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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La démission d'Oskar Lafontaine et la crise du parti La Gauche

Par Ulrich Rippert
5 février 2010

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La décision d'Oskar Lafontaine de démissionner de son poste de président du parti allemand La Gauche (Die Linke) et de renoncer à son siège de député au parlement (Bundestag) a plongé le parti dans une crise profonde.

Lafontaine a déclaré que sa décision était motivée « exclusivement par des raisons de santé. » En décembre, il avait subi une opération pour un cancer. L'opération s'était bien déroulée, mais son état de santé nécessitait toutefois qu'il limite son activité politique. C'est pourquoi, Lafontaine a déclaré le week-end dernier qu'il envisageait de se consacrer uniquement à son activité de parlementaire du Land de la Sarre où il siège aussi en tant que député. Il n'a donné aucun détail précis sur son état de santé. Les rapports des médias ont rendu compte que la maladie de la prostate a été reconnue et traitée à temps.

L'état de santé de Lafontaine est toutefois insuffisant pour expliquer la crise profonde qui règne au sein du parti où il avait joué un rôle majeur lors de sa fondation. En réalité, sa démission est la confirmation que ses conceptions politiques ont échoué.

Lafontaine a déjà une démission à son actif. Il y a onze ans, il avait démissionné de son poste de président du Parti social-démocrate (SPD), de celui de ministre fédéral des Finances et de vice-chancelier de la coalition SPD-Verts après avoir subi d'intenses pressions du milieu des affaires. Quand le chancelier Gerhard Schröder (SPD) avait précisé qu'il n'appliquerait pas une politique allant à l'encontre des intérêts du patronat et des banques, Lafontaine avait démissionné sans livrer le moindre combat, en laissant à Schröder et au reste de la direction du SPD la liberté de poursuivre leurs attaques massives contre la classe ouvrière sous la forme de l'Agenda 2010 du gouvernement.

Lafontaine n'était retourné à la vie politique qu'après qu'un grand nombre d'adhérents du SPD et d'électeurs se détournèrent du parti. La décrépitude de la social-démocratie avait déclenché des signaux d'alarme parmi les couches significatives de la bourgeoisie, le SPD n'avait-il pas, après tout,  joué un rôle crucial pendant près d'un siècle dans le maintien de l'ordre bourgeois en Allemagne. En 1918, c'est le SPD qui avait assuré la survie du capitalisme après que l'empereur avait été balayé de son trône. Après la Deuxième Guerre mondiale, le SPD avait défendu la propriété privée et l'orientation vers l'Occident. Suite à la révolte des étudiants et aux grèves spontanées en 1968/69, ce fut le dirigeant du SPD, Willy Brandt, qui avait désamorcé les manifestations.

Le but de Lafontaine était d'empêcher le déclin du SPD. À cette fin, il organisa la fusion de l'Alternative électorale-travail et justice sociale (WASG) en Allemagne de l'Ouest, un groupement de sociaux-démocrates et de bureaucrates syndicaux déçus, avec le Parti du socialisme démocratique (PDS) issu du parti stalinien de l'ex-Allemagne de l'Est et dont le vaste appareil comptait de nombreux mandats dans les communes et les Länder en Allemagne de l'Est.

Dès le départ, le nouveau parti était caractérisé par de profondes divisions. Dans les Länder en Allemagne de l'Est, La Gauche, le parti nouvellement fondé, usa de son influence politique et de ses positions pour imposer les attaques sociales draconiennes prévues par l'Agenda 2010 pendant que Lafontaine parcourait le pays en tenant des discours gauchistes pour dénoncer les coupes sociales et les suppressions d'emplois. La Gauche n'a jamais eu un programme viable. L'opposition de Lafontaine était d'un caractère purement rhétorique et fondée sur le maintien aussi longtemps que possible des illusions social-démocrates. Partout où le parti La Gauche occupent des fonctions sa politique est indiscernable de celle du SPD et des partis conservateurs.

