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  WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada : les libéraux insistent pour que soit prolongée l'occupation afghane

Par Vic Neufeld
28 août 2010

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Bob Rae, critique du Parti libéral en matière d'affaires étrangères et ancien premier ministre néo-démocrate de l'Ontario, a publié la semaine dernière un commentaire dans le Toronto Star plaidant pour que le Canada maintienne son rôle majeur dans le maintien au pouvoir du gouvernement corrompu de l'Afghanistan, installé par les Etats-Unis. Rae a insisté particulièrement sur l’ampleur de la contribution du Canada, c'est-à-dire des Forces armées canadiennes (FAC), dans l'entraînement militaire des forces afghanes après la fin de la mission actuelle des FAC dans la province de Kandahar en décembre 2011.

Le Canada a déployé près de 3000 soldats à Kandahar, avec le soutien de chasseurs et de tanks Leopard, pour appuyer l'occupation de l'Afghanistan par les Etats-Unis et l'OTAN.

Intitulé « Pourquoi l'Afghanistan n'est pas le Vietnam », le commentaire de Rae avance l'argumentation que l'Occident et le Canada ont un intérêt stratégique fondamental à subjuguer ce pays pauvre d'Asie centrale et que le Canada doit donc résister aux appels de plus en plus nombreux pour « abandonner le navire ». « Les talibans, écrit Rae, rigolent en disant "que vous avez les montres, mais nous avons le temps". Ils parient sur un retrait précipité. Si fuir le pays devient la nouvelle orthodoxie dominante, cela voudra dire que l'extrémisme a remporté une importante victoire. »

La position pro-occupation, qui vise à « garder le cap », claironnée par Rae est d'autant plus remarquable qu'elle est avancée à un moment où l'occupation par les Etats-Unis et l'OTAN est manifestement en crise et de plus en plus impopulaire en Afghanistan et en Occident. L'appel de Rae pour que le parlement affronte de nouveau la question afghane vient tout juste après les nombreux revers militaires qui ont mené au renvoi du général Stanley McChrystal, le commandant américain de la guerre en Afghanistan, et à la divulgation par WikiLeaks de documents de l'armée américaine montrant une pratique continue d'atrocités contre la population afghane par l'OTAN.

La position pro-occupation de Rae reflète les considérations de l'establishment du Parti libéral. Le chef du parti, Michael Ignatieff, a annoncé récemment que l'opposition officielle du Canada demande au gouvernement minoritaire conservateur d'adopter avec elle une résolution parlementaire pour rendre disponibles des centaines de membres des FAC pour servir en tant que formateurs de l'armée afghane après la fin de la mission à Kandahar l'année prochaine.

Dans un discours prononcé le 15 juin au Forum national de Toronto, Ignatieff a directement déclaré que les soldats canadiens devraient être utilisés pour former l'armée et la police afghanes à la guerre de contre-insurrection dans une école supérieure de guerre à Kaboul. Ignatieff a ensuite ajouté que le personnel des FAC devrait servir en Afghanistan en tant que « non-combattant » pour au moins trois années de plus, soit jusqu'au milieu de la décennie au minimum.

La position de M. Ignatieff va apparemment contre celle prise par le premier ministre conservateur Stephen Harper voulant qu'il n'y aura pas de mission après-combat pour l'armée canadienne en Afghanistan.

Bien que les conservateurs aient fait de la guerre en Afghanistan une politique définissant leur premier mandat au gouvernement (février 2006 à octobre 2008) et ne ralentissent pas dans leur programme de réarmement massif, ils ont été peu loquaces au cours des derniers mois sur le rôle que les FAC devraient jouer en Afghanistan après 2011.

