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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Courrier sur la carrière politique de Michael Foot, homme "de gauche" du Parti travailliste britannique

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Je voudrais ajouter quelques remarques à ce qui a été dit dans l'article sur la mort du dirigeant réformiste du Parti travailliste britannique Michael Foot. (Lire : Former British Labour Party leader Michael Foot dies, WSWS 4 mars 2010).

Les médias britanniques ont accordé à sa mort pratiquement autant d'attention que ce qu'ils réservent normalement aux membres de la Couronne, aux chefs d'Etats et autres « Trésors nationaux ». Je crains que cette lettre ne soit assez longue, mais Foot a joué un rôle significatif dans le mouvement travailliste britannique durant plus de 70 ans jusqu'à sa mort la semaine dernière.

Les racines de la famille de Foot sont dans la politique bourgeoise britannique, et sa famille se targue de liens solides avec l'establishment. Comme leur père, juriste et parlementaire libéral, un de ses frères est devenu pair du royaume et l'autre a été fait chevalier, même si Foot lui-même a refusé les honneurs officiels. À l'université dans les années 1930, il était devenu Président de Oxford Union (club de débats contradictoiresde renommée) et avait rejoint le Parti travailliste après la chute du Gouvernement National de coalition.

Une crise économique du capitalisme de plus en plus grave et des rivalités impérialistes de plus en plus intenses mettaient en lumière toute l'ampleur du déclin historique de l'impérialisme britannique. Il était contesté dans ses marchés comoniaux traditionnels par l'impérialisme américain et en Europe elle-même par l'Allemagne, où la classe dirigeante s'était mise au fascisme dans une tentative désespérée de revitaliser son économie en écrasant brutalement sa propre classe ouvrière et celles des pays d'Europe de l'Est.

Après avoir joué un rôle réactionnaire dans le Gouvernement National, le Parti travailliste réformiste avait besoin de la couverture des groupes de gauche centristes et staliniens. Foot est devenu journaliste au Tribune, qui avait été créé spécialement comme un organe de propagande de la Campagne pour l'unité, le Front uni anti-fasciste entre le Parti travailliste et les partis à sa gauche – la ligue socialiste, le Parti travailliste indépendant, et le Parti communiste (PC).

Mais le PC mina cette manœuvre en changeant sa politique et en appelant à une alliance plus large avec les principaux partis bourgeois. Cela dans l'intérêt du Kremlin, qui cherchait à défendre ses intérêts bureaucratiques nationaux en s'orientant vers les partis occidentaux de « l'impérialisme démocratique ». En 1939, ces mêmes motifs réactionnaires d'auto-préservation de la bureaucratie poussèrent un Kremlin terrifié encore plus à droite jusqu'à la signature du Pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline.

En 1940, après le début de la guerre, Foot démissionna du Tribune et, sur les recommandations d'Aneurin Bevan [Aneurin "Nye" Bevan (1897-1960), un pilier du Parti travailliste, ndt], rejoignit l'équipe du Evening Standard. C'était l'un des nombreux journaux appartenant au magnat de la presse Lord Beaverbrook, Max Aitkin de son vrai nom. Né au Canada, Beaverbrook, un démagogue loyal à l'Empire, était arrivé en 1910 et avait utilisé ses journaux pour faire de la propagande pour la « préférence impérialiste » - une tentative de protéger les intérêts commerciaux de l'impérialisme britannique dans le Commonwealth.

C'est à partir de ce point de vue nationaliste de droite que Beaverbrook et une section de la bourgeoisie britannique s'opposèrent à la politique d'apaisement de Neville Chamberlain envers Hitler. Ce parrain conservateur allait avoir une influence importante sur le jeune Foot.

Foot avait abandonné sa précédente position favorable à un désarmement unilatéral. Cette attitude légère sur la question du désarmement aura été une constante tout au long de sa carrière politique. Bien qu'il ait été constamment dépeint comme pacifiste dans la presse bourgeoise, il a toujours été prêt à changer de position s'il sentait que les intérêts nationaux de l'impérialisme britannique étaient menacés.

Le livre Guilty Men [hommes coupables] qui s'en prenait à la politique d'apaisement, co-écrit par Foot et deux autres journalistes de Beaverbrook, constitue un classique de la propagande façon Beaverbrook. Après la chute de Chamberlain et l'établissement de la coalition de guerre de Churchill, Beaverbrook, propriétaire du Evening Standard, reçut plusieurs postes ministériels de haut niveau. Il nomma Foot rédacteur en chef du Evening Standard en 1942, et ses derniers biographes ont affirmé que le baron [Beaverbrook] de la presse installé à Fleet Street « était le mentor de Foot, » qu'il le considérait comme « un deuxième fils. »

La fin de la guerre en 1945 signala la fin de la coalition. Churchill fut chassé du pouvoir par la classe ouvrière dans un raz-de-marée électoral en faveur d'un gouvernement travailliste. Foot quitta le Evening Standard, rejoignit le Daily Herald, un journal possédé pour moitié par la grande centrale de tous les syndicats britanniques, le Trades Union Congress (TUC) et pour l'autre par le groupe de presse Odham, qui faisait de la propagande pour la politique réformiste du Parti travailliste.

