Au moment où en
Grande-Bretagne les étudiants et lycéens organisent une troisième journée
d’action contre les coupes brutales dans l’éducation, il est
nécessaire de faire le point sur ces expériences.
Les protestations des étudiants le 24 novembre dans le
centre de Londres étaient le deuxième événement de ce genre à être la cible
d’une attaque pré-arrangée de l’Etat. Les manifestants avaient
planifié un rassemblement devant Downing Street à la fin de la manifestation,
pour lequel ils avaient reçu l’autorisation de la police. Ceci a été
arbitrairement invalidé au moment où la police est intervenue pour piéger le
cortège alors qu’il se dirigeait vers Whitehall [le centre administratif
du gouvernement britannique]. Durant les heures qui s’ensuivirent, les
policiers ont attaqué des manifestants pacifiques, dont certains
n’avaient que 13 ans.
Des enregistrements vidéo montrent la police anti-émeute
passant au milieu de la masse de manifestants pour les diviser en groupes plus
petits et pour les emprisonner derrière une rangée de policiers – une
variante connue sous le nom de « kettling » dans laquelle les
manifestants sont progressivement pressés dans des espaces de plus en plus
restreints. Les manifestants ont discuté avec la police, en les avertissant,
« Nous écraser ainsi c'est nous pousser à l'émeute. » Tous les
indices suggèrent que c’était là l’objectif de la tactique
policière.
Huit heures durant, 5.000 manifestants, pour beaucoup des
jeunes, sont restés emprisonnés derrière des rangées de policiers sans avoir
accès à de la nourriture, des boissons ou des toilettes. Le soir, ceux qui
étaient encore détenus en plein air, ont subitement été soumis à des assauts
répétés de la police montée.
La police londonienne (Metropolitan Police) a tout
d’abord nié tout assaut de la police montée. Les nombreuses caméras de
presse présentes qui ont enregistré chaque incident mineur résultant de la
colère des étudiants ou le vandalisme fait par des manifestants piégés ont
réussi à rater l’assaut. Ce n’est qu’après qu’une vidéo
de l’assaut des policiers montés – filmé par un étudiant en cinéma
– a été mise en ligne que les responsables ont admis l’attaque
– tout en affirmant qu’il s’agissait d’« une
tactique appropriée et proportionnelle. »
Le chef du service métropolitain de la police, Paul
Stephenson, a défendu les actions de la police, en se vantant que contrairement
aux manifestations du 10 novembre – où les étudiants avaient réussi à
occuper le siège des Conservateurs à Millbank Tower – cette fois-ci, ses
policiers avaient « fait les choses correctement ». Il a justifié
l’opération comme étant nécessaire pour combattre la violence des
manifestants. C’est le monde à l’envers. L’opération
policière était une provocation délibérée – partie intégrante d’une
stratégie pour préparer le terrain à la criminalisation de toute opposition aux
mesures d’austérité du gouvernement.
Ceci confirme la mise en garde faite par le World
Socialist Web Site en réponse aux
chasses aux sorcières et aux arrestations de masse qui ont lieu depuis la
manifestation du syndicat des étudiants (National Union of Students, NUS) du 10
novembre. Au total 109 interpellations de manifestants ont été faites depuis la
première manifestation contre les coupes sociales et l’augmentation des
frais d’inscription, et la police a annoncé qu'il y en aurait bien plus.
La déclaration de Stephenson que le Royaume Uni était
confronté à une nouvelle époque d’agitation civile souligne la dureté des
mesures qui sont en préparation. En décrivant les manifestations à Whitehall de
« scène du crime », il affirmé, « Les choses ont changé et nous
devons agir. »
Son insistance sur le fait que la prochaine action de la
police serait effectuée selon un « modèle basé sur le renseignement »
est tout particulièrement menaçante. Il a déjà été révélé que la police ciblait
des personnes à l’extérieur des manifestations et des protestations,
notamment, celles considérées comme faisant partie de la « frange radicale
de la campagne contre les coupes du gouvernement dans l’éducation. »
Le commissaire divisionnaire Adrian Tudway, coordinateur
national pour l’extrémisme au niveau national au Royaume Uni, a dit,
« Il est tout à fait correct, dans notre rôle de gardien de but ACPO
[Association des hauts fonctionnaires de la police (Association of chief police
officers)] de surveiller la direction prise par les protestations sociales et
leur évolution.»
