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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les funérailles des victimes de la Love Parade de Duisbourg en Allemagne

Par Elisabeth Zimmermann et Françoise Thull
9 août 2010

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La cérémonie religieuse et officielle des funérailles des victimes de la Love Parade, le festival de musique techno qui s'était déroulé samedi dernier à Duisbourg (Rhénanie du Nord/Westphalie, NRW), fut dominée par les représentants de l'Etat et du monde politique en ne suscitant qu'un faible intérêt de la part de la population en général.

Des personnes venues dans le tunnel pour exprimer leur deuil

Partout dans la ville, sur le lieu de la catastrophe où 21 personnes sont mortes piétinées et où plus de 500 autres ont été blessées, des milliers de personnes s'étaient rassemblées pour témoigner leur sympathie aux familles des victimes.

Parmi les personnes qui ont assisté à la cérémonie religieuse officielle qui a eu lieu à l'église Salvator, figuraient la chancelière allemande, Angela Merkel, le président fédéral, Christian Wulff, le président du Bundestag (la chambre basse du parlement), Norbert Lammert (tous des membres de l'Union chrétienne démocrate, CDU) et le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle (Parti libéral démocrate). Hannelore Kraft (Parti social-démocrate, SPD), la nouvelle ministre-président du Land de NRW, a prononcé l'oraison funèbre.

L'église Salvator et la mairie toute proche avaient été interdites d'accès à la population en général par l'érection de barrières métalliques et la présence d'un fort contingent de policiers. Un niveau de vigilance maximum avait été mis en place. Des projets initiaux prévoyant la retransmission des funérailles sur de grands écrans installés devant l'église ainsi que dans le centre-ville furent annulés à court terme. Au lieu de cela, une retransmission fut assurée sur grand écran dans le stade de football MSV-Arena (Wedaustadion) situé à plusieurs kilomètres en dehors de la ville.

Mais, au lieu des dizaines de milliers de personnes que les milieux officiels avaient attendues, en fait seules quelques milliers étaient venus. L'accès à l'église Salvator était limité aux représentants politiques, aux membres de la police, aux représentants des médias, aux secouristes urgentistes et aux membres des familles des victimes. Dans le stade de football MSV-Arena, qui peut contenir 30.000 spectateurs, seules 1.500 à 2.000 personnes étaient venues pour suivre la cérémonie sur grand écran. Des milliers de policiers étaient mobilisés dans le stade et à la gare centrale de Duisbourg.

Quiconque se trouvant aux alentours des barrières dressées devant la mairie et l'église pouvait facilement avoir l'impression que les politiciens présents n'avaient pas l'intention de partager la douleur des familles et de la population, mais qu'ils semblaient plutôt craindre toute participation des masses. Les deux principales figures impliquées dans la Love Parade, le maire de Duisbourg, Adolf Sauerland (CDU), et son organisateur, Rainer Schaller, n'ont pas assisté à la cérémonie funèbre en disant qu'ils « ne voulaient pas provoquer les familles des victimes par leur présence ».

Samedi, les participants de la Love Parade et les amis des victimes ont organisé leur propre cortège funèbre partant de la gare centrale de Duisbourg pour finir dans un parc tout proche après être passé devant le tunnel où la catastrophe a eu lieu. Depuis le jour de la catastrophe, l'entrée du tunnel est devenue un lieu de recueillement pour tous ceux qui veulent rendre hommage aux victimes. Des milliers de personnes étaient venues la semaine passée devant le tunnel pour commémorer les morts et se faire une idée de ce qui s'est passé.

L'emplacement devant le tunnel est recouvert de milliers de bougies, de fleurs, de photos et de messages critiquant sévèrement les responsables de ce désastre et exiger qu'ils soient obligés de rendre des comptes.

