Le responsable judiciaire le plus haut placé du gouvernement du Parti
socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le procureur général Candido
Conde-Pumpido, requiert des peines de prison allant jusqu'à 8 ans contre des
centaines de contrôleurs aériens, qui ont organisé une grève le week-end
dernier. Ces contrôleurs sont accusés de sédition sur la base de la Loi
pénale sur la navigation aérienne.
Les contrôleurs sont considérés comme des insurgés qui devront être
confrontés à la pleine force de l'Etat. Le Premier ministre José Luis
Zapatero a décrit la grève comme une « rébellion ouverte contre la légalité
» et « un affront à l'ordre constitutionnel. »
« Le gouvernement n'hésitera pas à avoir recours, sans méconnaître
l'exigence de proportionnalité, à tous les instruments de la loi afin de
mettre fin à des situations comme celle que nous avons connue ce week-end, »
a déclaré Zapatero.
Le "crime" des contrôleurs a été de téléphoner en masse pour prévenir
qu'ils étaient malades, pour défendre les conditions de santé et de sécurité
au travail ainsi que pour s'opposer aux plans du gouvernement de privatiser
49 pour cent de l'Agence publique qui gère les aéroports, l'
Aeropuertos
Españoles y Navegación Aérea (AENA). Près de 90
pour cent des contrôleurs ont dépassé le maximum légal de 1670 heures de
travail par an. Au début de l'année, le gouvernement avait augmenté ce
maximum qui était auparavant de 1200 heures, il avait également limité à 80
par an le nombre d'heures supplémentaires payées, et réduit les salaires de
moitié.
Le gouvernement du PSOE a réagi à cette action des travailleurs en
déclarant l'état d'alerte pour une durée de 15 jours – la première depuis la
chute de la dictature fasciste de Franco en 1975. Les contrôleurs ont été
escortés sous la menace des armes de l'hôtel où ils s'étaient réunis et ont
été contraints de signer un document les plaçant sous l'autorité de l'armée.
Depuis ce moment, ils travaillent sous la surveillance de la police. Plus de
190 officiers de l'armée de l'air ont été déployés dans les tours de
contrôle espagnoles et plus de 2000 policiers ont été affectés aux
aéroports.
Zapatero menace maintenant d'étendre les pouvoirs d'urgence au prétexte
d'empêcher une grève durant la période des fêtes de noël. Cela devrait
également donner le temps au personnel militaire d'être formé pour reprendre
les postes des contrôleurs licenciés.
L'adjoint du Premier ministre, Alfredo Pérez Rubalcaba, a dit que le
gouvernement discutait d'un plan de secours top secret pour que ce type de
grève ne se reproduise « plus jamais, » prévenant que les contrôleurs
devraient « faire face à toute une série de procès et de sanctions
administratives. »
Le premier groupe de 100 contrôleurs devant faire face à des poursuites a
été convoqué devant le procureur de Madrid jeudi. Une dizaine a refusé de se
présenter, disant qu'ils devraient comparaître devant une cour militaire
puisque c'est l'armée qui les avait pris sous son autorité.
L'AENA a également engagé des procédures disciplinaires contre 442
contrôleurs. D'après El Mundo, des milliers de voyageurs affectés,
des associations de consommateurs et d'autres procureurs se préparent
également à les poursuivre devant les tribunaux, ce qui risque de mettre les
contrôleurs en faillite.
Le gouvernement du PSOE a agi de cette manière impitoyable pour montrer
aux investisseurs internationaux qu'il ferait tout son possible pour
appliquer les mesures d'austérité qui sont exigées de l'Espagne. Zapatero a
été récompensé par un reportage élogieux dans le Wall Street Journal
(WSJ), qui notait que « La réponse sévère du gouvernement a renforcé la
position du Premier ministre espagnol en difficulté, et pourrait lui donner
plus de soutien pour faire passer ses réformes. »
Le principal organe du grand patronat américain a déclaré que les actions
de Zapatero étaient populaires chez les « conservateurs qui veulent voir des
réformes fortes dans des secteurs comme le travail, le coût des retraites et
le secteur bancaire. » Zapatero a été en contact permanent avec Mariano
Rajoy, le dirigeant du Parti populaire, le parti d'opposition de droite, «
pour le tenir au courant. »
Le WSJ est sincère quant à l'usage qui sera fait par le PSOE du soutien
qu'il a gagné en s'en prenant aux contrôleurs – faire passer « la
consolidation du secteur bancaire espagnol en difficulté» et s'attaquer à «
un marché du travail rigide qui protège scrupuleusement les salaires et les
aides sociales des travailleurs à plein temps. »
Si le PSOE peut exploiter les sentiments confus chez certains
travailleurs – auxquels ils font appel contre des contrôleurs relativement
bien payés – c'est grâce au soutien actif de la bureaucratie syndicale et
des groupes de la fausse gauche pour son offensive de propagande et de
mesures de répression justifiées sur cette base.
