Le 22 juillet, après trois jours de débats à huis clos, la commission des
Affaires sociales de l’Assemblée nationale — composée de
représentants de tous les partis — a approuvé la réduction projetée et
impopulaire des droits à la retraite. Elle sera soumise au vote à
l’Assemblée nationale début septembre.
La session a eu lieu à huis clos en plein milieu d’un scandale
impliquant la femme la plus riche de France, Liliane Bettencourt. Tout en
préparant des coupes sociales massives à l’encontre des travailleurs
français, le président Nicolas Sarkozy et le ministre du Travail, Eric Worth,
recevaient paraît-il de Bettencourt des fonds illégaux pour le financement de
la campagne présidentielle en lui accordant un remboursement d’impôt gigantesque.
La session de la commission des Affaires sociales avait débuté par la
présentation du projet de loi par Eric Woerth qui a déclaré être en mesure de
traiter le dossier de la réforme durant les débats parlementaires et ce, en
dépit du scandale. Il a exclu toute modification des mesures clé de la réforme.
La réforme relève l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans
d’ici 2018, allonge la durée de cotisation de 40 à 41,5 ans et aligne le
taux de cotisation retraite des fonctionnaires sur celui du privé. Quelque 400
amendements avaient été déposés sur le texte dont 90 pour cent n’ont pas été
adoptés.
Le gouvernement a dit que les mesures concernant les travailleurs exerçant
des métiers pénibles et astreignants et pouvant partir à la retraite à 60 ans,
seraient examinées en septembre après consultation des syndicats et des
employeurs. En vertu du projet de loi, pour pouvoir en bénéficier, un
travailleur devra prouver un « taux d’incapacité égal ou supérieur à
20 pour cent ayant donné lieu à l’attribution d’une rente pour
maladie professionnelle ou pour accident du travail, qui sera évalué par une
visite médicale. »
Les experts médicaux ont d’ores et déjà critiqué ses propositions. Le
Monde cite le commentaire de François Guillon, professeur de médecine et
santé au travail à Bobigny qui a dit que ce taux « n’a aucune
pertinence médicale, sociale ou professionnelle. »
Il a estimé que la réforme du gouvernement menaçait
d’éliminer en grande partie la retraite anticipée pour invalidité en
disant, « pour les troubles musculo-squelettiques, qui sont les maladies
professionnelles les plus fréquentes, les incapacités permanentes moyennes ne
dépassent 15 pour cent que dans moins de 1 pour cent des maladies. Pour les
accidents du travail, les incapacités moyennes les plus importantes
s’observent dans le BTP et n’atteignent que 12 pour cent. »
La réduction des droits à la retraite fait partie d’un nombre
important de mesures d’austérité gouvernementales visant à réduire les
dépenses publiques de 100 milliards d’euros pour ramener le déficit
public de la France de 8 pour cent actuellement à la limite européenne de
référence de 3 pour cent d’ici 2013. Combiné à d’autres réductions
des droits à la retraite envisagées, le gouvernement a souligné que
l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite lui permettra
d’économiser 19 milliards d’euros d’ici 2018.
Tout en préparant une politique d’austérité sociale massive pour
démanteler les niveaux de vie de la classe ouvrière, l’establishment
politique continue de défendre l’aristocratie financière qui a
massivement profité d’abattements d’impôts et de taxes que le
gouvernement lui a accordé sur sa fortune.
Lors d’une récente interview télévisée sur France 2TV, le président
Sarkozy a défendu sa politique fiscale en faveur des riches en affirmant que le
« bouclier fiscal » était nécessaire pour que les gros revenus
restent en France. Le bouclier fiscal est un abattement fiscal des hauts
revenus. Selon l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné, « la
milliardaire aurait perçu environ 100 millions d’euros de remboursement
d’impôts au titre du bouclier fiscal en quatre ans ».