Le principal projet de Lafontaine était une future coalition entre le SPD et La Gauche au niveau fédéral visant à empêcher toute mobilisation populaire forte contre l'élite politique. Ce n'est pas par hasard que Lafontaine se considérait comme l'héritier politique de Willy Brandt. Brandt avait reçu sa formation politique avant la guerre au sein du Parti des travailleurs socialistes (SAP) avant de devenir, après la guerre, maire de Berlin. Il devint alors vice-chancelier d'une grande coalition entre les partis conservateurs et le SPD avant d'assumer finalement les fonctions de chancelier. En tant que chancelier il fut en mesure, en promettant davantage de démocratie et de réformes sociales de dissiper en grande partie le mouvement de protestation de 1968 qui avait aussi bénéficié du soutien de vastes sections de travailleurs.

Lafontaine jouit aussi d'une expérience considérable pour désamorcer les crises sociales. Durant les nombreuses années passées comme premier ministre de la Sarre, il a réussi à liquider des pans entiers de l'industrie sidérurgique et minière sans provoquer de révolte sociale.

A présent, les projets de Lafontaine ont été contrecarrés par l'effondrement du système financier international et la crise économique qui s'ensuivit. Sa démagogie social-réformiste est devenue tout à fait intenable. Il n'avait rien d'autre à offrir en guise de solution aux injustices sociales que ses appels à la constitution allemande et qui renvoie à la finalité sociale de la propriété. L'idée qu'il était possible de revenir à une sorte de politique réformiste pratiquée il y a 40 ans par Willy Brandt a été quotidiennement poussée jusqu'à l'absurde par les conséquences dévastatrices de la crise économique.

Les tentatives de Lafontaine de former une coalition avec le SPD au niveau fédéral en Sarre et en Thuringe en préparation d'une participation à un gouvernement fédéral ont également échoué après que le SPD en Thuringe et les Verts en Sarre ont décidé de former des coalitions avec l'Union chrétienne démocrate (CDU). Le seul Land à former une coalition SPD-La Gauche fut le Brandebourg, et ce, sur un programme prévoyant la suppression d'un emploi sur cinq dans le service public.

Les tensions s'étaient intensifiées au sein de La Gauche bien avant que la maladie de Lafontaine ait été rendue publique. A l'Est, où le parti est profondément intégré dans l'appareil de l'Etat, la rhétorique populiste de Lafontaine était considérée être de plus en plus gênante tandis qu'à l'Ouest, le parti craignait de perdre bien trop rapidement sa crédibilité s'il s'identifiait trop tôt et trop ouvertement avec la politique d'austérité du gouvernement allemand.

Les tensions ont alors éclaté en conflit ouvert entre Lafontaine et le secrétaire national de La Gauche, Dietmar Bartsch. Bartsch dont le pouvoir est fondé dans l'Est du pays, fut accusé par les fédérations de l'Ouest du parti d'avoir répandu des rumeurs sur une affaire extra-conjugale de Lafontaine. Finalement, Bartsch fut obligé de démissionner suite aux pressions exercées par Lafontaine. A présent, Lafontaine a lui aussi jeté l'éponge. Son départ ne fera qu'accroître les tensions au sein de La Gauche comme le montrent déjà les conflits ayant trait à sa succession.

Avec le congrès du parti devant se tenir en mai, la direction avait espéré pouvoir se débarrasser de la solution de compromis existant actuellement, soit la dualité des fonctions au sommet et provenant à égalité de l'Est et de l'Ouest du pays. Mais les contradictions sont tellement fortes que la dernière proposition en date pour une nouvelle direction implique non seulement deux présidents (représentant une fois de plus l'Est et l'Ouest), mais aussi deux secrétaires généraux du parti.

La décision de nommer deux futurs présidents montre clairement l'orientation future du parti. L'ancienne fonctionnaire stalinienne de Berlin, Gesine Lötzsch, a toujours soutenu la politique droitière pratiquée par le Sénat de la capitale (qui est également une coalition entre La Gauche et le SPD), tandis que le candidat de l'Ouest, Klaus Ernst, est un permanent du syndicat IG Metall et incarne cette couche de bureaucrates qui depuis longtemps ont adopté le rôle de co-gestionnaires dans les entreprises.

L'avenir de La Gauche demeure une question ouverte. Ce qui est clair, c'est qu'en fonction de son passé, le parti réagira inévitablement à la dernière crise en date, en s'efforçant encore davantage de démontrer sa crédibilité de parti en tant que force stabilisatrice de l'ordre capitaliste.

(Article original paru le 29 janvier 2010)

 

Allemagne : Qu'y a-t-il derrière la lutte pour le pouvoir au sein de La Gauche ? [22 janvier 2010]

 

 


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