Les travailleurs se dirigeaient vers la gauche et demandaient un programme radical de réformes sociales, et la classe dirigeante savait qu'elle devait faire face à une classe ouvrière renforcée par son rôle dans la défaite du fascisme et entraînée à l'usage des armes. Pour contenir ce mouvement, le gouvernement travailliste développa une stratégie corporatiste qui s'appuyait lourdement sur ses partisans de gauche, les bureaucrates des syndicats et les staliniens.

S'il fit quelques réformes sociales, en particulier le National Health Service (service national de santé), le gouvernement travailliste d'Attlee appliqua aussi les mesures d'austérité de l'après-guerre exigées par les financiers bourgeois américains qui le soutenaient. Un rôle essentiel fut joué par les bureaucrates syndicaux qui furent invités dans les conseils de direction des industries stratégiques nouvellement nationalisées pour servir de pompiers sociaux et calmer la moindre agitation ouvrière. Principalement en raison des désillusions parmi certaines couches des classes moyennes envers la politique d'austérité du parti travailliste, un gouvernement conservateur emmené par Churchill fut élu en 1951.

Le Daily Herald eut un rôle crucial comme porte-parole de la bureaucratie travailliste en encourageant les travailleurs à croire que sa stratégie capitaliste-corporatiste représentait une forme de socialisme. En 1947, Foot avait sorti le pamphlet Keep Left [restez à gauche], co-écrit avec deux autres travaillistes, Richard Crossman et Ian Mikardo. Il prétendait décrire une « troisième voie » indépendante pour l'Europe entre l'impérialisme américain et l'Union soviétique.

En réalité, c'était loin d'être indépendant. C'était plutôt le reflet de la position d'une section des cercles dirigeants britanniques qui craignait le réarmement de l'Allemagne d'après-guerre et qui trouvait trop élevé le prix exigé par les États-Unis pour le redressement d'une Grande-Bretagne ruinée . Ce groupe cherchait à défendre les intérêts nationaux de l'impérialisme britannique et à exercer une influence plus grande en oscillant entre les deux grands blocs dominants.

Le début de la Guerre froide sapa cette stratégie. En 1948, Foot retourna au Tribune en tant que rédacteur en chef jusqu'en 1952, puis à nouveau de 1955 à 1960, à des époques où il poursuivait son virage à droite.

Un regain de la résistance des masses coloniales entraîna l'impérialisme britannique dans la débâcle de Suez en 1956. Cela renforça la mainmise de l'impérialisme américain sur ce qui était considéré jusque-là comme une zone dominée par les Britanniques et les Français. Une fois de plus, le déclin historique de l'impérialisme britannique était mis à nu. En Grande-Bretagne elle-même, un authentique mouvement d'opposition à la menace de guerre nucléaire et aux orientations des principaux partis politiques se développait parmi certaines couches de travailleurs, des classes moyennes et de la jeunesse.

Lorsque le travailliste Nye Bevan réagit à ces événements en abandonnant sa propre position unilatéraliste en 1957, Foot se distança de ce grand ami et compagnon réformiste. Un an plus tard, il créa la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND) avec le chanoine John Collins [(1905-1982) prêtre très impliqué dans l'action sociale de l'église, ndt] de la Cathédrale St-Paul [l'évéchée de Londres, ndt]. La CND canalisa ce qui était potentiellement un mouvement des masses populaires dangereux pour la politique pro-OTAN de l'impérialisme britannique vers la voie plus calme des protestations petites-bourgeoises et des marches annuelles de pâques de la CND partant de Aldermaston [petit village du sud-est de l'Angleterre qui abrite le centre du développement de l'arme nucléaire, ndt].

En dépit de la politique de protestations de ses dirigeants, le mouvement de la CND avait à l'origine des soutiens puissants parmi des sections de la jeunesse ouvrière, reflet d'un important développement politique qui commençait à se produire dans cette couche sociale. Les plus conscients de leur situation de classe parmi eux étaient gagnés au Trotskysme par les interventions de la Socialist Labour League (SLL).

La SLL avait été renforcée par la lutte menée par James P. Cannon du Socialist Workers Party (SWP) américain dans la Quatrième Internationale pour défendre les principes historiques du mouvement fondé par Léon Trotsky contre le révisionnisme Pabliste. Cela permit à la SLL, qui pratiqua une tactique entriste dans le Parti travailliste, à prendre la direction du comité de rédaction de la publication des jeunesses du Parti travailliste, Keep Left, en 1960.

La direction du Parti travailliste exclut les sympathisants de la SLL et ferma Keep Left pour le rouvrir un an plus tard avec Peter Taffe en tant que rédacteur en chef. Taffe, qui allait devenir plus tard dirigeant de la Militant Tendency suivait une ligne centriste. Il affirmait que le Parti travailliste réformiste pouvait être contraint à appliquer une politique révolutionnaire sous la pression du mouvement spontané vers la gauche de la classe ouvrière. En présentant cette position, Taffe joua un rôle dans le replantage des illusions dans le réformisme travailliste en encourageant ceux qui avaient un discours gauchisant comme Foot à le soutenir.

