BP versera vraisemblablement des dividendes de plusieurs
milliards de dollars à ses investisseurs, et ce, malgré la gigantesque marée
noire dans le golfe du Mexique causée par l'explosion le 20 avril dernier de la
plate-forme Deepwater Horizon.
Vendredi, dans une présentation aux investisseurs, le PDG de BP Tony Hayward
a affirmé que BP pourrait « respecter ses obligations face à tous ses
actionnaires », ajoutant que les actionnaires « dépendent en partie
de BP pour leur sécurité financière ». Le conseil d'administration a
reporté la décision finale au 27 juillet, espérant probablement que la colère
populaire se calme d'ici là.
Hayward a assuré aux investisseurs que le géant du pétrole avait amplement
de ressources pour absorber les coûts du désastre, bien qu'on l'ait décrit
comme étant « évasif » sur la question du versement complet des
dividendes. La plupart des analystes britanniques croient que les dividendes
seront versés dans leur totalité, mais d'autres pensent qu'ils pourraient être
réduits.
Les commentaires de Hayward soulignent le caractère socialement destructeur
du capitalisme. La soif de profits de ce géant du pétrole a créé une catastrophe
environnementale sans précédent dans le golfe du Mexique. Une foule
d'indications démontrent que BP a ignoré d'importantes considérations de
sécurité et environnementales en forant le puits dans le but de payer moins
cher. Par conséquent, une grande partie du golfe est ravagée et des dizaines de
milliers d'emplois dans l'industrie du tourisme et de la pêche dans la région
seront perdus.
En toute justice, les cadres et les gros actionnaires de BP devraient être
accusés au criminel et les actifs de la compagnie et les fortunes personnelles
saisis. Plutôt, un débat fait rage sur la question de la totalité du versement
de 10,5 milliards $ de BP à ses actionnaires. Plusieurs sénateurs
américains ont demandé à BP de limiter les dividendes, du moins tant que l'écoulement
de pétrole dans le golfe perdure.
Le président Obama, en Louisiane vendredi dernier, n'a pas fait de demande
semblable. Il a fait référence au prochain versement de dividendes et, après
avoir noté que BP ne devrait pas trop être trop avare lorsqu’il
s’agira de répondre aux réclamations des habitants de la région du golfe,
il a insisté sur le fait que le géant du pétrole avait des obligations légales
envers ses actionnaires.
L’année dernière BP aurait distribué une impressionnante
part des dividendes en Grande-Bretagne, soit le sixième de tous les dividendes
britanniques. Le rendement de dividende annuel de BP devrait être à 8,9 pour
cent ou 9,4 pour cent, selon les rapports, ce qui est beaucoup plus élevé que
celui de ses rivaux Exxon Mobil (2,8 pour cent) et Royal Dutch Shell (6,5 pour
cent).
BP a jusqu’à présent dépensé environ un milliard de
dollars pour les coûts liés à la marée noire, soit moins qu’un dixième
des paiements de dividendes anticipés. Une bonne partie de ce milliard serait
déductible d’impôts.
BP, une des cinq plus importantes entreprises au monde, a
perdu environ un tiers de sa valeur en bourse depuis le désastre, et Fitch a
dévalorisé sa notation de crédit vendredi. Mais les analystes du marché ont
exprimé leur confiance que l’entreprise peut survivre peu importe les
dettes financières qui sont susceptibles de découler du nettoyage du golfe du
Mexique.
Hayward, qui est payé plus de 4 millions par année par BP,
est devenu aux États-Unis un symbole détesté de l’arrogance des
entreprises. Pendant des semaines il a minimisé l’importance de la marée
noire déclarant plutôt que ce qui se produisait était insignifiant, car le golfe
du Mexique est un « très grand océan », et que l’impact
environnemental serait « très, très modeste ». La semaine dernière,
il a catégoriquement rejeté les preuves scientifiques de l’existence de
panaches massifs de pétrole sous-marins et a été filmé criant « partez
d’ici » aux médias qui tentaient d’avoir un aperçu sur les
opérations d’assainissement.
Au cours de la fin de semaine, Hayward a déclaré, en des
mots qui sont déjà devenus tristement célèbres, qu’il était intéressé à
résoudre le problème du déversement parce que c’était un fardeau sur sa
vie personnelle. « Je veux ravoir ma vie », a-t-il dit. La fureur par rapport au
commentaire a été telle que Hayward a été contraint de présenter des excuses
aux familles des 11 personnes tuées dans l'explosion de Deepwater Horizon.
Pourtant,
lors de la réunion de vendredi avec les actionnaires, Hayward a semblé narguer
la colère populaire. « Je suis, à ce jour, indemne », a-t-il dit devant
actionnaires. « Un bâton ou une pierre peut me briser les os, mais les
mots ne me blessent jamais, ou quelque chose comme ça »
Dans les cercles
dirigeants, on craint que l’arrogance de BP, associée à l’impotence
de l’administration Obama, génère une catastrophe politique d’une
ampleur comparable, ou pire, aux dommages économiques et écologiques du
déversement de pétrole.
Obama a fait une
apparition à l’émission Larry King Live jeudi dernier et a annulé
vendredi des visites prévues en Australie et en Indonésie pour faire un
troisième voyage au golfe du Mexique depuis l’explosion de la plateforme
pétrolière Deepwater Horizon.
La décision
d’Obama de laisser tomber ses visites à deux pays — un voyage
annulé pour la deuxième fois — indique une administration en crise. Des
sources de la Maison-Blanche ont déclaré à la presse qu’ils craignaient la
réaction populaire si le président quittait le pays alors que le déversement de
pétrole continue toujours.
Après avoir proclamé
pendant des semaines que c’était BP qui était responsable du nettoyage,
Obama a cherché à projeter une nouvelle image où il se montre en contrôle de la
situation et où il exprime de la colère envers BP. Toutefois, son incapacité à se
faire le porte-parole, même d’une façon limitée, de la colère populaire
envers BP a inquiété ses alliés politiques qui craignent que son administration
puisse elle-même devenir la cible de la colère populaire.
Dans son entrevue à
Larry King, Obama a déclaré que « toute cette situation le rendait
furieux ». Il n’a pas, toutefois, fait aucune mention du fait
qu’une enquête criminelle avait été annoncée par le procureur général
américain plus tôt cette semaine.
L’objectif premier
de l’administration est de gagner du temps et de trouver une façon de
contenir cette colère et d’empêcher qu’elle s’oppose aux
politiques favorisant la grande entreprise mises en place par son
administration, y compris l’augmentation des forages pétroliers.
« Nous devons obtenir du pétrole aux États-Unis mêmes », a-t-il
dit, indiquant qu’il lèverait le moratoire sur les nouveaux forages en
eaux profondes dès que la commission aura établi que l’on pourra forer de
façon « sécuritaire ».