La
décision des médias et des cercles politiques français de mettre
en avant le directeur du Fonds monétaire international et membre
dirigeant du Parti socialiste (PS) Dominique Strauss-Kahn comme
candidat potentiel à la présidentielle est un véritable
avertissement pour la classe ouvrière. Bien que présenté au
public comme un parti de « gauche », le PS soutient la
politique antiouvrière du FMI, telles les coupes sociales
perpétrées par le premier ministre George Papandreou.
Strauss-Kahn est vu comme
un rival potentiel majeur du président conservateur sortant Nicolas
Sarkozy à l'élection présidentielle de 2012. Il a accordé des
interviews médiatisées à la télévision et dans la presse. Un
sondage Ipsos-Le Point publié le 25 mai révèle que 76 pour cent
d'électeurs de droite et 66 pour cent d'électeurs du Parti
socialiste soutiennent Strauss-Kahn pour la présidence. La
nomination du candidat du PS pour l'élection présidentielle sera
décidée lors des primaires du PS qui se tiendront en 2011.
Dans les années qui ont
précédé la crise économique de 2008, le FMI a acquis une
réputation redoutable pour avoir radicalement réduit les dépenses
publiques de pays du Tiers Monde. Depuis la crise de 2008, il a
imposé des plans d'austérité massifs aux pays d'Europe de l'est
tels la Lettonie, la Hongrie et la Roumanie, et plus récemment la
Grèce.
Strauss-Kahn
a défendu les mesures draconiennes mises en place par le FMI. Le 20
mai dernier, à la télévision, sur France 2 il a dit: «Je
crois que le rôle que le FMI a joué depuis le début de la crise
des subprimes est reconnu par tout le monde. C'est sans doute grâce
au FMI et pas seulement au FMI, mais notamment au FMI, qu'on a évité
une crise aussi grave que celle de 1929. »
En fait, Le FMI et
Strauss-Kahn en personne sont responsables de la destructions
d'économies entières dans l'intérêt des grandes banques
internationales et de l'aristocratie financière. Leurs
renflouements ont transféré des milliers de milliards d'euros de
richesse publique à l'élite financière, tout en imposant des
réductions de salaires et de retraites de 20, 30 ou 40 pour cent à
de vastes couches de la classe ouvrière dans les pays placés sous
la surveillance du FMI.
Economiste de profession,
Strauss-Kahn détient le poste de directeur du FMI depuis 2007 et il
est un important représentant de la couche de gangsters
procapitalistes à la tête de la « gauche » bourgeoise
française. Il était ministre de l'Industrie et du Commerce
extérieur en 1991-1993 dans le gouvernement PS, puis lobbyiste à
Bruxelles, capitale européenne, pour le constructeur automobile
Renault et Vincent Bolloré, financier multimilliardaire.
Entre
1997 et 1999 il a occupé des postes élevés comme ministre de
l'Economie, des Finances et de l'Industrie dans le gouvernement de
gauche plurielle du premier ministre PS Lionel Jospin. Durant cette
période il a contribué à privatiser des entreprises telles France
télécom, la banque Crédit lyonnais, l'entreprise de défense
Thompson-CSF et Air France. Il a joué un rôle majeur dans les
préparatifs pour le lancement de l'euro. Il a démissionné en 1999
au milieu d'un scandale de corruption, et est depuis une figure
majeure du PS et député à l'Assemblée nationale.
La
politique de Strauss-Kahn reflète largement celle de l'ensemble du
PS. Les députés PS ont voté avec les députés du gouvernement à
l'Assemblée nationale en faveur du plan de renflouement UE (Union
européenne)-FMI pour la Grèce. Un député PS, proche de
Strauss-Kahn, Pierre Moscovici a défendu le renflouement UE-FMI
pour la Grèce dans le quotidien Le Figaro: «Si la Grèce mène
aujourd'hui une politique de rigueur,ce n'est pas la faute du FMI,ce
n'est pas la faute de l'Europe,c'est la faute des Grecs. Quand on a
une dette publique de 150%, quand on a des comptes publics
maquillés, on est obligé de traiter les choses. »
Le PS soutient les mesures
d'austérité à l'intérieur du pays, tout comme à l'étranger.
Participant de l'effort de faire passer le déficit budgétaire de 8
à 3 pour cent d'ici 2013, comme l'exige l'UE, le gouvernement
Sarkozy prépare de nouvelles attaques contre les retraites. Ces
mesures comprennent le recul de l'âge de départ en retraite qui
passera de 60 à 62 ans et l'allongement de la durée de cotisation
au delà de 41 annuités.
La population rejette en
masse la politique d'austérité de Sarkozy dont la popularité est
en chute libre. Un sondage Ifop du 29 mai révèle que six Français
sur dix s'opposent aux attaques contre les retraites.
