer » l’assurance-emploi, disant que le projet de loi C-50 ne fera rien pour les travailleurs de l’industrie forestière en crise du Québec. Il a presque donné l’assurance que le BQ allait appuyer la motion de non-confiance que les libéraux ont promis de présenter au parlement lorsqu’ils auront une « journée de l’opposition » tôt le mois prochain. « S’ils nous demandent si nous avons confiance dans ce gouvernement [conservateur], la réponse, a dit Duceppe, est claire : N-O-N, non. »

Le NPD a quant à lui présenté les changements des conservateurs sur l’AE comme un « pas dans la bonne direction », donnant de la légitimité à un projet de loi cynique, dérisoire et, somme toute, réactionnaire. Selon les propres estimations du gouvernement, seulement 190 000 travailleurs sans emploi vont obtenir quelque chose de la législation. Ils recevront des allocations additionnelles sur 5 à 20 semaines dépendamment du nombre d’années qu’ils ont cotisé à l’AE.

Durant des mois, les conservateurs se sont catégoriquement opposés à tout appel visant à améliorer les prestations d’assurance-emploi. Harper est même allé jusqu’à qualifier d’« augmentation de taxes » tout relâchement des conditions d’admissibilité ou extension de la période d’admissibilité. La semaine dernière, devant la menace imminente d’une défaite au parlement et d’une nouvelle élection, les conservateurs ont soudainement dévoilé un projet de loi pour améliorer temporairement le régime d’assurance-emploi. L’objectif évident était de fournir à Layton et au NPD (qui, depuis deux semaines, clamaient qu’ils étaient prêts à « faire fonctionner le Parlement », c’est-à-dire conclure une entente pour garder les conservateurs au pouvoir) un prétexte pour venir en aide au gouvernement. Et si ce pari échouait, les conservateurs avaient anticipé que le projet de loi C-50 les aiderait à se présenter devant l’électorat comme des « conservateurs compatissants », modérés.

En concevant le projet de loi C-50, les conservateurs ont non seulement ignoré toutes les propositions des groupes de défense des chômeurs pour améliorer la couverture du régime d’assurance-emploi, mais aussi toutes les suggestions faites par le NPD et les deux autres partis de l’opposition. Notamment, il était question de réduire et d’uniformiser la période d’admissibilité à 360 heures, d’étendre la couverture aux travailleurs à temps partiel et de prolonger la durée au cours de laquelle les travailleurs pourraient recevoir des prestations.

La loi C-50 est fondée sur la notion de l’époque victorienne du pauvre méritant ou non-méritant. Toute personne qui a été prestataire de l’assurance-chômage plus de 35 semaines au cours des cinq dernières années — par exemple, les travailleurs saisonniers et un bon nombre des travailleurs mis à pied de l’industrie de l’auto, de la foresterie ou d’un autre secteur manufacturier — et toute personne qui n’aurait pas donné suffisamment en cotisations d’assurance-chômage — les jeunes, les bas salariés et les travailleurs à temps partiel — ne pourra pas avoir de prolongation à son éligibilité à l’assurance-chômage.

Même les bureaucrates syndicaux  comme le président des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA) Ken Lewenza ont décrit la loi C-50 comme ne donnant que des « miettes ». Mais cela n’a pas empêché les TCA ou les syndicats dans leur ensemble d’appuyer la décision du NPD de soutenir le gouvernement Harper.

Quant à Layton, il a dénoncé les critiques que ses alliés syndicaux et même quelques-uns de ses députés ont faites de la loi C-50, disant que le NPD continuera à faire pression pour des améliorations à la couverture de l’assurance-chômage au moyen de lois privées (c’est-à-dire de lois qui ne sont pas déposées par un membre du cabinet ministériel). « Il est vrai », a dit le chef du NPD, « qu’il y a beaucoup de personnes qui ont besoin d’aide qui n’auront rien avec cette loi, mais nous avons déposé douze lois à la Chambre des communes pour tenter de remédier aux problèmes de l’assurance-chômage, avec l’objectif d’aider les travailleurs saisonniers par exemple ». Ces affirmations ne sont qu’un leurre. Layton sait très bien que puisque c’est le gouvernement qui contrôle les débats sur les lois au Parlement, les lois privées ne sont jamais présentées devant le Parlement pour un vote.

