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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le groupe Lutte Ouvrière défend la trahison des grèves contre la réduction des retraites

Par Alex Lantier
17 décembre 2010

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Le mois dernier, l’organisation française de « gauche » des classes moyennes, Lutte Ouvrière (LO), a publié son bilan des grèves d’octobre-novembre menées les étudiants et par les travailleurs des secteurs pétrolier et portuaire contre la réduction des retraites du président Nicolas Sarkozy. L’objectif principal de LO est de couvrir le rôle joué par les syndicats dans la trahison de la grève et par extension, son propre rôle.

Avec la réduction des retraites, à présent promulguée, le rôle des syndicats et de leurs partisans de « gauche » est évident : ils ont refusé la mobilisation entière et totale de la classe ouvrière et permis que des attaques historiques contre le niveau de vie continuent de par l’Europe. La bureaucratie syndicale a organisé un certain nombre de journées d’action nationale de protestations tout en isolant les grèves des travailleurs et en permettant à la police d’infiltrer les manifestations et de briser les blocages de dépôts de pétrole. Dans le même temps, ils ont participé à des manifestations communes avec le Parti socialiste (PS) en contribuant à la promotion de ce parti pro-patronal pour les élections présidentielles de 2012.

Le groupe Lutte Ouvrière – dont bon nombre de membres sont actifs dans les syndicats et ont défilé dans les cortèges avec le PS – a participé à cette action anti-classe ouvrière. En falsifiant ces événements, LO est en train de blanchir son propre bilan droitier.

LO commence par nier que les syndicats ont travaillé avec Sarkozy pour appliquer ces coupes sociales : « Les dirigeants syndicaux étaient en droit d’espérer que, sur une réforme concernant un problème social, ils seraient associés aux négociations et qu’ils pourraient justifier leur rôle et leur préférence pour les négociations par quelques succès susceptibles d’être brandis face au mécontentement de la base. Eh bien, associés aux négociations, ils ne l’ont pas été ! »

LO fait remarquer ici en passant la politique cynique des syndicats consistant à justifier leur rôle par de fausses affirmations selon lesquelles ils pourraient obtenir des concessions mineures. Mais LO nie par la suite que les syndicats ont travaillé avec Sarkozy. Ceci est un mensonge absurde.

Malgré la détermination de Sarkozy de faire ces coupes, les syndicats ont travaillé ouvertement avec le gouvernement par l’intermédiaire de personnalités tel le conseiller social de Sarkozy, Raymond Soubie. Durant les grèves d’octobre, un conseiller de Sarkozy avait même dit au journal Le Monde que « La méthode Soubie est à son apogée. » Le dirigeant de la Confédération française démocratique du Travail (CFDT), François Chérèque avait dit : « Que personne ne vienne me dire qu’il n’a pas eu Soubie pendant deux mois. »

L’objectif de cette collaboration était de faire passer les coupes malgré une opposition de masse. Le dirigeant du syndicat Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly, a expliqué que Soubie « a dû penser qu’il y aurait le rituel des manifestations, que personne ne dirait oui, mais que cela [les coupes] passerait. » En faisant remarquer que ceci avait provisoirement échoué en octobre, tandis que des grèves et des protestations des étudiants avaient eu lieu, Mailly a ajouté : « à force de tirer des ficelles, on fait des nœuds. »

Mailly, dont le syndicat a également participé à cette mascarade, ne voyait visiblement pas d’inconvénient à ce qu'on tire ses ficelles. Il n’est nullement une exception en cela : partout en Europe les syndicats ont appelé à des journées de protestation de 24 heures politiquement impuissantes pour « exercer une pression » sur l’Etat durant l’entrée en vigueur des coupes sociales au printemps dernier en Grèce et en automne en Espagne et en France. Aucun de ces événements n’a modifié la politique de l’Etat.

LO fait l'éloge de ce jeu politique corrompu avec l’explication mineure que les syndicats ne le faisaient qu’en raison de la pression exercée par les travailleurs. Cependant, selon LO, en appelant à faire grève pour préserver « leurs intérêts d’appareil, les confédérations syndicales ont ouvert des vannes dont les travailleurs ont profité pour exprimer leur ras-le-bol… Les premiers à s’engouffrer dans la brèche ouverte par les dirigeants syndicaux ont été les militants syndicaux eux-mêmes. »

La rhétorique guerrière utilisée par LO, qui semble raconter les exploits héroïques des chevaliers de la Table ronde, est complètement absurde quand elle s’applique à des bureaucrates tels Chérèque et Mailly.

LO a cependant une logique politique bien définie : encourager les travailleurs et les jeunes à croire qu’en exerçant une certaine « pression », les syndicats mèneront la lutte sociale en provoquant peut-être un changement dans la politique gouvernementale. En fait, les leçons tirées des récentes grèves montrent exactement le contraire : si les syndicats continuent de contrôler les grèves c’est pour les étouffer. Les coupes sociales de Sarkozy ont été promulguées sans modification aucune.

Durant les grèves d’octobre, le gouvernement s’est trouvé totalement isolé au moment où, à plusieurs reprises, plus de 3 millions de travailleurs défilaient dans des manifestations contre sa politique. Des sondages d’opinion montraient un soutien populaire de 70 pour cent en faveur des grèves qui se propageaient parmi les travailleurs des transports publics, des services municipaux, des services des transports routiers, de l’industrie automobile et de la grande distribution.

