Le Président polonais, Lech Kaczynski est mort dans un accident d’avion,
le 10 avril, près de Smolensk, par un brouillard épais. Il se rendait à une
commémoration commune du 70ème anniversaire du massacre de Katyn –
l’assassinat, sur ordre de Staline, de 22000 officiers, intellectuels, et
représentants publics polonais dans et aux alentours de la forêt de Katyn, à
20 kilomètres à l’ouest de Smolensk.
L’avion de Kaczynski, un TU 154 de fabrication russe et vieux de 20 ans,
n’était absolument pas équipé pour naviguer dans le brouillard et 96
personnes (membres du gouvernement, élus de la Diète (la Chambre Basse) et
du Sénat se trouvaient à son bord. Il n’y a eu aucun survivant.
Outre Kaczynski et sa femme, on compte parmi les victimes le vice
président de la Diète (par ailleurs candidat de l’Alliance de la Gauche
Démocratique aux présidentielles),Jerzy Szmajdzinski, le vice président de
la diète, Krzystof Putra, la vice présidente du Sénat, Krystyna Bochenek, le
Président de la Banque Centrale de Pologne Slawomir Skryzypek, les
dirigeants des états majors polonais et des armées de terre, de l’air et de
la marine, le chef des Forces Opérationnelles polonaises, intervenant pour
l’intervention américaine en Afghanistan ), plusieurs ministres et plusieurs
sénateurs, et les responsables de plusieurs organisations pour la promotion
du souvenir du massacre de Katyn et de la Deuxième guerre mondiale en
Pologne.
La Banque Centrale Polonaise, qui est intervenue le 9 avril sur les
marchés de change pour acheter des euros et affaiblir le Zloty contre
l’euro, a déclaré que la mort de Skrzypek ne l’empêcherait pas de tenir ses
engagements, comme cela est spécifié par la loi.
Les autorités russes ont déclaré que le pilote de l’avion de Kaczynski
n’a pas tenu compte des instructions des contrôleurs aériens de Smolensk qui
voulaient les détourner vers d’autres villes proches comme Minsk ou comme
Vitebsk. Kaczynski avait la réputation d’être un passager agressif. Il avait
une fois donné l’ordre à son pilote d’atterrir dans Tbilisi, capitale de la
Géorgie, en 2008 en pleine guerre entre la Russie et la Géorgie.
Alexander Alyoshin, le commandant en second de l’armée de l’air russe a
déclaré : « Le contrôleur en chef a ordonné à l’équipage de poursuivre son
vol, et comme l’équipage ne suivait pas ses instructions, il leura
enjoint à plusieurs reprises d’atterrir dans un aéroport de substitution. En
dépit de cela l’équipage continuait à amorcer son atterrissage. »
Comme cela est prévu par la Constitution, le président du parlement
polonais, Bronislaw Komorowski, par ailleurs candidat à l’élection
présidentielle, a remplacé Kaczynski dans ses fonctions.
Le premier ministre russe, Vladimir Poutine s’est rendu sur les lieux de
l’accident en compagnie du premier ministre polonais, Donald Tusk. Poutine
va mener une enquête conjointe sur l’accident avec des officiels polonais.
Ces derniers vont également mener une enquête séparée. Poutine et le
président russe, Dimitri Medvedev ont chacun fait une déclaration.
Le cercueil de Kaczynski est arrivé à Varsovie et il a été exposé devant
le palais présidentiel. Dans une émission audio, le correspondant du journal
Le Monde à Varsovie a décrit l’atmosphère publique à Varsovie comme
étant « bizarre » et « triste. » Elle a dit que des dizaines de
milliers de personnes s’étaient calmement rassemblées devant le palais
présidentiel pour poser des bougies sur le sol. Elle a également dit que les
journaux polonais avaient, contrairement à leur habitude, publié des
éditions dominicales pour évoquer cette tragédie et que certains parlaient
même de «nouveau Katyn.»
La journaliste de l’agence Reuters en poste à Varsovie, Agata Nalecz a
écrit « Nombre de ceux qui sont venus, déploraient une nouvelle perte, celle
datant d’à peine quelques heures et celle remontant à 70 ans, quand 22 000
officiers polonais ont été assassinés par la police secrète de Staline, le
NKVD, dans la forêt de Katyn, au sud de la Russie.
Il va sans dire que ce double aspect du deuil a joué un rôle essentiel
dans le caractère général retenu de la réaction populaire. Sans aucune
surprise, la mort accidentelle de Kaczynski a ému beaucoup de gens,
particulièrement dans le rapport que cette mort a avec la commémoration d’un
crime horrible qui résulte de la virulente xénophobie
anti-socialiste de Staline. Néanmoins, Kaczynsky était loin d’être un
politicien très populaire, mais plutôt un nationaliste droitier qui avait
toutes les chances de perdre les élections face à Komorowski, le candidat de
la Plateforme Civique de Tusk au pouvoir.