La révélation de nouveaux détails renforcent l'idée que la catastrophe de la Love Parade à Duisbourg n'était pas un malheur tragique, mais au contraire qu'elle était tout à fait évitable. Il est de plus en plus évident que la chasse au profit et des raisons de prestige ont été la force motrice principale des organisateurs et des promoteurs du festival plutôt que la sécurité et le bien-être des centaines de milliers de jeunes gens qui ne voulaient que faire la fête ensemble en écoutant de la musique.

Ce qui s'est passé à Duisbourg doit être considéré en lien avec un certain nombre d'autres désastres évitables et qui ont eu lieu en raison de la chasse au profit, du manque d'investissement public et de l'indifférence des politiciens à l'égard de la population en général. Parmi les accidents semblables survenus en Allemagne, il y a l'écroulement début 2009 du bâtiment abritant les archives de la ville de Cologne dont la cause est due à la construction du métro, et qui a coûté la vie à deux personnes en détruisant des documents historiques irremplaçables ainsi que l'effondrement en 2006 du toit du gymnase de patinage couvert de Bad Reichenhall en Bavière qui a tué 15 enfants, des adolescents et des adultes, pour ne citer que deux exemples.

Vendredi, le journal régional WAZ (Westdeutsche Allgemeine Zeitung) a publié des extraits d'un plan d'intervention des sapeurs pompiers qui impute la faute de la catastrophe de Duisbourg à la police. La police en service au festival avait fermé l'entrée principale à la Love Parade qui se trouve entre les deux tunnels et le terrain du festival et ce en dépit des doutes émis par les pompiers. Cette fermeture de l'entrée contribua à occasionner l'embouteillage et la panique de masse qui s'ensuivit.

En raison de problèmes de communication et autres pannes, les gens continuèrent à affluer vers le tunnel alors que la sortie était bouchée. Les participants furent pris dans un piège d'où aucune échappatoire n'était possible. Les pompiers avaient anticipé une telle éventualité et avaient critiqué la fermeture de cette entrée comme étant « très problématique du point de vue de l'intervention ».

Jusque-là, le rôle de la police n'a pas vraiment fait l'objet d'un examen. Au lieu de cela, d'influents représentants du syndicat de la police sont passés à l'offensive en donnant des interviews aux médias et en agissant pratiquement comme les porte-parole de la police. Aux côtés du ministre de l'Intérieur de NRW, Ralf Jäger (SPD), ils ont cherché à protéger la police.

Des reporters du World Socialist Web Site ont discuté avec les personnes qui étaient venues pour assister aux funérailles et qui s'étaient rassemblées devant les barrières érigées par la police. Les partisans du WSWS ont distribué un tract intitulé « La catastrophe de la Love Parade n'est pas un malheur, mais un crime » qui suscita un grand intérêt parmi les personnes présentes en ville, dans le stade MSV-Arena et celles qui suivirent le cortège funèbre l'après-midi.

Mike Danielzik, à gauche, portant la bannière

Mike Danielzik était venu de Lüdenscheid (NRW) pour prendre part à la Love Parade. Il avait pu rejoindre à temps le terrain du festival et éviter ainsi la bousculade mortelle des gens se trouvant dans le tunnel. Il était en colère contre le fait que les responsables aient ignoré des semaines durant tous les avertissements.

« Des semaines durant des avertissements avaient afflué de toutes part », a dit Mike, « des pompiers de Dortmund, de la police de Berlin qui était venue sur place. Des avertissements supplémentaires étaient venus de la police et des secouristes urgentistes de Essen, la ville voisine. C'est terrible de voir que tous ces avertissements ont été ignorés et que la décision fut prise d'organiser malgré tout la Love Parade à Duisbourg. »

« Chaque personne morte, chaque personne blessée, en est une de trop », a-t-il dit. « Vous ne pouvez pas enfermer 800.000 personnes comme du bétail. Il y avait aussi des clôtures autour du terrain principal du festival. On n'aurait pas dû le permettre. Et puis, qu'il n'y ait juste eu que ce seul passage pour servir à la fois d'arrivée et de sortie est incompréhensible. Le tout n'aurait pas dû être permis. La catastrophe devait arriver. »

Marinella qui s'était trouvée là par hasard avec sa fille, son mari et son amie Marlène venue de France, a aussi critiqué la fermeture par la police, à un moment critique, de l'accès au terrain du festival. « Il aurait été possible d'éviter le désastre si la police n'avait pas installé des barrières », a-t-elle déclaré.

