Sous le titre « Ceux qui sont dignes d’être salués et ceux qui ne le sont
pas, » l’article qualifiait le SEP en général et deux de ses membres
influents en particulier – le secrétaire général Wije Dias et le membre du
comité politique Nanda Wickremasinghe – d’adversaires « non achetables » du
gouvernement qui devraient être « éliminés, c’est-à-dire tués. »
Dans le contexte de la politique sri lankaise, cette menace n’est pas
gratuite. Des centaines de personnes, y compris des parlementaires et des
journalistes en vue ont été assassinés ou ont « disparu » aux mains des
escadrons de la mort pro-gouvernementaux depuis que le président Mahinda
Rajapakse a pris le pouvoir en 2005.
En 2006 Rajapakse avait replongé l’île dans la guerre civile en menant
des opérations militaires brutales contre les séparatistes tamouls des
Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et qui ont coûté la vie à des
milliers de civils. Après avoir vaincu militairement le LTTE en mai dernier,
le gouvernement avait maintenu l’appareil d’Etat policier développé durant
25 années de guerre pour en faire usage contre de la classe ouvrière.
Tout comme la Grèce, le Sri Lanka est très fortement endetté, en grande
partie en raison des énormes dépenses militaires de Rajapakse. Sauvé de la
faillite au milieu de l’année dernière par des prêts d’urgence de 2,6
milliards de dollars accordés par le Fonds monétaire international (FMI), le
gouvernement est sous pression pour réduire le déficit budgétaire en le
faisant passer de 9,7 pour cent du PIB l’an dernier à 5 pour cent en 2011.
Plus de la moitié du budget de l’année dernière fut consacré au service de
la dette et aux dépenses militaires, et ces dépenses ne seront pas réduites
cette année. En conséquence, Rajapakse sera obligé d’opérer soit des coupes
proportionnellement plus sévères dans le domaine de l’emploi dans la
fonction publique et des services soit d’imposer d’importantes hausses
d’impôts ou les deux à la fois.
Cette prescription amère du FMI est déjà appliquée en Grèce où nous
assistons déjà à une vague de grèves et de protestations. Ce ne sera pas
différent dans le cas du Sri Lanka. C’est pourquoi le SEP est visé comme
« non achetable ». Ce que le gouvernement et la classe dirigeante craignent
avant tout c’est que la classe ouvrière émerge en tant que force politique
indépendante sous la bannière de l’internationalisme socialiste. Le SEP,
comme son prédécesseur, la Ligue Communiste révolutionnaire, est le seul
parti à avoir lutté de façon intransigeante pour cette perspective.
L’auteur de l’article dénonciateur paru dans le Daily News,
Malinda Seneviratne, est issu d’une famille qui avait sympathisé avec le
Lanka Sama Samaja Party (LSSP), jadis trotskyste. Il a grandi au milieu de
la confusion politique créée par la trahison de l’internationalisme
socialiste par le LSSP lorsque celui-ci rejoignit le gouvernement bourgeois
de Sirima Bandaranaike en 1964.
En tant qu’étudiant, Seneviratne fut impliqué dans le groupe Friends of
the People qui combinait le racisme anti-tamoul à des questions
environnementales. Le groupe, dirigé par Champika Ranawaka, évolua plus tard
vers le parti extrémiste cinghalais – le Jathika Hela Urumaya (JHU) – qui
fait actuellement partie de la coalition dirigeante. Ranawaka a été le
ministre de l’Environnement et il est à présent ministre de l’Energie et un
proche conseiller du président. Tout en ne faisant pas partie du JHU,
Seneviratne est profondément imprégné de sa politique chauvine et s’est
découvert une niche comme gratte-papier au Daily News qui n’est rien
d’autre qu’un organe de propagande gouvernementale.
Le parcours politique de Seneviratne confère une virulence toute
particulière à son article. Il est suffisamment familier avec l’histoire du
mouvement trotskyste pour savoir que le SEP, contrairement aux ex-partis de
gauche du Nava Sama Samaja Party (NSSP) et de l’United Socialist Party
(USP), est la seule organisation à lutter pour un socialisme
révolutionnaire. Sa réponse est directement tirée des annales du JHU qui est
tristement connu pour ses méthodes de voyou – ceux qu’on ne peut soudoyer ou
tyranniser pour les intégrer dans les rangs, doivent être éliminés.