Des proches du NPD ont concédé que la véritable raison pour la soudaine volte-face du NPD sur la question du soutien au gouvernement Harper est la crainte de pertes électorales. Les plus récents sondages indiquent que l’appui au NPD est moindre, et certains disent beaucoup moindre, que les 18 pour cent du vote exprimé qu’il avait obtenu dans les élections d’octobre 2008.

Que le NPD n’ait pas réussi à accroître sa base populaire dans le contexte de la plus grande crise du capitalisme mondial et alors que l’on voit de plus en plus de signes de la résistance de la classe ouvrière (comme dans les grèves contre les concessions d’Inco et des cols bleus de la ville de Toronto) en dit long sur les rapports des sociaux-démocrates avec la classe ouvrière. Parmi de larges couches de la population, le NPD est identifié, et avec raison, à l’impotence, aux manœuvres parlementaires, à l’imposition de mesures d’austérité de droite (comme en Ontario, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan où le NPD a eu le pouvoir dans les années 1990) et aux trahisons des bureaucraties syndicales.

Mais le ralliement du NPD aux conservateurs n’a pas simplement l’opportunisme électoral pour cause. Les sociaux-démocrates répondent, et cherchent à satisfaire, aux opinions faisant consensus au sein de l’élite dirigeante canadienne. La grande entreprise n’est pas en général en faveur d’une élection fédérale actuellement parce qu’elle considère que cela résulterait en un autre gouvernement minoritaire et qu’elle cherche un gouvernement majoritaire pouvant prendre des décisions impopulaires.

C’est ce qui était exprimé franchement  dans une récente chronique de Jeffrey Simpson, le principal chroniqueur sur les affaires nationales du Globe and Mail, intitulée « S’il doit y avoir une autre élection, pas de gouvernement minoritaire s’il-vous-plait ».  On pouvait lire « Alors que le Canada rampe hors de la récession et qu’il confronte la question de la dette qui s’est approfondie, il faudra prendre des décisions difficiles… Seul un gouvernement majoritaire, ou peut-être une « grande coalition » des conservateurs et des libéraux comme celle que l’on trouve en Allemagne aura le courage de prendre ces décisions difficiles. Un autre gouvernement minoritaire, qu’il soit libéral ou conservateur, choisirait la voie de moindre résistance en évitant les décisions difficiles. »

La direction du NPD est aussi très sensible à l’ampleur et à la force de l’opposition qu’avait provoquée au sein de la classe dirigeante sa tentative de former un gouvernement de coalition avec les libéraux en automne dernier. Elle cherche activement à montrer qu’en dépit des dénonciations emphatiques de Harper du NPD pour être « socialiste », on peut et on doit lui donner une partie du pouvoir. En reniant ses « différences idéologiques et partisanes » pour soutenir le gouvernement des conservateurs de Harper, les sociaux-démocrates veulent montrer à la bourgeoisie qu’elle peut leur faire confiance quant à la défense de ses intérêts et que son opposition à la participation future du NPD à un gouvernement de coalition n’est pas appropriée.

Les événements depuis un an — tout d’abord l’alliance avec les libéraux et aujourd’hui celle avec les conservateurs — soulignent l’urgence pour la classe ouvrière d’amorcer la lutte pour construire un nouveau parti politique, qui ne serait pas un parti électoral, mais un parti de lutte de classe et socialiste et qui serait opposé aux sociaux-démocrates et aux bureaucrates syndicaux.

(Article original anglais paru le 21 septembre 2009)


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