« Nous avons eu la chance d'avoir notre fille avec nous », a-t-elle remarqué. « Elle a sept ans. Je n'avais pas l'intention de participer à la Parade, mais le mouvement de foule nous y a poussé, que nous le voulions ou non. Nous ne pouvions plus nous déplacer ni vers la gauche ni vers la droite. Des personnes à côté de nous m'ont dit, « Vous devez partir avec votre enfant ». J'étais très préoccupée à cause de la petite. J'ai dit à une femme policière, « Je dois sortir avec mon enfant », et finalement elle nous a laissé sortir, mais a refermé aussitôt la barrière derrière nous. Ce blocage a été indubitablement l'un des facteurs qui a contribué à provoquer la tragédie. Ils n'auraient pas dû le faire de cette façon. »


Fabiano Pereira da Silva

Fabiano Pereira da Silva est âgé de 25 ans et vient de Dortmund. Il avait lui aussi réussi à rejoindre le terrain principal de la Love Parade. Il a ensuite vu comment la catastrophe est arrivée dans le tunnel.

« Je ne pouvais pas descendre pour aider sans risquer ma vie », a-t-il dit. « Je ne pouvais qu'assister à ce qui se passait. C'était tout simplement horrible de voir les gens se faire piétiner. Je ne peux pas le décrire. C'était une catastrophe. »

A la question de savoir quelles en étaient les causes, Fabiano a dit, « C'est très simple : l'argent ! Je ne suis pas le seul à le dire. Quand quelqu'un organise un tel rassemblement, ça doit être fait correctement. A mon avis, les gens sont morts à cause de l'irresponsabilité de ceux qui ont organisé le festival. Ils sont morts à cause de l'argent et rien d'autre. S'ils avaient eu assez d'argent, ils auraient utilisé l'autre entrée qui était réservée aux VIPs [« Very Important Person » personne très importante]. En fait, il y a suffisamment de place à Duisbourg. Pourquoi fallait-il obliger tous ceux qui voulaient se rendre au festival de passer par ce tunnel ? »

Les victimes étaient des jeunes gens qui voulaient faire la fête et soulager leur frustration, a dit Fabiano. « C'aurait tout aussi bien pu m'arriver. Je pourrais être mort à l'heure qu'il est. Les jeunes qui sont morts avaient appris un métier; ils ne sont pas idiots. Ils avaient toute leur vie devant eux. »

Markus devant la gare centrale de Duisbourg. Sur sa pancarte on peut lire : « Nous accusons les organisateurs et la municipalité de Duisbourg »

Markus a fait le voyage de Kaiserslautern (dans le Land de Rhénanie-Palatinat) pour suivre le cortège funèbre organisé officieusement. « Ce qui s'est passé ici ne peut rester impuni », a-t-dit. « La municipalité et les organisateurs doivent être tenus pour responsables. Les organisateurs avaient sous-estimé toute l'affaire. Si j'ai un restaurant pour 15 personnes, alors je ne peux pas en inviter 50 pour un déjeuner de fête. Ça ne va pas du tout. »

« Ce qui s'est passé ici, c'est un crime. On emprisonne des personnes pour des délits moindres. La question qui me vient à l'esprit, c'est pourquoi les organisateurs ne sont-ils pas placés en détention préventive. Beaucoup de personnes sont mortes ici ou ont été grièvement blessées, mais rien ne se passe. Maintenant, chaque personne qui ne veut pas que l'affaire soit étouffée compte. C'est pourquoi je suis là, et aussi par solidarité. »

(Article original paru le 4 août 2010)

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