Selon un article paru en avril dans Le Figaro, « les 4.521
foyers qui ont un patrimoine supérieur à 7,3 millions d’euros et un
revenu fiscal annuel de plus de 43.761 euros ont perçu 90,4 pour cent des
sommes que le fisc a remboursé au titre du bouclier. Sommes qui se sont élevées
à 585,6 millions d’euros en 2009. Ces contribuables aisés ont reçu en
moyenne un chèque de 117 142 euros. »
Dans ces conditions, les débats à huis clos à l’Assemblée nationale
sont un aveu tacite de l’élite politique française pour son mépris pour
la population laborieuse, et de l’ébranlement de démocratie. Un récent
sondage BVA a montré que 56 pour cent de la population était hostile à la
réforme des retraites et que 67 pour cent étaient opposés à la politique
économique du gouvernement. La réponse de l’Assemblée nationale est de se
dissimuler derrière un huis clos et de faire passer à la hâte une politique
foncièrement anti-classe ouvrière en dépit d’une opposition massive.
Le caractère anti-démocratique du processus a suscité des commentaires même
au sein de l’establishment politique. Bien que soutenant pleinement
la réforme des retraites, le député Lionel Tardy du parti conservateur UMP
(Union pour un mouvement populaire) a dit que le débat à huis clos était
scandaleux.
Il a dit, « Imaginez, pour pousser le raisonnement à l’extrême,
que les membres de la commission décident, comme ça,
de reculer l’âge légal de départ à la de 62 à 63. Eh bien, cette décision
serait prise en catimini. Et avec le nouveau règlement, elle ne serait même pas
réexaminée dans l’hémicycle. »
Cette situation n’est pas seulement possible parce que la classe ouvrière
est politiquement étranglée par les syndicats et les défenseurs des syndicats
au sein de l’ex-gauche petite-bourgeoise, tel le Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA).
Les syndicats sont tout à fait conscients qu’une opposition sociale à
la politique d’austérité du gouvernement ne cesse de grandir et doit être
étouffée si l’aristocratie financière veut éviter une explosion
politique. Tout en formulant de temps à autre de vagues critiques, les
syndicats ont négocié avec le gouvernement pour imposer les réductions comme
ils l’ont fait à l’occasion de la précédente « réforme »
des retraites. Celle-ci comprenait la démolition de la retraite des cheminots
et la fin de la semaine de 35 heures en 2008 dans laquelle la CGT a joué un
rôle décisif lors des négociations et de l’adoption.
Le 11 juillet, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, a accordé une
interview au site de presse en ligne Mediapart en disant,
« l’exécutif va devoir bouger sur les retraites ou alors on aura une
importante crise sociale à la rentrée ».
Venant de Thibault, cet avertissement vise non pas à essayer de rassembler
l’opposition de la classe ouvrière à l’encontre d’un
gouvernement impopulaire et discrédité mais de conseiller à Sarkozy comment
empêcher que les travailleurs n’échappent au contrôle politique de l’establishment.
Depuis l’éclatement du scandale Bettencourt-Woerst, le parti au
pouvoir de Sarkozy est confronté à une crise sévère. Toutefois, comme l’a
expliqué Sarkozy dans une récente interview télévisée, le gouvernement est sûr
de pouvoir appliquer ses coupes vu que la politique des syndicats est
« responsable », voire progouvernementale. Les syndicats, le Parti
socialiste (PS) et les organisations pseudo-gauches comme le NPA assistent le
gouvernement à étouffer l’opposition de la classe ouvrière aux mesures
d’austérité sociale.
A la question de savoir si la CGT tirait profit de l’actuelle crise
politique, Thibault a répondu, « on n’en profite pas du tout. »
Thibault ne salue pas, mais craint plutôt la révélation du caractère de
classe du régime Sarkozy et de la « démocratie » de la bourgeoisie
française. La raison en est que la CGT et les autres forces contrôlant
actuellement les protestations anti austérité s’opposent à la
mobilisation de la classe ouvrière dans une lutte politique contre le
gouvernement et ses coupes sociales.
En fait, l’élite dirigeante française compte sur l’aide des
syndicats pour désorienter la classe ouvrière en procurant un semblant
d’opposition en lançant des appels à la grève de 24 heures tout en
assistant par ailleurs le gouvernement à faire passer ses coupes sociales.
Après avoir appelé à une journée de protestations le 27 mai et le 24 juin,
les syndicats ont encore une fois appelé à une nouvelle journée de protestation
le 7 septembre lorsque le projet de loi sera examiné au parlement. Tout comme
dans le cas de l’application des mesures d’austérité antérieures,
de telles actions ne feront rien pour dissuader le gouvernement à imposer les
coupes féroces.