Néanmoins,
citant les craintes que les agences de notation ne baissent la note
de la dette souveraine de la France, l'élite dirigeante française
est déterminée à mettre en place des coupes brutales. Dans son
évaluation des finances de l'Etat pour 2010, la Cour des Comptes a
averti que le gouvernement doit réduire de toute urgence sa dette
publique et le niveau du déficit.
Le
26 mai, le Financial
Times
faisait remarquer, «Les officiels craignent que sans mesure
draconienne, la précieuse notation AAA du crédit de la France ne
soit un jour menacée avec des conséquences potentielles pour les
coûts d'emprunt, notamment dans un marché fébrile secoué par des
rumeurs délirantes de défaut de paiement par le gouvernement, sur
le sillage de la crise grecque. »
Le
Financial
Times
citait un commentaire de l'agence de notation Moody dans une récente
note d'investisseur: « Si la tendance à la hausse de la dette
se poursuit, la marge du gouvernement avant dégradation pourrait
s'éroder au point de générer des implications pour la notation. »
En janvier, la première
secrétaire du PS Martine Aubry avait déclaré son soutien aux
attaques contre les retraites et au recul de deux ans de l'âge de
départ à la retraite. Alors qu'Aubry retirait, un peu plus tard,
ses remarques afin de dissimuler son soutien à l'austérité
sociale, Strauss-Kahn quant à lui soutient toujours ouvertement les
projets de Sarkozy de réductions des retraites.
Lors
de l'émission télévisée sur France 2, Strauss-Kahn a dit: « Si
on arrive à vivre 100 ans, on ne va pas continuer à avoir la
retraite à 60 ans, il va bien falloir que d'une manière ou d'une
autre ça s'ajuste. Dans beaucoup de pays, c'est la voie qui est
choisie. »
Il a ajouté, « Parce
que les vies ne sont pas les mêmes, il y en a qui sont plus usés,
plus fatigués, et d'autres qui, au contraire, peuvent continuer à
travailler assez âgés, beaucoup plus âges qu'on ne l'aurait
imaginé il y a dix ou vingt ans, parce qu'aujourd'hui on est en
forme beaucoup plus âgés. »
Le PS
conserve sa fausse image publique de parti de « gauche »,
ce qui permet à la classe dirigeante d'organiser une élection où
Strauss-Kahn pourrait gagner du soutien tout en préparant des
coupes massives, juste parce qu'en France aucune organisation
établie ne révèle au grand jour sa politique anti-ouvrière.
Parmi les organisations qui participent à cette tromperie
électorale, l'une des plus importantes est le parti petit-bourgeois
d'Olivier Besancenot, le Nouveau parti anticapitaliste.
En réponse aux attaques
de Sarkozy contre les retraites, le NPA a proclamé qu'une alliance
commune avec le PS est la seule façon viable de défendre les
retraites. Le 6 mai, le NPA a tenu une réunion commune avec le PS
et d'autres partis de « gauche » bourgeois.
Dans
sa déclaration du 14 mai rendant compte de la réunion du 6 mai, le
NPA déclare: « Le
premier meeting unitaire rassemblant les personnalités de la gauche
sociale et politique a été un vrai succès. »En
énumérant les syndicats, y compris celui des étudiants, puis le
parti des Verts, du PCF, du PS, du PG et du NPA, il affirme, « Tout
le monde était présent pour s'engager à mener une véritable
campagne politique et sociale unitaire jusqu'à la victoire. »
Le 27
mai, les principaux syndicats français ont organisé une
manifestation, soutenue par les partis de gauche bourgeois
comprenant le PS, le PCF, le PG et le NPA, contre les mesures de
Sarkozy sur les retraites. En réalité cette manifestation était
une tromperie politique ayant pour but de contenir la colère
populaire et de la lier politiquement au PS.
Après
la manifestation, dans un entretien au Monde
Besancenot
a blanchi la politique du PS: «Le
Parti socialiste a enfin tranché, il est pour la défense de la
retraite à 60 ans. Tant mieux. Mais il n'y a pas de raison de ne
pas être ensemble dans la bataille contre le projet du
gouvernement. Il faut le front le plus large possible et, pour cela,
le PS doit participer aux mobilisations unitaires. »
Les déclarations de
Besancenot sont des mensonges éhontés. Le PS ne défend pas plus
les droits à la retraite que ne le font les banquiers qui
travaillent sous la direction de Strauss-Kahn au FMI. Ce que les
remarques de Besancenot montrent clairement par contre, c'est que le
NPA et le ramassis des autres partis de « gauche » se
tiennent politiquement du même côté que le FMI contre la classe
ouvrière.