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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Irlande : Devant la faillite imminente de l'Etat les syndicats promeuvent l'interdiction de faire grève

Par Steve James
10 juin 2010

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L'état de l'économie irlandaise est précaire au point que la logique derrière l'accord Croke Park conclu entre les syndicats irlandais, le gouvernement et les employeurs du secteur public se révèle déjà être une tromperie.

L'accord Croke Park stipule que les syndicats acceptent une interdiction de faire grève pendant quatre ans, une augmentation énorme de la productivité et de la flexibilité, et des pertes d'emplois fondées sur des « départs volontaires » en échange d'une limite sur les baisses des salaires des travailleurs du secteur public. Leur affirmation que ceci empêcherait en quelque sorte l'effondrement de l'économie a totalement été réduite en miettes. En réalité, cet accord révèle au grand jour que les syndicats sont l'instrument de l'aristocratie financière pour imposer les coûts de la crise bancaire à la classe ouvrière et il ouvre la voie à des attaques encore plus féroces à venir.

C'est précisément la raison pour laquelle la disposition consistant à éviter toute réduction de salaire supplémentaire est rendue « tributaire d'une détérioration budgétaire actuellement imprévisible » dans le budget de l'Etat.

Dans un commentaire publié dans l'Irish Times par Morgan Kelly, professeur d'économie à l'University College de Dublin, a clairement montré que la situation budgétaire de l'Irlande doit en fait se détériorer rapidement. Selon Kelly, à qui il revient d'avoir prédit l'effondrement de la bulle immobilière irlandaise, « la question n'est plus de savoir si l'Irlande fera faillite, mais quand cela va se produire. »

Kelly déclare que le renflouement imposé au trésor public par le gouvernement Fianna Fail et la fratrie bancaire irlandaise semi-criminelle dont il est inséparable est tout à fait catastrophique. Aux Etats-Unis, quelques 700 milliards de dollars ont été octroyé aux banques pour racheter des créances douteuses. Quelques 150 milliards de dollars ne pourront vraisemblablement pas être repayés.

L'Irlande s'est engagée à en reprendre pour au moins 70 milliards d'euros, soit la moitié du revenu national, ou dix fois le montant par habitant engagé aux Etats-Unis.

Kelly estime que sur cette vaste somme, 100 milliards d'euros de prêts immobiliers rachetés par le gouvernement via la « mauvaise banque » publique la National Asset Management Agency (NAMA), au moins 33 pour cent ne seront jamais repayés. La même chose vaut pour 20 pour cent des prêts aux entreprises à hauteur de 35 milliards d'euros ainsi que pour 5 pour cent des 160 milliards d'hypothèques et de prêts aux particuliers. Ceci correspond à près de 50 milliards d'euros ou 30 pour cent du PIB. Kelly pense que 70 milliards d'euros est un chiffre plus probable. Si l'on ajoute ce montant à la dette nationale, la dette totale de l'Irlande pèsera pour 115 pour cent du PIB d'ici 2012. Etant donné la baisse du PIB et la hausse du chômage à une cadence de 6.000 par mois, ce rapport ne fera que s'accroître.

A un moment donné les marchés de capitaux internationaux ne financeront certainement plus la dette irlandaise, après quoi le gouvernement sera obligé de s'adresser à la Banque centrale européenne (BCE). En échange d'un plan d'aide, a expliqué Kelly, la BCE exigera des coupes sociales drastiques allant bien au-delà de ce qui a déjà été imposé.

L'analyse de Kelly a été reprise sur le Baseline Scenario, un blog international de commentaires économiques de Peter Boone et Simon Johnson, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international. L'Irlande est confrontée, premièrement soit à un défaut sur la dette souveraine soit à un effondrement de ses banques ; deuxièmement à davantage de réductions drastiques des dépenses publiques ; et enfin à la décision de savoir s'il est possible de poursuivre l'adhésion à l'euro.

Suite à l'aggravation de la situation, les principaux syndicats du secteur public ont viré encore plus à droite. Après avoir tout d'abord rejeté l'accord Croke Park, la direction du deuxième plus grand syndicat du secteur public Impact, a changé la position qu'il défendait le 7 mai pour appeler à présent ses 65.000 adhérents à accepter l'accord.

La base de leur revirement à 180 degrés a été un certain nombre de « clarifications » de l'accord, dont la soi-disant « clause dérogatoire » sur une détérioration budgétaire imprévue. Le syndicat Impact a convenu avec le gouvernement et la Commission irlandaise sur les relations de travail que ce sont « l'intention et les attentes expresses » du gouvernement qu'il n'y aurait pas de nouvelle réduction de salaire. Si toutefois, contre toute attente, une nouvelle baisse de salaire était imposée - bien qu'aucune ne soit prévue « sur la base de faits actuellement connus » -- les syndicats ont déclaré qu'ils « se réserveraient le droit de ne plus être liés par les termes de l'accord. »

Cette modification mineure du texte de l'accord, ainsi qu'une concession mineure sur les droits de retraite, ont été présentées par le secrétaire général d'Impact, Shay Cody, comme étant « un signe de confiance dans les intentions du gouvernement. » Cody a également affirmé que les redéploiements obligatoires de postes qui pourraient faire que des travailleurs soient transférés d'un service à un autre dans un périmètre de 45 kilomètres, seraient réalisées « de manière raisonnable. »

Le changement d'attitude d'Impact place le syndicat sur la même ligne que celle du syndicat Services, Industrial, Professional and Technical Union (SIPTU), le plus grand syndicat du secteur public. Quelque 300.000 travailleurs du secteur public votent actuellement sur l'accord. Puis, les responsables syndicaux soumettront les résultats de leur vote au comité du service public au Congrès irlandais des syndicats (Irish Congress of Trade Unions, ICTU) où leurs votes seront évalués en fonction du nombre d'adhérents de leur syndicat respectif.