Néanmoins, les syndicats n’ont pas appelé à d’autres grèves et ont refusé de mobiliser la classe ouvrière pour défendre les blocages des raffineries de pétrole attaqués par la police. Privées d’une perspective pour s’opposer aux coupes sociales – ce qui aurait nécessité le renversement de Sarkozy et la lutte pour un gouvernement ouvrier basé sur une politique socialiste – les grèves se sont dissipées après le vote des coupes à l’Assemblée nationale.

LO juge irréprochable l’attitude des syndicats: « Il est puéril d’en accuser l’absence d’appels dans ce sens [pour une grève générale] de la part des confédérations syndicales. » Au lieu de cela, LO impute la faute à la classe ouvrière. En affirmant de façon absurde qu’il y avait très peu de grèves dans les autres secteurs industriels, LO absout de toute responsabilité les confédérations syndicales : « Mais elles n’ont rien freiné non plus car, en l’occurrence, elles n’avaient rien à freiner. »

LO mène ici ses falsifications vers leur conclusion logique: si les syndicats n’ont rien trahi, c’est parce qu’il n’y avait pas d’opposition à trahir au sein de la classe ouvrière. Seul un parti lié aussi servilement à la bureaucratie syndicale, comme Lutte Ouvrière, et hostile aux intérêts de vastes couches de travailleurs peut avancer une telle position.

En effet, LO considère la promulgation des coupes de Sarkozy comme une quasi-victoire. Le groupe insiste pour dire que personne ne devrait imiter « certains militants démoralisés qui parlent d’échec parce que Sarkozy n’a pas reculé. » Après avoir coupé court toute discussion réelle sur les grèves, LO dit que sa tâche est à présent de « dévoiler les manœuvres des partis réformistes, à commencer par le Parti socialiste. »

LO écrit: « Les gouvernements socialistes des autres pays d’Europe ne se comportent pas différemment des autres… les travailleurs ne s’attendent pas à être protégés par un gouvernement socialiste. » En remarquant que les travailleurs ne voteraient pour le PS que pour battre Sarkozy, LO précise qu’« une prime sur ce terrain [va] à Strauss-Kahn [le directeur du Fond monétaire international et candidat probable du PS en 2012] qui a le plus de chances de l’emporter. » Toutefois, LO ajoute, « bien malin est celui qui pourrait dire en quoi consiste son côté ‘homme de gauche’ ».

En dépit des commentaires tièdes de LO la chose n’est pas difficile à comprendre. Strauss-Kahn est un banquier, un membre de groupe de pression corporatiste et un ténor de longe date du PS qui a supervisé l’imposition des coupes du FMI en Grèce et en Irlande. Ce n’est pas un homme de gauche ou un réformiste, mais un tueur à gages financier organisant l’appauvrissement de masse des travailleurs.

LO en est parfaitement conscient en écrivant : « Aussi, si les directions syndicales ont quelques raisons d’espérer trouver, avec un gouvernement de gauche [PS], une meilleure place pour elles-mêmes, l’entente entre elles et le gouvernement de gauche ne se fera pas à l’avantage de la classe ouvrière, mais à son détriment. »

C’est là un commentaire révélateur. Bien que le groupe discute pour savoir si certains responsables du PS sont « de gauche » et laisse passer le fait que la bureaucratie syndicale a étouffé les grèves, LO sait pleinement que l'on a affaire là à des individus de droite qui planifient des attaques historiques contre la classe ouvrière. Cela ne l’incite toutefois pas à reconsidérer son soutien aux syndicats.

Ceci soulève la question suivante: Est-ce-que LO est un parti de gauche ? Sans aucun doute LO avancerait la conclusion de sa déclaration pour prouver que le groupe est de gauche. Il exprime l’espoir que les travailleurs adopteront une forme de « politique qui, en cessant de respecter la propriété privée des moyens de production, les lois du marché et la dictature du profit individuel, ouvrira une autre perspective devant la société. »

Ceci paraît être radical, même presque marxiste, à un détail près : Tout en appelant les travailleurs à cesser de respecter le capitalisme, LO maintient son respect sans bornes pour la bureaucratie syndicale qui impose vraiment l’austérité capitaliste aux travailleurs. Malgré ses slogans creux, LO – tout comme ses co-partis « d’extrême gauche » tels le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et le Parti ouvrier indépendant (POI) – met en fait en avant une politique pro-establishment.

Ces partis défilent régulièrement dans les manifestations avec les contingents du PS en contribuant à donner au candidat potentiel Strauss-Kahn des références de « gauche » totalement injustifiées. Leurs campagnes présidentielles sont tributaires de l’obtention de centaines de signatures de responsables PS locaux pour être inscrits sur les listes électorales. Ils ne sont pas moins indépendants du PS qu’ils le sont des bureaucraties syndicales et qu’ils traitent tous comme de vrais dirigeants de la lutte de la classe ouvrière.

L’évaluation pro-syndicale de LO du récent mouvement de grève est tout à fait en accord avec son rôle plus général de défenseur soi-disant de gauche d’une élite politique foncièrement hostile à la classe ouvrière.

(Article original paru le 10 décembre 2010)

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