Aleksander Zborowski a déclaré au Washington Post, devant le Palais
Présidentiel : « Il vous suffit de regarder autour de vous dans cette rue.
La moitié des personnes présentes n’auraient pas voté pour Kaczynski. »
En1977, Kaczynski avait adhéré au KOR (Comité de défense des ouvriers) ;
après cela il avait continué à militer dans l’aile droite du mouvement
syndical d’opposition. Aux côtés de Lech Walesa, il avait joué un rôle
essentiel dans la soumission du mouvement Solidarité à l’Eglise Catholique.
En 1989, il avait participé à la table ronde qui avait organisé la
restauration du capitalisme en Pologne et qui avait été accompagnée de
conséquences sociales désastreuses.
Après s’être fâché avec Walesa, il avait quitté la politique, mais il est
revenu comme Ministre de la Justice au sein de l’impopulaire gouvernement
AWS (Action électoral de Solidarité) dans les années 2000-2001, où il s’est
bâti une réputation de politicien d’ordre public. Il a fondé la PiS, (Parti
du Droit et de la Justice), parti droitier, en 2001 et il a été élu maire de
Varsovie en 2002. Quand il était maire, il est connu pour avoir interdit une
manifestation pour le droit des homosexuels. Alors que la manifestation se
déroulait et était attaquée par les néo-nazis, il a reproché aux policiers
d’avoir essayé de protéger les manifestants.
En 2005, il a été élu président sous l’étiquette du PiS et il a mené une
politique
pro-américaine offensive. C’était un politicien farouchement anti-russe
qui a envoyé des soldats polonais en soutien à l’occupation américaine en
Irak et en Afghanistan et il a également donné son accord à l’installation
de bases « anti missiles » pointées sur la Russie.
La mort de Kaczynski va bousculer le calendrier des élections
présidentielles polonaises, qui étaient prévues pour octobre 2010. En effet
la Constitution polonaise stipule qu’une nouvelle élection présidentielle se
déroule dans les deux mois qui suivent la mort du président en fonction. On
ne peut pour l’instant pas dire à quel point la sympathie provoquée par la
mort Kaczynski affectera l’atmosphère politique, mais la plupart des
commentateurs ont noté que Komorowski avait une avance confortable sur
Kaczynski avant l’accident d’avion.
Faisant remarquer que le rôle du président polonais est assez limité et
qu’il est largement consacré à la politique étrangère, le quotidien de
droite Le Figaro a fait part de son espoir que la mort de Kaczynski
ne va pas « ouvrir la voie à une crise politique. »
Néanmoins, une célébration commune du massacre de Katyn laisse penser que
c'est le signe d'une amélioration des relations entre la Russie et la
Pologne. La bureaucratie stalinienne a continué à nier toute responsabilité
dans le massacre de Katyn jusqu’en 1990, l’année précédant la chute de
l’Union Soviétique, tout en faisant porter la responsabilité sur les Nazis.
Ceci a causé un ressentiment durable entre les deux pays.
Certaines sources journalistiques ont laissé entendre que les réactions
de Poutine et de Medvedev à la suite de l’accident pourraient gagner les
faveurs des Polonais. L’ancien ministre des Affaires étrangères polonais,
Adam Rotfeld , a déclaré : « La réaction des dirigeants et des
citoyens russes montrent qu’il y a eu un changement réel. Il est possible de
résoudre certains différents en surfant sur la vague du sentiment de
sympathie envers les Polonais. Ceci peut se révéler être une avancée
capitale. »
Cependant, une telle avancée pourrait rencontrer de fermes obstacles,
notablement les risques constitués par les ex-staliniens présents dans les
gouvernements polonais et russes qui ne souhaitent pas attirer l’attention
du public sur certains crimes staliniens.
En outre, une amélioration des relations entre la Pologne et la Russie
pourrait poser des problèmes à Washington, qui s’est appuyé sur les pays
d’Europe de l’Est comme levier de nuisance au développement de liens entre
la Russie et l’Allemagne.
Le Wall Street Journal , dans un article intitulé « L’impact
dramatique sur la politique polonaise, a déploré un « terrible coup au Parti
Droit et Justice. » Cet article félicitait Kaczynski et son frère jumeau
survivant, Jaroslaw, d’avoir « fait sans complexe l’apologie de valeurs
conservatrices et pour réparer les injustices historiques avec les ennemis
du 20ème siècles, La Russie et l’Allemagne, d’une façon qui a
irrité nombre de personnes et qui a souvent semblé décalée par rapport à
notre époque. » Le Wall Street Journal faisait tristement remarquer
que cette perte ne « sera pas facilement réparée », même si celle peut
« simplifier la vie » de Tusk et d’autres puissances qui négocient avec la
Pologne.