La menace proférée contre le SEP est l’avertissement le plus sérieux
adressé à la classe ouvrière en général quant aux méthodes qui seront
utilisées par le régime Rajapakse pour supprimer toute résistance de la
population laborieuse à son programme économique. Ce n’est pas par hasard si
le parlement a une fois de plus voté mercredi la reconduction de l’Etat
d’urgence en dépit du fait que la guerre s’est terminée il y a un an.
Rajapakse utilisera les mêmes mesures draconiennes pour mener sa nouvelle
« guerre économique » pour la « construction de la nation » qu’il a
employées contre le LTTE et la minorité tamoule de l’île.
Le SEP presse instamment la population laborieuse à tirer les
enseignements politiques qui s’avèrent indispensables. Un mouvement
politique indépendant de la classe ouvrière doit être construit pour diriger
les masses rurales dans une contre-offensive contre les projets du
gouvernement. Ceci ne peut se faire que sur la base d’un programme
socialiste et de la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan comme
partie intégrale de la lutte pour le socialisme internationalement. Nous
appelons les travailleurs et les jeunes à rejoindre et à construire le SEP
comme la direction indispensable à cette lutte.
Le SEP a envoyé la lettre qui suit au Daily News.
Au chef de la rédaction du Daily News,
Monsieur,
En tant que secrétaire général du Parti de l’Egalité socialiste (SEP), la
section sri lankaise du Comité International de la Quatrième Internationale,
j’aimerais consigner par écrit la protestation indignée de mon parti
concernant un article provoquant publié dans l’édition du 23 avril du
Daily News sous le titre, « Ceux qui sont dignes d’être salués et ceux
qui ne le sont pas. »
Dans ce qui ne peut être interprété que comme une tentative d’incitation
à un acte terroriste contre le Parti de l’égalité socialiste et sa
direction, l’auteur de cet article, Malinda Seneviratne, a écrit :
« Quelqu’un avait dit une fois que 99 pour cent de l’opposition peut être
achetée et que le un pour cent restant doit être éliminé, c’est-à-dire
tué. » Seneviratne identifie ensuite le SEP et deux de ses membres
dirigeants – Wije Dias (moi-même) et Nanda Wickremasinghe (Podi Wicks) –
comme ceux faisant partie du un pour cent.
Dans un langage débordant de malveillance et de cynisme, Seneviratne
écrit : « J’ai choisi de saluer Podi Wicks et Wije Dias.
Personne ne se laissera tromper par l’éloge énoncé par Seneviratne qui
s’est aguerri politiquement avec les prédécesseurs du parti d’extrême droite
Jathika Hela Urumaya (JHU). Cette organisation fait à présent partie de la
coalition du gouvernement Rajapakse. Il sera évident à chacun que
l’intention de Seneviratne est d’attirer l’attention du JHU ou d’autres
forces réactionnaires sur les activités du SEP.
La publication de l’article de Senviratne implique le Daily News,
un journal qui est la propriété du gouvernement, dans les intentions
provocatrices de Seneviratne.
En vue d’inciter davantage de forces meurtrières des milieux de
l’appareil d’Etat ainsi que des gangs communautaristes à agir contre le SEP,
Seneviratne décrit notre organisation comme étant « Eelamiste »
(séparatiste). Le SEP rejette sans équivoque la guerre réactionnaire que les
régimes successifs de Colombo ont menée contre la population tamoule. Mais
il est bien connu, au Sri Lanka et internationalement, que le SEP rejette le
programme séparatiste bourgeois des LTTE. Notre parti a lutté pour l’unité
de la population cinghalaise et tamoule sous la bannière des Etats
socialistes unis de Sri Lanka et d’Eelam.
Cela reste la perspective du SEP. Notre lutte pour le socialisme et les
droits démocratiques pour tous les travailleurs ne sera pas découragée par
des menaces d’aucune sorte – même celles proférées dans les pages du
Daily News.
Wije Dias
Secrétaire général du Parti de l’Egalité socialiste