Le style vestimentaire assez vieux jeu de Foot et ses cheveux mal peignés lui donnaient l'air d'un professeur d'histoire excentrique – un personnage dont il se servit consciemment pour dissimuler un authentique talent pour les manœuvres politiques en coulisses. Ses postes de rédacteur en chef dans de nombreux journaux lui avaient donné un large cercle de contacts, dont il se servait pour forger de nombreuses alliances tactiques temporaires – avec des dirigeants travaillistes et des bureaucrates syndicaux, des hommes d'église et même des personnalités d'extrême-droite comme Énoch Powell [(1912-1998)[politicien et écrivain populiste, à la fois libéral et fortement opposé à l'immigration, ndt]. Le style des conférences de Foot frisait la démagogie, et bien qu'il se soit senti à l'aise et plein de bonhomie parmi les dirigeants syndicaux, il avait l'air maladroit et mal à l'aise en présence des travailleurs.

Les trois gouvernements Wilson [de 1964 à 1970, puis de 1974 à 1976, ndt] furent la cible d'une pression militante de plus en plus forte de la part de la classe ouvrière, et cela continua à grandir tout au long des années 1960 et 1970, comme le fit l'influence politique de la SLL et de son journal, le Workers Press. Foot fut hâppé par un rôle plus central au gouvernement. Ses états de service à gauche étaient requis pour aider le Parti travailliste et les bureaucrates syndicaux à imposer des restrictions de salaire, son expérience allait servir à empêcher la politique de se déplacer plus à gauche et à cacher l'énorme intensification des attaques de l'Etat contre le mouvement des travailleurs et des droits démocratiques.

Cela comprenait la création et l'utilisation du Special Patrol Group (SPG) [une unité mobile de la police londonienne qui serait impliquée dans divers cas de violence policière, notamment au cours des émeutes de Brixton en 1981, ndt], la machination pour imputer les attentats de Birmingham à des travailleurs innocents, et le raid sur le centre d'éducation du Workers revolutionnary party (WRP) à Derbyshire, qui reste le plus important raid de police de l'après-guerre contre une organisation politique en Grande-Bretagne.

Le WRP avait été fondé en 1973 par la SLL. Le résultat de la retraite politique du WRP/SLL fut que la Militant Tendency fut le principal bénéficiaire du refus de Foot et Benn de lutter contre la droite durant Winter of Discontent (l'hiver du mécontentement, 1978-79.) La Militant Tendency se développa rapidement comme les travailleurs et les jeunes passant vers la politique révolutionnaire par le centrisme étaient piégés par ce groupe et recanalisés à nouveau derrière l'« aile gauche » des travaillistes. Ce fut un élément majeur dans la préparation de l'arrivée de Thatcher au pouvoir.

En 1995, Oleg Gordievsky, officier de haut rang du KGB qui était passé de l'Union soviétique à l'Angleterre en 1985, prétendit dans ses mémoires que Foot était payé par le KGB depuis des années. Gordievsky écrivit que Foot [qui signifie "pied"] était un « agent d'influence » avec le nom de code « Boot [botte] » le Sunday Times versa une somme non-révélée mais conséquente de dommages et intérêts à Foot pour avoir fait état des affirmations de Gordievsky.

Cet auteur n'a aucun moyen de savoir si ces affirmations sont vraies ou pas, mais même si ces questions ne sont pas sans intérêt en elles-mêmes, la leçon vitale à comprendre pour les travailleurs est que le réformisme de Foot l'a lié politiquement à la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie stalinienne. C'est en raison de sa position de classe et de ses perspectives politiques nationales réformistes que Foot avait une hostilité bien ancrée envers la politique révolutionnaire et le Trotskysme.

La mort de Michael Foot coïncide avec une nouvelle étape explosive des relations sociales en Grande-Bretagne. Les événements mondiaux alimentent la lutte des classes, entraînant des troubles et des changements politiques sans précédents.

Il n'y a plus de base matérielle pour la politique réformiste défendue par le passé par les dirigeants "de gauche" comme Foot qui ont emmené les travailleurs britanniques vers le cul-de-sac politique actuel. En dépit de cela, il y a toujours ceux qui à l'instar de la Militant Tendency et de la Socialist Labour Party d'Arthur Scargill [dirigeant du syndicat des mineurs pendant la grève des mineurs de 1984-85 et compagnon de route des staliniens] essayent encore désespérément d'insuffler de nouvelles illusions dans une perspective nationale réformiste en faillite.

Pour empêcher une catastrophe causée par le capitalisme, les travailleurs sont confrontés à la nécessité de tirer toutes les leçons politiques de leur propre histoire, d'adopter la perspective révolutionnaire prolétarienne internationale mise en avant par le CIQI, et de construire sa section britannique, le Parti de l'égalité socialiste.

Fraternellement,

David Hyland

(Article original paru le 15 mars 2010)

 


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