Le refus du syndicat des étudiants, National Union of
Students, de défendre les manifestants lui a valu la colère et
l’hostilité justifiées de nombreux jeunes. Le président du NUS, Aaron
Porter, a gagné en notoriété lorsqu’il s’est empressé d'attaquer
les manifestants impliqués dans l’occupation du siège des Conservateur le
10 novembre. Ceci a garanti que par la suite le NUS a été presque entièrement
absent des protestations et occupations d’universités. Avec plus de
12.000 étudiants et lycéens censés participer aux journées d’action
nationales organisées indépendamment du NUS, Porter a été obligé de
s’excuser de n'avoir pas soutenu de façon ferme et publique les protestations.
Ses remarques ont été faites au moment où les étudiants
condamnaient le NUS en exigeant son départ de la direction et en réclamant des
motions de censure à l’égard du NUS et de Porter lors de plusieurs
occupations d’universités.
Un avertissement doit être émis eu égard aux actions de la
police et des manœuvres de la direction du NUS. La perspective de ceux qui
contribuent à l'organisation des manifestations ad hoc, tels
l’Educational Activist Network et le National Campaign Against Cuts and
Fees (NCACF) n’est pas fondamentalement différente de la politique
poursuivie par le NUS. Tout en appelant les étudiants à « organiser la
résistance » avec davantage de manifestations et de protestations, ces
groupes affirment que l’objectif doit être d’exercer une pression
sur les Libéraux-Démocrates pour qu’ils votent contre
l’augmentation des frais d’inscription de la coalition et/ou
d’obtenir un changement de la politique gouvernementale.
De cette manière, ils cherchent à canaliser la colère
grandissante des travailleurs et des jeunes derrière les partis traditionnels
et les syndicats tout spécialement. Le NCACF préconise une perspective pour
remporter le soutien des syndicats aux protestations des étudiants. Toutefois,
bien que certains syndicats aient donné de vague signes de solidarité, ils le
font dans le but de détourner l’attention de ce qu’ils ne font rien
pour s'opposer aux mesures d’austérité du gouvernement.
Il faut remarquer que Porter a affirmé qu’il ne
pouvait pas participer à la manifestation du 24 novembre parce qu’il
avait une réunion avec des dirigeants syndicaux. « J’aurais aimé
être là, mais je pense qu’il est plus important pour moi de rencontrer
des tas d’autres dirigeants syndicaux pour être sûr que ce mouvement
n’est pas seulement un mouvement des étudiants, » a-t-il précisé.
Ainsi, tandis que la police était en train d’emprisonner et
d’attaquer près de neuf heures durant, des manifestants dans les rues de
Londres, Porter et « les autres dirigeants syndicaux » n’ont
rien dit et absolument rien fait pour les défendre.
Il faut rejeter les affirmations du Socialist Workers
Party (SWP) et d’autres organisations de « gauche » de la
classe moyenne. Selon eux, l’organisation d’« action
directe » et le fait de simplement rassembler un plus grand nombre de
personnes dans les rues sont une stratégie adéquate pour mettre en échec les
coupes sociales.
C'est en disant que l'essentiel est d'augmenter les
activités de protestations de la part des étudiants que le SWP tente
cyniquement de couvrir la duplicité du Parti travailliste et de la bureaucratie
syndicale dans l’imposition des coupes. C'est aussi la manière dont le
SWP détourne les étudiants de la lutte politique contre ces éléments. Tout
spécialement dans une situation où l’Etat est en train de préparer une
répression plus sévère contre les protestations, ceci revient à laisser les
étudiants lutter seuls, se faire arrêter par la police et à s'épuiser dans
l’action.
Les jeunes ne peuvent pas se tourner vers les Libéraux, le
Parti travailliste ou les syndicats mécontents pour lutter contre les efforts
consistant à rejeter la crise économique mondiale sur le dos des travailleurs.
Ces gens là n'ont pas de solution à apporter au problème, ils font partie du
problème.
Les étudiants et les jeunes doivent effectuer un tournant
politique conscient vers la classe ouvrière. C’est le contraire même de
l'orientation vers le Trades Union Congress que proposent le SWP et les
autres. Ceci signifie rejoindre toutes les sections de travailleurs qui sont
confrontées aux coupes sociales dans leurs emplois, leurs salaires et leurs
conditions de vie en formant des comités de travailleurs dans une rébellion
contre les syndicats. La lutte contre la rigueur doit s’intégrer dans une
lutte contre le système capitaliste pour le renversement de la coalition
gouvernementale et la mise en place d’un gouvernement ouvrier qui se
fonde sur une politique socialiste.
(Article original paru le 30
novembre 2010)
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