Après un examen détaillé des mesures budgétaires de la coalition au
pouvoir en Angleterre, l’Institut des études fiscales (IFS - Institute for
Fiscal Studies) a dit que le pays se trouvait devant « la période la plus
longue, la plus intense, la plus soutenue de restrictions des dépenses
publiques au moins depuis la deuxième Guerre mondiale ». C’est la première
fois qu’un gouvernement anglais propose d’effectuer des coupes budgétaires
sur six années consécutives.
L’IFS a réfuté le discours du gouvernement des conservateurs et des
libéraux selon ce « serait plus douloureux » pour les riches que pour les
pauvres et dit : « Si vous regardez les réformes devant être introduites en
2013 et 2014, elles frappent le plus durement les plus pauvres et continue
effectivement de les frapper de plus en plus fort chaque année. »
L’IFS déclare aussi que « les coupes menaçant dans les services publics…
vont vraisemblablement frapper les ménages plus pauvres nettement plus que
les ménages plus affluents. »
Lorsque les experts eurent examiné les implications des clauses en petits
caractères du Livre rouge du ministère des Finances qui précise les détails
du budget, il devint clair que plus d’un million de personnes sont menacées
d’être expulsées de leurs logements. Quelque 900.000 personnes en location
dans des logements privés perdront leur allocation logement, le plan du
ministre des Finances, George Osborne, prévoyant de réduire de 40 pour cent
les dépenses pour cette allocation. Des centaines de milliers de gens louant
des logements de municipalités et d’associations seront forcées de quitter
des logements pour familles, dû à des changements dans l’attribution et la
taille des allocations. Un total de trois millions de gens sera touché par
ces changements.
Une estimation conservatrice suggère que 750.000 emplois seront perdus
dans le secteur public dans les cinq années à venir. Il est vraisemblable
que 200.000 personnes vont perdre leur emploi dû à l’augmentation de la TVA.
Le chiffre officiel actuel du chômage est de 2,51 millions, soit 8 pour cent
de la population active. Les mesures du gouvernement ajouteront au moins un
million à ce chiffre.
Le nombre réel des personnes au chômage et de ceux qui sont sous-employés
est considérablement plus élevé. Plus d’un million de personnes sont
actuellement employées à temps partiel parce qu’elles sont incapables de
trouver un emploi à plein temps.
Nick Clegg, le vice-premier ministre et chef du Parti libéral démocrate a
dit à l’émission Today de la BBC que le gouvernement avait été forcé
de prendre des mesures dures à cause de la situation économique
internationale. « Nous avons affaire à cette sorte de tempête sur le pas de
notre porte en Europe ou les marchés mettent une pression énorme sur un pays
après l’autre, frappant à la porte de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal et
ainsi de suite. L’inquiétude est réelle que si nous n’agissons pas
maintenant nous seront la prochaine victime, si vous voulez, de cette sorte
de panique des marchés. »
Le ministre des Finances du cabinet fantôme, Alistair Darling, a critiqué
le budget de la coalition, avertissant de ce qu’il risquait de pousser le
Royaume-Uni dans une double récession et affirmant que le Parti travailliste
n’aurait pas opéré des coupes aussi drastiques. La vérité est que beaucoup
de ces coupes étaient déjà en route lorsque cette coalition arriva au
pouvoir. Les Travaillistes préparaient une réduction générale de 20 pour
cent de toutes les dépenses. S’ils étaient restés au pouvoir, ils auraient
élargi les mesures déjà proposées afin de satisfaire l’élite financière.
Les marchés ont réagi favorablement au fur et à mesure qu’ils ont saisi
l’impact des mesures budgétaires de la coalition. L’agence de notation
Moody’s a confirmé le statut AAA du gouvernement et déclaré que le budget
était « un pas crucial vers un renversement de la détérioration considérable
de la position financière du gouvernement telle qu’elle s’est produite au
cours des deux dernières années. »
Les marchés des obligations étaient satisfaits de ce budget. La raison de
la confiance des marchés est le caractère massif des coupes. Alors
qu’Osborne a parlé d’une réduction des dépenses de 25 pour cent pour chaque
secteur de l’administration, le niveau réel des coupes sera
vraisemblablement selon le IFS, de 33 pour cent.
« Margaret Thatcher, fameuse, ou infâme, pour son enthousiasme à prendre
la hache et à l’appliquer au gros Etat, n’a jamais osé faire des coupes si
profondes », commenta Philip Stephens dans le Financial Times.
Comme le fait remarquer Martin Wolf, lui aussi dans le Financial
Times, cela signifie un tiers d’argent de moins dans l’Enseignement
supérieur, le ministère de l’Intérieur, la Justice, les Transports et le
Logement. Cela ne s’avérera probablement pas maintenable du point de vue
politique…» écrit-il, ajoutant : « Il est également évident que d’autres
coupes seront nécessaires dans les prestations sociales. Selon l’IFS, les
coupes affectant les autres départements ne seraient ‘que’ de 25 pour cent,
en termes réels, si le gouvernement pouvait identifier encore 13 milliards
de coupes dans les prestations. »
Ces coupes viendront avec la revue des dépenses en automne et dans celle
revues des retraites et des emplois du secteur public qui sont en cours.
La colonne Bagehot du périodique Economist envoya une note
d’alarme sur les coupes à venir et la réaction qu’elles produiront :
« Derrière le rapport altier entre la réduction des dépenses publiques et
les hausses d’impôts de M. Osborne il y a des êtres humains. Beaucoup savent
à présent qu’ils vont devoir payer, mais beaucoup de ceux qui devront payer
le plus – c'est-à-dire avec leur emploi – ne le savent pas encore. Quand,
dans un pays autoritaire, des parties entières de la population sont
abandonnées à l’envahisseur ou sacrifiées dans une bataille, il n’y a pas
grand-chose que les victimes puissent faire pour ennuyer les commissaires.
En Grande-Bretagne oui : elles peuvent voter, bien sûr, mais elles peuvent
aussi défiler dans Londres, paralyser le pays par des grèves et même aller
jusqu’à l’émeute. »
(Article original publié le 28 juin 2010)