Les deux principales fédérations syndicales, L'UGT (Union générale des
travailleurs) alignée sur le PSOE et le CC.OO (Commissions ouvrières)
contrôlé par le Parti communiste, s'en sont prises aux contrôleurs. L'UGT a
dit que l'action des contrôleurs n'était « justifiée d'aucune manière. » Le
CC.OO a été encore plus agressif, décrivant la grève comme « intolérable »
et « étrangère » aux « codes » des syndicats normaux et méritant « notre
rejet le plus fort et le plus radical. » Le CC.OO a attaqué les contrôleurs
qu'il a présentés comme « un groupe corporatiste chouchouté par la compagnie
et le gouvernement » et il a demandé qu'ils « respectent le droit du
travail. »
Quant l'
Unión Sindical de Controladores
Aéreos (USCA), qui représente les contrôleurs,
elle a a été prompte à présenter ses excuses pour la grève et à insister sur
le fait que cette grève n'avait pas été autorisée par le syndicat.
La Gauche unie
(Izquierda Unida-IU),
menée par les staliniens en alliance avec divers groupes petit-bourgeois, a
publié une déclaration le jour de la déclaration de l'état d'alerte,
rassurant le grand patronat et le gouvernement sur le fait qu'il « n'avait
jamais été d'accord avec les demandes des contrôleurs ou leur manière de les
faire connaître. »
Gaspar Llamazares
, le porte-parole de la Gauche
unie au parlement, a déclaré au Congrès des députés que l'IU « condamne sans
ambiguïtés l'attitude des contrôleurs aériens… parce qu'après cet arrêt du
travail des contrôleurs aériens, qui n'est pas une grève, nous sommes plus
faibles pour défendre le droit du travail et les droits sociaux, pour
défendre le droit de grève. »
On marche sur la tête. C'est le refus de l'IU de défendre les contrôleurs
et son alignement derrière la répression d'Etat qui ont renforcé le
gouvernement. Le précédent établi par cette trahison méprisable, qui accepte
l'imposition de l'autorité militaire contre une grève, peut être utilisé à
l'avenir contre les autres grèves, et il le sera. Et cela s'accompagnera
dans ces cas suivants de déclarations identiques contre les travailleurs
d'un « service essentiel » qui « prennent le pays en otage. »
Le même rôle est joué dans chaque pays par l'appareil syndical et les
pseudo-groupes de gauche qui gravitent autour. Dans toute l'Europe, les
syndicats trahissent toutes les luttes qui se développent contre les mesures
d'austérité qui menacent de licenciement des dizaines de millions de gens et
des dizaines de millions d'autres à finir dans la pauvreté.
Encouragés par cette trahison, les gouvernements quelle que soit leur
couleur politique officielle – social-démocrate en Espagne et en Grèce,
conservateur en France et en Grande-Bretagne – emploient la violence
policière pour briser les grèves et intimider les manifestation des
étudiants et autres.
Le temps est venu de faire cesser cela. Le World Socialist Web Site
exhorte les travailleurs en Espagne et dans toute l'Europe à dénoncer
l'offensive légale contre les contrôleurs, à demander la suspension
immédiate de l'état d'alerte et le retrait de toutes les mesures pénales et
disciplinaires. Cela doit être le point de départ d'une rébellion politique
contre les appareils bureaucratiques en décomposition des syndicats, qui
fonctionnent comme une cinquième colonne pour le compte du grand patronat et
de l'Etat.