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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Club de Berlin : l’Allemagne veut dicter ses conditions à l’Europe

Par Stefan Steinberg
17 août 2010

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Au mois de juillet, le gouvernement allemand a préparé un plan d’urgence pour les pays incapables de repayer leurs dettes aux banques européennes. Ce plan, discuté en comité restreint par une cabale de dirigeants politiques et d’experts financiers, priverait dans les faits certains gouvernements de la possibilité de déterminer eux-mêmes de larges portions de leur politique économique et budgétaire.

Selon un article du magazine allemand Der Spiegel, un document fut rédigé à ce sujet, à la demande de la chancelière allemande Angela Merkel et du ministre des Finances Wolfgang Schäuble, par un petit groupe d’experts n’excédant pas la douzaine. Les délibérations à propos de ce nouveau plan ont été des plus discrètes dans le but de ne pas effrayer les marchés monétaires.

En mai, l’Allemagne, avec d’autres gouvernements européens et le FMI (Fonds monétaire international) avait approuvé l’instauration d’un fonds de secours sans précédent de 750 milliards d’euros (945 milliards de dollars). Ce fonds devait servir à refinancer la dette des pays de la zone euro ayant des difficultés à la rembourser. La chancelière allemande craint à présent que le plan de Berlin ne soit vu comme un vote de censure vis-à-vis des mesures de secours prises en mai. Lorsque le plan fut révélé, à la suite d’une fuite, l’euro a chuté.

Le nouveau plan de Berlin prévoit pour l’essentiel une restructuration de la dette pour les pays en difficulté de la zone euro. Les premières économies concernées sont actuellement celles de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, mais un certain nombre d’autres pays ont eux aussi des problèmes à repayer les prêts contractés auprès des banques étrangères et pourraient devenir candidats à être secourus. Selon ce plan, on attend de ces pays, en échange d’une restructuration de leur dette, qu’ils cèdent une bonne partie du contrôle qu’ils ont sur leurs économies. 

Pour citer les mots du projet de document de Berlin, ce processus « exigera une restriction des pouvoirs discrétionnaires souverains ». Le réel contrôle de la politique budgétaire serait alors exercé par « un individu ou un groupe d’individus  familiers des caractéristiques régionales de la nation endettée ». Cet « individu ou groupe d’individus » serait nommé par un comité d’experts, connu en Allemagne sous le nom de Club de Berlin.

Développant la notion sous-tendant le plan allemand, Schäuble déclarait : « Lorsqu’une entreprise est déclarée en faillite, les créanciers doivent abandonner une partie de leurs créances. La même chose s’appliquerait à une banqueroute nationale. »

Il faut considérer attentivement les paroles de Schäuble. Ce qu’il déclare c’est que les Etats en défaut de paiement seront traités de la même manière que des entreprises en faillite – qu’on restructure, démonte et force à céder le véritable contrôle de leurs budgets à une agence extérieure.   

Dans un commentaire fait à propos du plan de Berlin à la mi-juillet, le Financial Times remarquait que là où les mesures européennes destinées à enrayer la crise financière du continent ont échoué, d’autres mesures étaient nécessaires.

Le Times écrit ensuite : « Il y a des choses utiles dans ce plan », mais « le problème avec le plan de l’Allemagne, c’est qu’il va trop loin….Des individus extérieurs seraient nommés par une autorité supranationale pour protéger les affaires financières du débiteur, l’obligeant à abandonner certains pouvoirs souverains ». Un tel plan « placerait la nation débitrice dans une position de soumission coloniale. Si jamais on l’acceptait, cela serait explosif du point de vue politique… Lorsque des Etats souverains font défaut ce qui est requis est une table de conférence, pas une chambre de torture. »

Le Financial Times est la voix du monde international de la finance et soutient sans réserves les intérêts de celle-ci. Ce journal se sent toutefois obligé de mettre en garde contre les conséquences politiques possibles de la prise en main d’une économie étrangère telle qu’elle est actuellement discutée en Allemagne.

Un certain nombre de conclusions importantes est à tirer des plans en préparation à Berlin.

Près de trois années après le début de la crise financière, celle-ci a atteint un stade nouveau et potentiellement encore plus explosif. Le 23 juillet seront publiés les résultats des ‘Stress Tests’ effectués sur 91 banques européennes. Bien que ces tests aient été conçus de manière à cacher autant de choses qu’elles n’en révèlent, certains analystes financiers prédisent qu’ils pourraient révéler des problèmes majeurs pour une dizaine ou même une vingtaine de banques. Si c’est le cas, on aura besoin de milliards d’euros supplémentaires pour renflouer ces banques et racheter leurs « avoirs toxiques ».

Inquiet de ce que les mesures de secours de la zone euro soient insuffisantes pour renflouer les banques européennes en difficulté et les économies à problèmes, le gouvernement allemand élabore pour l’Europe un plan d’urgence à lui.

Les propositions pour un Club de Berlin exacerberont aussi les antagonismes nationaux sur l’ensemble du continent. Comme le note le Spiegel : « Les pays directement ou potentiellement menacés de faillite comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, se rebelleront contre les propositions de Berlin. Pourquoi devraient-ils approuver des règles qui rendraient plus facile aux autres pays européens de leur refuser de l’aide en cas d’urgence ? »

Le plan de Berlin rendra aussi plus difficiles les relations avec les voisins de l’Allemagne y compris la France qui se montre déjà extrêmement critique vis-à-vis de la réponse allemande à la crise financière et son recours de plus en plus fréquent à des initiatives unilatérales.

Finalement, le plan allemand révèle la totale incapacité de l’élite dirigeante à agir vis-à-vis de la présente crise en restant dans le cadre de la démocratie bourgeoise. Schäuble avait, il y a peu, reconnu cette vérité qu’aucun ministre n’aime admettre en public: que les gouvernements sont aux ordres des marchés financiers. Pour apaiser les marchés, Schäuble demande à présent que les pays qui font défaut soient traités comme des entreprises en faillite et placés sous administration judicaire, et veut leur dicter ses conditions. C’est là la formule de l’autarcie financière et de la dictature.  

L’Europe a déjà fait l’expérience du gouvernement par des « comités d’experts » non élus ces dernières années. De tels comités furent mis en place par l’élite politique pour effectuer les programmes drastiques d’austérité de la Hongrie en 2009 et 2010 et de la République tchèque en 2010. Le récent plan allemand fait un pas important de plus : il va jusqu’à l’imposition d’un régime semi dictatorial par un groupe d’« experts » non élus et sis à Berlin.  

Les discussions sur l’abandon de principes démocratiques acquis en échange d’alternatives autoritaires sont bien avancées au sein des milieux dirigeants allemands et européens. La population laborieuse d’Europe doit préparer sa propre alternative en construisant un parti international socialiste ayant pour programme les Etats socialistes unis d’Europe.

(Article original publié le 17 juillet 2010)

Voir aussi :

L’économie européenne ralentie par la dette souveraine et la crise bancaire  (19 juillet 2010)

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