L'importance donnée à cet accord par le monde des affaires en Irlande est telle que le dirigeant de SIPTU (Service, Industrial, Professional and Technical Union), Jack O'Connor, s'est récemment vu décerner le prix de « L'homme d'affaires du mois » par l'influent magazine Business and Finance. Parmi les précédents gagnants du titre on compte Mathew Elderfield, qui vient d'être nommé à la tête de l'autorité de surveillance de la bourse ; Brian Lenihan, l'actuel ministre des Finances ; et Aidan Heavey, le fondateur et le directeur exécutif du groupe Tullow Oil.

Un certain nombre de responsables de syndicats plus petits ont rejeté l'accord en étant un peu plus honnêtes quant à son impact et pour tenir compte de la vaste résistance exprimée par leurs membres. Daves Hughes, le secrétaire général adjoint du syndicat irlandais des infirmières et des sages-femmes (Irish Nurses and Midwives Organisation, INMO) s'est plaint de la « tyrannie du consensus ». Il a souligné que les termes de Croke Park étaient « des promesses hautement conditionnelles en échange d'un acquiescement absolu à la politique du gouvernement. Il requiert le besoin de réduire au silence tous ceux qui osent défendre leur service, leur emploi ou leurs collègues. »

Hughes a remarqué qu'en plus des 2.000 postes d'infirmières perdus au cours de ces deux dernières années, 6.000 autres postes étaient menacés, ainsi que 3,500 lits d'urgence. Il a toutefois expliqué clairement qu'INMO n'avait nullement l'intention de mener une campagne déterminée contre le gouvernement. « Un vote 'non' n'entraînera pas une grève des infirmières et des sages-femmes, » a-t-il dit, ce qui requerrait un « nouveau mandat. »

Lors de la conférence annuelle d'INMO, un projet alternatif a été avancé pour l'application de son propre programme de réduction des coûts en matière de santé et impliquant un retour à la maison plus rapide des patients, un plus grand recours à l'unité de traitement des blessures bénignes et une réduction du recours aux pôles spécialisés.

Les critiques voilées de Hughes ont causé une réaction de colère des autres sections de la bureaucratie syndicale.

Louise O'Reilly, la responsable nationale des infirmières au sein du SIPTU et l'une des participantes aux négociations, a insisté pour dire que Croke Park procurait « une sécurité en ces temps incertains. » Elle a dit que c'était le « meilleur des résultats possibles. »

Elle a clairement fait connaître l'hostilité de SIPTU à toute campagne fondée sur la mobilisation de la classe ouvrière, insistant sur le fait qu'une telle mobilisation ne recueillerait que peu de soutien. « Peu nombreux sont ceux qui disent haut et fort la réalité, à savoir qu'une intensification massive des grèves serait le seul moyen d'empêcher que le gouvernement n'introduise d'autres réductions motivées par les intérêts privés. »

En réagissant aux critiques virulentes faites par les propres membres de SIPTU, O'Reilly s'est de plus plainte qu'« il était injuste de présenter le vote comme une sorte de référendum sur le gouvernement. »

Les médias se sont mis de la partie pour soutenir l'accord Croke Park. Dans son commentaire publié dans le journal Irish Independent, Alan Ruddock a fustigé les travailleurs du secteur public en disant qu'ils étaient « protégés du chômage et que leur retraite n'étaient pas affectée par les aléas des marchés boursiers. » Ruddock s'est également plaint de ceux qui s'opposaient à Croke Park en leur reprochant de « ne pas accepter un accord qui n'aurait jamais dû leur être soumis pour négociation. »

A ce jour, l'accord a été rejeté par un grand nombre de groupes de travailleurs.

Les fonctionnaires faiblement rémunérés du syndicat d'employés gouvernementaux (Civil and Public Services Union, CPSU) qui compte 13.000 adhérents, ont rejeté l'accord par deux voix contre une et avec un taux de participation s'élevant à 74 pour cent. Les membres du CPSU ont précédemment voté à 86 pour cent en faveur d'une grève contre les réductions des dépenses du gouvernement.

Deux syndicats d'enseignants - l'association des enseignants du second degré d'Irlande, (Association of Secondary Teachers, Ireland) qui compte 18.000 membres et le syndicat des enseignants d'Irlande (Teachers Union of Ireland) représentant 14.500 membres - ont rejeté l'accord par trois voix contre deux en obtenant une majorité de trois contre un. Deux mille maîtres de conférence de la Fédération irlandaise des professeurs d'université ont voté contre l'accord par deux voix contre une.

Les résultats des principales organisations dont SIPTU et Impact ne sont pas attendus avant juin. Même si le résultat d'ensemble est un « non » clair et net, les travailleurs ne pourront rien défendre dans le cadre de ces organisations pro-patronales moribondes. De nouvelles organisations de luttes sont nécessaires de toute urgence et dont le point de départ sont les intérêts indépendants de la classe ouvrière en Irlande et internationalement et qui refusent de donner le moindre centime à l'oligarchie criminelle et parasitaire d'Irlande.

(Article original paru le 31 mai 2010)

Voir aussi:

Les mesures européennes d'aide à la Grèce inaugurent une offensive contre la classe ouvrière européenne 17 mai 2010

Irlande: les syndicats du secteur public acceptent une interdiction de faire grève pendant quatre ans

22 avril 2010

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