Deux jours après que le parti du Président français Nicolas Sarkozy, l'UMP,
ait subi une défaite majeure aux élections régionales, plus d'un million
d'employés des services publics et de fonctionnaires ont fait grève hier
contre les mesures d'austérité du gouvernement. De nombreux travailleurs du
secteur privé ont également participé à ce mouvement.
Manifestants sur la Place de la Bastille à Paris
Entre 600 000 et 800 000 travailleurs et jeunes ont participé à 177
manifestations dans tout le pays. À Paris, les banderoles appelaient à une
action unie « Ensemble nous agissons pour l'emploi, les salaires, les
conditions de travail et les retraites ».
Selon la compagnie de chemins de fer nationale SNCF, 28,3 pour cent des
équipes étaient en grève. En dépit de règlements imposant un service minimum
depuis 2007, quelque 50 pour cent de trains normaux et 35 pour cent de
Trains à grande vitesse (TGV) n'ont pas circulé.
Les transports urbains parisiens n'ont été que peu affectés, sauf pour
une des lignes de transports régionaux majeures, la RER B, qui ne
fonctionnait qu'à 50 pour cent. En dehors de la capitale, les villes les
plus affectées par les grèves des transports publics comprenaient Cannes,
Clermont-Ferrand, Morlaix, Nice, Pau et Lille.
Les syndicats d'enseignants ont estimé que plus de la moitié des
enseignants du primaire, et près de 40 pour cent des enseignants du
secondaire ont fait grève. De nombreux lycéens et étudiants se sont
également rendus dans les manifestations contre les coupes budgétaires dans
l'éducation.
Le ministère de la fonction publique a rapporté que 17,4 pour cent de ses
employés étaient en grève. Les employés du fisc et de la justice étaient en
grève contre « la détérioration des conditions de travail liées au manque
d'effectifs » et contre l'augmentation de leur charge de travail.
Les employés des Postes s'opposaient à « des restructurations en
profondeur dans tous les départements », « des réductions d'effectifs » et «
l'augmentation du stress ». Les travailleurs de France Telecom, qui ont eu à
subir de nombreux suicides liés au stress sur le lieu de travail, ont
également fait grève. Des paysans et des travailleurs du secteur de
l'énergie étaient également en grève. Une action de grève a interrompu le
ballet Siddhârta de Preljocaj à l'Opéra Bastille.
Les manifestations réunissaient des contingents venant de secteurs très
variés : enseignants et personnels d'entretien, étudiants et parents
d'élèves, employés des hôpitaux, des municipalités, de la distribution,
pompiers, employés de la justice, sans papiers, et de nombreux travailleurs
du secteur privé, venant aussi bien de l'industrie que des services,
confrontés à des fermetures et des licenciements.
Étudiants dans la manifestation parisienne
Ils brandissaient des banderoles et des pancartes disant : « Ce n'est pas
aux travailleurs de payer pour la crise des spéculateurs », « l'école n'est
pas une entreprise, l'enfant n'est pas une marchandise », « la santé n'est
pas une marchandise » « AG des établissements en lutte », « 60.000 postes
supprimés+formation massacrée+l’école publique est en danger de mort », « En
finir avec les inégalités », « leur crise et leurs milliards, c’est notre
sueur, nos larmes et notre sang. »
À Paris, entre 30.000 et 60.000 personnes ont défilé. À Bordeaux, la
manifestation de 20 000 personnes s'étendait sur 3 kilomètres d'après les
statistiques des syndicats. À Toulouse il y avait entre 9.000 et 18.000
personnes dans les rues. Dans la manifestation de Marseille – 50.000
personnes selon les syndicats -- se trouvaient des travailleurs de Lipton
Tea qui en étaient à leur troisième semaine de grève. Toujours selon les
estimations des syndicats les manifestants étaient 25.000 à Nantes, 15.000 à
Rouen, 17.000 à Caen, et 30.000 au Mans.
Tout comme les élections régionales de dimanche, ces grèves ont surtout
montré le gouffre qui sépare les demandes sociales des travailleurs des
engagements de l'establishment politique en faveur des mesures
d'austérité. Le gouvernement a clairement dit qu'il n'avait aucune intention
d'abandonner ses plans, destinés à réduire les dépenses publiques de 100
milliards d’euros d’ici à 2013.
Le Premier ministre François Fillon a déclaré à la presse hier que « la
réduction de déficit... C'est une priorité absolue. Ça signifie que nous
allons poursuivre la tenue des dépenses de l'État, la Révision générale des
politiques publiques et que nous continuerons à ne pas remplacer un
fonctionnaire sur deux partant à la retraite »
Hier, les journaux ont annoncé que le gouvernement prévoyait une
augmentation supplémentaire de la période de cotisation obligatoire pour les
retraites, qui passerait de 41 à 43,5 ans. Le ministre du travail
nouvellement nommé Éric Woerth a annoncé qu'il continuerait avec des projets
de coupes, affirmant cyniquement, qu’ils seraient « marqué[s] du sceau de
l'équité ».
Cette journée d'action qui selon les bureaucrates syndicaux fut une «
agréable surprise » fait partie d'une vague de grèves limitées et de
manifestations auxquelles les syndicats ont appelé puis annulé dans le but
de contenir la colère montante au sein de la classe ouvrière qui ne veut pas
qu’on lui fasse payer la crise financière. Pendant ce temps, les syndicats
sont en discussion permanente avec le patronat et les gouvernements sur la
manière d’imposer des mesures d'austérité sans provoquer une explosion
sociale.
Cette journée d'action était prévue à la suite du « sommet social » des
syndicats avec Sarkozy à L'Élysée le 16 février. A cette occasion Cela les
syndicats et le gouvernement ont discuté des propositions de coupes
budgétaires et de réduction des déficits qui sont largement dû au renflouage
des banques.
Hier, le dirigeant de la CGT Bernard Thibault a appelé à un autre «
sommet social avec le président. » Il a effectivement appelé à la fin des
grèves, disant que des actions supplémentaires, « ça va aussi dépendre de la
manière dont le gouvernement conçoit les rendez-vous, les ordres du jour,
les réformes à venir ».