Aux Etats-Unis, le revenu des plus riches a augmenté de
façon phénoménale entre 1992 et 2007 alors qu’au même moment leur taux
d’imposition chutait selon les statistiques les plus récentes publiées
par l’IRS, le service des impôts sur le revenu.
Les chiffres ont été publiés sur le site web de
l’IRS en décembre 2009, sans faire grand bruit pour n’avoir fait
l’objet d’aucune annonce préalable. L’existence de ce
document n'a été connue que lorsque Tax Analysts, une publication spécialisée
dans le domaine fiscal, l’a découvert et a écrit à ce sujet sur son site
web, tax.com, jeudi dernier.
Ce rapport montre que le revenu moyen des 400 familles
ayant les plus hauts revenus, exprimé en dollars de 1990, est passé de 17 à 87
millions de dollars, soit une augmentation quintuple en termes réels. Pendant
ce temps, le pourcentage du revenu national total qui est allé à ces 400
familles a triplé, en passant de 0,52 pour cent en 1992 à 1,59 pour cent en
2007.
Les données indiquent que ces familles ont vu leurs
revenus augmenter de 31 pour cent entre 2006 et 2007 uniquement, tandis que le
revenu moyen de chaque famille atteignait 345 millions de dollars.
Les sommes perçues par ce groupe ont plus que doublé
par rapport à 2001, où ses membres avaient reçu en moyenne 131,1 millions de
dollars. En 1993, les 400 déclarations fiscales de revenus les plus élevées
atteignaient en moyenne 46 millions de dollars. Ce qui signifie
que, en dollars courants, les gains moyens de ce groupe ont été multipliés par
huit entre 1993 et 2007.
Aussi, le taux d’imposition effectif sur ce
groupe, c’est-à-dire le montant réellement versé aux impôts, est tombé à
16,6 pour cent, chiffre le plus bas enregistré par l’IRS depuis 1992.
Les démocrates au Congrès américain ont tenté
uniquement de faire porter la responsabilité des réductions d’impôts pour
les riches aux baisses d’impôts promulguées par le gouvernement Bush.
Mais les chiffres de l’IRS montrent que le taux d’imposition
effectif sur les 400 plus hauts revenus a de fait baissé plus rapidement durant
la dernière partie du mandat de Clinton qu’à tout autre moment par la
suite.
Le taux d’imposition effectif a atteint un point
culminant de près de 29 pour cent en 1995. A la fin du gouvernement Clinton, ce
taux était tombé à 22 pour cent. La tendance s’est poursuivie sous le
gouvernement Bush, avec un taux d’imposition effectif tombant encore de 6
points de pourcentage entre 2001 et 2007.
Le gouvernement Bush a baissé l’impôt sur les
plus-values de 5 points de pourcentage, le faisant passer à 15 pour cent, en
2003. Mais cette politique de Bush n’a été que la continuation des lois
adoptées sous le gouvernement Clinton, lorsque les impôts sur les plus-values
ont été abaissés de 28 à 20 pour cent pour les tranches supérieures de revenu.
Les hauts revenus ont perçu un revenu total de 138
milliards de dollars en 2007. Ce chiffre est plus important que le PIB annuel
de la plupart des pays du monde, et est presque aussi élevé que le PIB du
Chili. Sur ce montant, ce groupe n’a acquitté que 23
milliards de dollars d’impôts.
Si les 400 plus hauts revenus avaient été imposés en
2007 au taux de 1995, ils auraient dû payer un montant supplémentaire de 18,4
milliards de dollars, assez pour pouvoir couvrir le déficit budgétaire de 2010
l’Etat de Californie.
Environ les trois quarts du revenu pour les
contribuables de cette tranche d’impôt proviennent de gains en capital
qui ont été imposés à 15 pour cent, alors que le revenu classique est imposé à
un taux de 35 pour cent pour la tranche la plus élevée.
Les 400 premières familles ont payé des impôts moins
élevés par rapport aux autres hauts revenus. En 2005, le bureau du Budget du
Congrès (CBO) avait constaté que le 1 pour cent des revenus les plus élevés
dans son ensemble avait été imposé à un taux de 19,7 pour cent.
Les 20 pour cent des foyers à revenu médian sont
imposés à 12,5 pour cent, y compris les prélèvements de sécurité sociale, qui
sont négligeables pour les plus riches.
Le rapport de l’IRS sur ces 400 ménages les plus
riches avait d’abord été publié régulièrement sous le gouvernement
Clinton, mais le gouvernement Bush en avait cessé la publication comme il
ressort de l’article sur tax.com de Cay Johnston, professeur de droit
fiscal à l’université de Syracuse. Le gouvernement Obama a repris la
publication de ces chiffres, et les chiffres de 2006 ont été publiés il y a
environ un an.
Johnston note également qu’« au moins trois
gestionnaires de fonds spéculatifs avaient reçu 3 milliards de dollars en
2007 ». Il a ajouté que « seuls 33 des 400 plus
hauts revenus ont eu un taux d’imposition effectif de 30 à 35 pour cent,
qui est le taux maximum de l’impôt fédéral. »
Les données confirment en outre les conclusions
largement médiatisées des économistes Thomas Piketty et Emmanuel Saez, qui ont
trouvé que les deux tiers des augmentations de revenu entre 2002 et 2007
étaient allés aux 1 pour cent les plus riches de la société et que les revenus
perçus par cette tranche avaient augmenté 10 fois plus rapidement que ceux des
90 pour cent situés au bas de l’échelle. Piketty et Saez ont constaté que
le 1 pour cent du haut de l’échelle avait perçu en 2007 une part de
revenu plus élevée qu’à n’importe quel autre moment depuis 1928.
La publication de ces derniers chiffres survient à un
moment où la Maison-Blanche et le Congrès en appellent
sans cesse à effectuer des coupes dans les programmes sociaux afin
d’équilibrer le budget. Le gouvernement fédéral, nous dit-on, a été ruiné
par le « gaspillage » des programmes sociaux et l’ampleur des
ressources sociales allouée à la population en général.
Mais les chiffres les plus récents montrent que
c’est le contraire qui est vrai. Ce sont les riches qui ont ruiné
l’Etat et ce avec l’assistance intégrale des deux partis
pro-patronaux.
(Article original anglais paru le 20 février 2010)