À plusieurs reprises, les ministres du cabinet conservateur ont fait des déclarations ambiguës qui laissent la porte ouverte à prolonger la présence des FAC en Afghanistan. Mais lorsque la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a spécifiquement demandé que les FAC laissent 500 militaires en Afghanistan après la fin de leur mission à Kandahar pour qu’ils participent à la formation des forces contre-insurrectionnelles, Harper a déclaré que son gouvernement appuie la résolution parlementaire bipartite des libéraux et des conservateurs adoptée en 2008 et qu’il n'a pas l'intention de garder le personnel des FAC en Afghanistan après 2011.

Des voix influentes au sein des médias de l’establishment canadien, comme celles du Globe and Mail et du National Post, ont cependant continué à faire pression pour une présence importante des FAC en Afghanistan après 2011, et ce, pour trois raisons interreliées : consolider le Canada dans son rôle de puissance mondiale, renforcer les liens avec les États-Unis, et empêcher que la fin de la mission actuelle des FAC ne soit pas perçue dans la population comme une capitulation, ce qui rendrait plus difficile de justifier la participation du Canada dans les guerres d'outre-mer à l'avenir.

Dans la bouche d’Ignatieff, « faire preuve de leadership sur la question de l'Afghanistan » signifie prendre une position qui est impopulaire parmi les travailleurs, mais qui est fortement préconisée par l'élite dirigeante. Il veut ainsi de prouver à la bourgeoisie qu'elle peut compter sur lui pour prendre des « décisions difficiles » en défense leurs intérêts.

L'un des principaux défenseurs libéraux de la « guerre contre le terrorisme » et de l'invasion illégale de l'Irak en 2003, Ignatieff espère clairement que Harper et les conservateurs accepteront son offre, maintenant reprise par Rae, pour une action bipartite afin d’assurer le rôle des FAC en Afghanistan après 2011. Il faut se rappeler qu'il y avait eu une manœuvre similaire à la fin de 2007 et dans les premiers mois de 2008 avant que le gouvernement et l'opposition officielle parrainent conjointement une motion visant à prolonger de trois ans le rôle prépondérant du Canada dans la guerre en Afghanistan.

Tout en appelant Harper à accepter leur offre, les libéraux le critiquent pour ne pas faire preuve d’assez de « leadership ». Dans leur récente déclaration sur leur politique étrangère, qui s’intitule « Le Canada dans le monde », les libéraux critiquent personnellement Harper, déclarant que le pays est gouverné « par un tacticien aux visées idéologiques qui n’a pas voyagé hors de l’Amérique du Nord avant de devenir Premier ministre ». Ils laissent entendre que Harper a une mentalité trop provinciale pour mettre de l’avant une politique étrangère efficace qui sert les intérêts de la grande entreprise canadienne.

Il y a deux raisons pour lesquelles Harper et les conservateurs se sont montrés jusqu’ici hésitant à accéder à la demande américaine pour que les FAC mènent une mission d’entraînement de l’armée afghane après 2011. Premièrement, il y a la question de la vulnérabilité politique d’un gouvernement minoritaire. Les actions de Harper ont été contraintes par l’opposition à la guerre, une opposition qui a crû au fur et à mesure que le public en a appris plus sur la corruption et le caractère vénal du gouvernement fantoche installé par les Etats-Unis à Kaboul et sur la complicité du Canada dans la torture et les abus régulièrement perpétrés par les forces de sécurité afghanes.

Deuxièmement, le gouvernement en veut à l’opposition officielle parce qu’elle a cherché à marquer des points politiques sur la question des détenues afghans, plutôt que de se soumettre humblement aux affirmations manifestement fausses du gouvernement et des FAC selon lesquelles ils n’ont aucune raison de croire que les Afghans remis aux forces de sécurité afghanes par les FAC seraient torturés. Les conservateurs, travaillant de concert avec l’état-major de l’armée, sont allés très loin pour faire dérailler toute enquête sur la question des détenus afghans de peur que cela nuise à leurs efforts pour faire faire des interventions militaires des FAC un instrument important des politiques de l’État. Pour empêcher le parlement d’enquêter sur la question des détenus, le gouvernement a fermé le parlement pendant deux mois l’hiver dernier. À la reprise des travaux parlementaires, le gouvernement conservateur a ensuite provoqué une crise constitutionnelle en refusant de se soumettre à une résolution de la Chambre des communes demandant au gouvernement de remettre aux parlementaires une version non censurée des documents ayant trait aux détenus afghans.

