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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Le procureur fait appel contre l'acquittement de Villepin dans l'affaire Clearstream

Par Olivier Laurent
2 février 2010

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Le 29 janvier, le procureur Jean-Claude Marin a interjeté appel dans l'affaire Clearstream, refusant d'admettre l'innocence de l'ancien Premier ministre Villepin, accusé de diffamation. Ce procès très politique avait vu le président Nicolas Sarkozy poursuivre Villepin, affirmant que ce dernier avait essayé de salir son nom en le liant à des listings de comptes bancaires falsifiés.

L'appel de Marin est intervenu le lendemain de l'annonce par Sarkozy qu'il ne ferait pas appel du jugement. L'acquittement de Villepin avait entraîné beaucoup de spéculations dans la presse sur le fait qu'il pourrait se présenter contre Sarkozy à la présidentielle de 2012.

Les deux personnes reconnues coupables par la cour, l'agent des renseignements et ex-directeur d'EADS Jean-Louis Gergorin et l'ex-informateur de la CIA et des renseignements français Imad Lahoud, avaient déjà interjeté appel.

Les commentateurs bourgeois ont tous noté que cela donne l'avantage à Villepin dans l'opinion publique et discrédite une fois de plus l'usage de la fonction présidentielle par Sarkozy. En première instance, Sarkozy était lui-même plaignant contre Villepin. Cela avait été largement critiqué comme inéquitable (puisque le privilège présidentiel de Sarkozy l'empêche de comparaître devant toute juridiction) et rompait une règle coutumière de la politique bourgeoise. Comme l'ex-ministre de la justice Elisabeth Guigou (PS) l'a déclaré à Reuters,  « Il y a un soupçon et ça, c'est gravissime parce que la justice est l'un des piliers de la démocratie. »

Dans son édition du 30 janvier, le quotidien de référence Le Monde écrit, « Ce n'est pas glorieux. Et il est en outre probable que ce ne sera pas très efficace sur le plan politique. Plus que jamais, Dominique de Villepin pourra clamer son innocence. Plus que jamais, il pourra se poser, […], en "victime de l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy". Plus que jamais, il pourra se présenter comme une "alternative" à l'actuel chef de l'État. »

L'appel du procureur a une motivation politique évidente. Il permet à Sarkozy de se présenter comme un bon perdant tout en maintenant la pression judiciaire sur Villepin. Marin a indiqué que l'appel se déroulerait à la fin de l'année, ou au début de 2011, ce qui pourrait compliquer la candidature de Villepin pour la course à la présidentielle d'avril 2012.

Compte tenu de la position de Marin, il était clairement l'objet d'une forte influence politique lorsqu'il a dû décider s'il fallait interjeter appel. Contrairement aux juges, les procureurs français sont soumis hiérarchiquement au gouvernement, ils peuvent être remplacés à volonté et sont tenus de présenter exactement la position du gouvernement dans leurs conclusions écrites.

En l'absence de nouveaux éléments de preuve, il est difficile de s'imaginer que l'appel puisse être un succès. Le jugement de première instance a exclu la culpabilité de Villepin au motif qu'il n'est pas absolument certain que Villepin avait connaissance de la fausseté des accusations contre Sarkozy. Apporter la preuve du contraire en appel sera quasiment impossible.

En tant que procureur, Marin s'est fait une réputation de défenseur des intérêts de droite, y gagnant le surnom de « roi des fossoyeurs » chez certains commentateurs et personnels de justice. Il a déjà travaillé comme haut fonctionnaire dans un gouvernement de droite, par exemple au poste de directeur des affaires criminelles et des grâces pour le ministre de la Justice Dominique Perben, sous le gouvernement Raffarin, de 2002 à 2005.

Rien qu'en 2009, il a requis des non-lieux dans au moins 4 cas de fraudes pourtant prometteurs, impliquant des politiciens de droite (l'affaire Pasqua-Marchiani-Safa, l'affaire du programme d'échange « pétrole contre nourriture », l'affaire Vivendi, et la plus importante : le scandale des emplois fictifs de la mairie de Paris, pour laquelle il a trouvé le temps en plein procès Clearstream de requérir un non-lieu général).

Cependant, les attaques contre Villepin dépassent de loin les supposés différends personnels et politiques entre un Sarkozy présenté comme plus libéral, proaméricain, au style nouveau riche, et un Villepin censé être plus traditionnel dans son gaullisme et plus aristocratique.

Ce qui est en jeu, c'est la réputation de la bourgeoisie française sur la scène internationale. La crise économique et la multiplication des scandales ont sérieusement discrédité le système politique aux yeux de la population. Sarkozy lui-même est de plus en plus contesté, ayant adopté un ton nettement plus agressif que ses prédécesseurs. Il glorifie ouvertement la richesse tout en dénigrant les sections les plus vulnérables de la population.

Villepin est surtout connu à l'étranger pour avoir été le plus actif opposant à l'invasion de l'Irak aux Nations unies. Bien que cette opposition n'ait été qu'une manœuvre opportuniste (il faut se souvenir qu'à la même époque, les avions de l'armée américaine étaient toujours autorisés à survoler la France et qu'il ne s'est pas opposé à d'autres aventures coloniales comme l'Afghanistan), il est associé à une approche plus prudente et indépendante de la politique étrangère.

Tout cela a permis à Villepin de se présenter comme un rival sérieux de Sarkozy, en particulier grâce à l'obscurité des détails juridiques de l'affaire Clearstream qui a aidé à focaliser l'attention sur leur rivalité. Lancer une nouvelle procédure contre Villepin est également vital pour Sarkozy afin de rassurer son camp et ses alliés des syndicats sur sa capacité à rester dans la course politiquement face à la montée du mécontentement populaire.

Les syndicats et ceux qui passaient pour la gauche ont été en mesure d'étouffer la large opposition aux licenciements et aux réductions des services publics les années précédentes, mais la situation pourrait franchir un seuil avec un million de chômeurs devant arriver en fin de droits en 2010.

L'étendue des réductions à venir peut-être évaluée par la récente déclaration du premier ministre François Fillon dans le quotidien de droite Le Figaro, selon laquelle le déficit public devra être ramené sous les 3 pour cent en 2013 (au lieu de 8 actuellement), ce qui exigera, « des efforts sans précédent, nécessitant une mobilisation nationale. Concrètement, cela signifie un gel du budget des ministères et des efforts comparables pour les collectivités locales. Quant à l'objectif de progression des dépenses de l'assurance-maladie, il devra descendre sous les 3 pour cent ».

Une section de la bourgeoisie française est certainement convaincue qu'une posture agressive comme celle de Sarkozy est ce dont elle a besoin pour signaler aux investisseurs étrangers qu'elle est prête à s'en prendre aux travailleurs. Mais d'autres sections de la classe dirigeante ont besoin de cultiver une alternative viable à Sarkozy au cas où son taux d'approbation tomberait trop bas pour lui garantir un second mandat.

Il est significatif, à cet égard, qu'une coalition de politiciens bourgeois de tout le spectre politique se réunisse autour Villepin. Une fois acquitté, ce dernier n'a pas seulement reçu des félicitations de ses propres partisans gaullistes, mais également de la part de l'ex-candidate PS à la présidentielle, Ségolène Royal.

(Article original anglais paru le 1er février 2010)

 

 


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