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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: Une émeute policière soutenue par l'Etat signale un nouveau virage à droite

Par Antoine Lerougetel
21 décembre 2010

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L'approbation officielle donnée par des représentants haut placés du gouvernement à une émeute policière signale une accentuation du virage vers une politique droitière et sécuritaire du gouvernement du président Nicolas Sarkozy. Le 10 décembre, 200 policiers ont organisé une émeute devant le tribunal de Bobigny dans la banlieue nord-est de Paris, pour protester contre le procès de sept de leurs collègues pour tentative d'accuser faussement un innocent.

L'éditorial du journal Le Monde du 13 décembre rapporte ainsi ce que l'on ne peut qualifier que d'émeute policière orchestrée: « Les Français incrédules ont découvert vendredi soir les images du tribunal de Bobigny cerné de policiers en tenue, éclairés par leurs gyrophares, 200 représentants de l'ordre cédant au désordre de la rue, sirènes hurlantes. Ils protestaient contre la condamnation de sept d'entre eux à des peines allant jusqu'à un an d'emprisonnement ferme. La justice leur reproche d'avoir imputé à un innocent un accident survenu à l'un des leurs. Ces policiers poursuivaient un voleur de voiture et, dans le feu de l'action, avaient percuté un collègue, le blessant à la jambe. Plutôt que d'avouer leur cafouillage, ils avaient rédigé un faux procès-verbal. »

Si l'homme que les policiers avaient essayé d'accuser avait été déclaré coupable, il aurait pu être condamné à une peine de prison à vie.

La tentative de coup monté de la police a eu lieu dans un quartier marqué par de graves tensions sociales. Il existe en France 751 zones urbaines sensibles (ZUS) et le département de la Seine-Saint-Denis où se trouve Bobigny en a la plus forte concentration. L'Observatoire national des ZUS (OZUS) vient de publier un rapport disant que fin 2009, 43 pour cent des jeunes hommes et 37 pour cent des jeunes femmes de ces quartiers étaient au chômage, soit le double du taux national déjà catastrophique pour cette tranche d'âge.

Dès qu'il a entendu que les policiers avaient été condamnés à de la prison ferme, Christian Lambert, le préfet nouvellement nommé du département de la Seine-Saint-Denis, s'est aussitôt rendu au commissariat d'Aulnay-sous-Bois où travaillent les policiers condamnés. Il a déclaré, « La faute commise est indéniable » mais qu'il était «très étonné de la décision du tribunal. » Il a aussi dit qu'il « comprenait » la manifestation des policiers.

La déclaration de Lambert a été suivie d'autres déclarations de soutien de la part de représentants haut placés du gouvernement, ce qui montre clairement qu'il avait le soutien de l'exécutif, à savoir de Sarkozy. Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur et un des plus proches associés politiques de Sarkozy, a déclaré que la peine « peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné. »

Sarkozy n'a rien dit sur la question, mais plusieurs députés du parti au pouvoir, UMP (Union pour un mouvement populaire) ont fait des déclarations de soutien à Hortefeux.

Le fait que le gouvernement foule aux pieds les droits démocratiques est d'autant plus scandaleux que personne n'a en fait remis en question les conclusions du tribunal selon lesquelles les policiers étaient impliqués dans un délit grave.

Les syndicats de police se sont montrés hostiles aux principes fondamentaux de preuves bien établies et de présomption d'innocence et ont attaqué les magistrats et les juges qui appliquent ces principes et qu'ils accusent régulièrement de laxisme. «Ce tribunal est connu pour receler les pires idéologues de la culture de l’excuse quand il s’agit de remettre dehors à tour de bras les trafiquants de stupéfiants, braqueurs, auteurs de tentatives d’homicide, etc., » a déclaré le syndicat de police Synergie-officiers.

Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat de police Alliance, s'est plaint dans les médias de ce que «des multi-récidivistes, dans ce tribunal et ailleurs, ne sont pas, eux, condamnés comme il se doit, ou remis en liberté. »

Les organisations de magistrats ont protesté devant les déclarations d'Hortefeux. Interviewé par le Nouvel Observateur, Matthieu Bonduelle, secrétaire général du syndicat des magistrats (SM) a fustigé Hortefeux pour avoir «bafou[é] le principe de la division des pouvoirs. »

Bonduelle a cité la section 434-25 du code pénal qui déclare: « le fait de chercher à jeter le discrédit publiquement sur une décision juridictionnelle ...est puni de plus de 6 mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende. » Néanmoins le SM n'envisage pas de poursuites judiciaires contre Hortefeux.

Bonduelle a ajouté: «La prise de position de Brice Hortefeux n'est pas une première.  Au mois de juillet, un policier avait tué un gitan à Saint-Aignan et le ministre lui avait apporté son soutien.»

Sarkozy avait utilisé cet assassinat pour lancer une vague de déportations de Roms, qui avait été largement impopulaire et avait même conduit à la condamnation de la commissaire européenne Viviane Reding. Mais par la suite, Reding avait fait marche arrière.

Les réactions politiques et des médias critiquant les déclarations d'Hortefeux ont été des paroles creuses. Personne n'a appelé au licenciement d'Hortefeux ni des policiers émeutiers. Le message envoyé aux forces de police est qu'elles peuvent braver l'autorité des tribunaux en toute impunité, ce qui est caractéristique essentielle d'un Etat policier.

Le premier ministre François Fillon lors d'une réunion avec des préfets a affirmé que les policiers condamnés avaient commis « des faits injustifiables » et que «l'honneur de la police » exigeait «un comportement exemplaire. » Mais son objectif réel était le renforcement de la capacité de la police à intervenir contre la population. Il s'est inquiété de ce que le conflit entre la police et les magistrats puisse conduire à «un affaiblissement de l'Etat. »

Parlant au nom du Parti socialiste qui a récemment publié un document sur la sécurité critiquant Sarkozy pour le manque d'investissement dans la police, la première secrétaire Martine Aubry s'est contentée de déclarer: « Nous ne pouvons pas accepter que monsieur Hortefeux une fois de plus attaque les magistrats pour une décision qu’ils ont prise...On ne peut pas tenir de grands discours aux jeunes pour qu’ils respectent les lois et ne pas respecter la justice de notre pays. »

L'éditorial du Monde déclare: «L'irruption du ministre de l'intérieur dans ce processus équilibré, où chacun peut faire valoir son point de vue, viole la loi. Le code pénal proscrit, il faut le redire, les déclarations qui jettent le discrédit sur une décision de justice... » Puis le journal se plaint de ce qu'Hortefeux est intouchable parce que c'est un ami de Sarkozy, mais s'arrête là.

La capacité de la police à organiser une émeute sans réelle opposition de l'Etat ou des cercles politiques est le signe que le gouvernement Sarkozy revient à la politique droitière, tel son ciblage des Roms, qui avait été provisoirement freinée durant les grèves de l'automne contre les coupes dans les retraites. La suppression et la trahison de ces grèves a permis à l'Etat de revenir à ses provocations policières et à attiser l'hystérie sécuritaire. L'absence de tout mouvement réellement de gauche et l'étouffement des luttes ouvrières est la condition préalable essentielle rendant possible la poursuite de l'arbitraire étatique et des attaques contre les droits démocratiques.

La réponse de la classe dirigeante de par l'Europe aux troubles sociaux provoqués par la crise économique et les mesures d'austérité réduisant de façon draconienne le niveau de vie de la masse de la population a été de se tourner vers des mesures d'Etat policier ou militaire. Pour exemples, l'utilisation de l'armée en Grèce et en Espagne contre les travailleurs en grève, la répression policière massive en Grande-Bretagne contre les manifestations des étudiants s'opposant à l'augmentation vertigineuse des frais d'inscription à l'université, l'intervention des CRS contre les travailleurs des raffineries en grève en France.

(Article original publié en anglais le 20 décembre)

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