Harper et ses conservateurs pourraient bien être en train d’utiliser la question du rôle des FAC en Afghanistan après 2011 comme une monnaie d’échange, demandant aux libéraux de fournir des garanties plus solides qu’ils vont collaborer pour contenir la crise des détenus et pour protéger la réputation des FAC avant d’accepter de se joindre à l’opposition officielle sur la question de la prolongation de la mission des FAC en Afghanistan.

Au sein du parti libéral, des personnalités influentes se plaignent que Rae et Ignatieff sont allés trop loin lorsqu’ils ont insinué que les FAC pourraient avoir été impliqués dans les crimes de guerre en Afghanistan, même si ces derniers se sont empressés de proclamer leur appui aux FAC et d’écarter les possibles transgressions comme n’étant rien de plus que des questions techniques.

Bill Graham, en sa qualité de ministre de la Défense sous le gouvernement libéral en 2005, a supervisé le déploiement de l’armée canadienne à Kandahar en 2005. Il s’est récemment plaint devant le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, un comité parlementaire, qu’il avait été accusé de complicité de crimes de guerre. « L’internet, étant ce qu’il est, et les gens étant ce qu’ils sont, on m’a arrêté dans la rue pour me demander "Qu’est-ce que vous faites ? Êtes-vous un criminel de guerre ?" »

« C’est cela que les gens disent. C’est le genre de langage qui existe de nos jours. Je veux dire, un groupe de jeunes étudiants nous a accusés de tels actes à Vancouver ; puisque nous sommes allés en Afghanistan, nous sommes des criminels de guerre. »

Le parti social-démocrate du Canada, le NPD, a attaqué Ignatieff et les libéraux pour avoir demandé une prolongation de la mission militaire canadienne en Afghanistan après 2011, la dénonçant pour faire « volte-face ».

Mais le NPD, malgré sa prétendue opposition à la guerre, a annoncé en décembre 2008 qu’il était prêt à se joindre à un gouvernement de coalition dirigé par les libéraux dans laquelle ils donnaient leur soutien à la guerre en Afghanistan jusqu’en 2011. Sur cette question, le NPD jouissait du soutien total du Congrès du Travail du Canada et des centrales syndicales québécoises. Lorsque le gambit de la coalition a échoué, le dirigeant fédéral du NPD Jack Layton a louangé l’énoncé stratégique du président américain Obama sur la guerre en Afghanistan, malgré qu’il était évident que son unique objectif était de préparer le terrain à l’envoi de renforts en Afghanistan et à l’expansion de la guerre au Pakistan.

Alors que le NPD s’oppose officiellement à la prolongation de la mission de l’armée canadienne en Afghanistan, il soutient toutefois entièrement une collaboration étroite avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les autres puissances de l’OTAN pour occuper l’Afghanistan et soutenir le gouvernement actuel à Kaboul imposé par les Etats-Unis.

Jack Harris, un des principaux députés du NPD, de concert avec d’autres membres du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, a louangé le travail des FAC en Afghanistan après qu’ils aient effectué un voyage dans ce pays en juin dernier. Rappelant le commentaire célèbre de Harper que le Canada ne « s’enfuirait » jamais de l’Afghanistan tant qu’il sera premier ministre, le rapport du comité disait : « Nous sommes allés trop loin et avons consenti des sacrifices trop lourds pour abandonner le peuple afghan. »

La lutte contre la guerre en Afghanistan ne peut se ranger derrière aucune section de l’élite politique. Elle exige au contraire la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre elle.

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