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  WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Un échange de tirs d’artillerie accroît les tensions régnant dans la péninsule coréenne

Par Bill Van Auken
30 novembre 2010

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Un échange de tirs d’artillerie entre la Corée du Nord et la Corée du Sud a généré mardi des dénonciations furieuses de Washington et des avertissements de Beijing et de Moscou disant que des tensions militaires montantes pourraient conduire à une catastrophe.

Les deux Corées se renvoient l’une l’autre la responsabilité de la confrontation qui a éclaté près de la ligne frontalière du Nord, la frontière contestée située en Mer Jaune. Cette frontière, qui avait été unilatéralement décrétée par l’armée américaine à la fin de la guerre de Corée en 1953 et qui n’avait jamais été acceptée par la Corée du Nord, a été le théâtre d’affrontements répétés.

Des dizaines d’obus de l’artillerie nord-coréenne ont touché l’île de Yeonpyeong qui est située tout juste à trois kilomètres de la frontière contestée et à douze kilomètres de la côte nord-coréenne (et 75 kilomètres de la Corée du Sud). Les tirs ont pour la plupart touché une base militaire sur l’île, tuant deux marines sud coréens en en blessant 17 autres ainsi que trois civils. Des centaines d’habitations ont été incendiées et des colonnes de fumée étaient visibles qui s’élevaient au-dessus de l’île.

Après le bombardement, la Corée du Sud a évacué quelque 5.000 civils de Yeonpyeong et des îles avoisinantes.

Ensuite, la Corée du Sud a tiré 80 obus sur la Corée du Nord en donnant l’ordre à ses avions de combat de survoler l’île. Il n’y a pas eu de rapports immédiats concernant des victimes suite à l’attaque sud-coréenne mais le commandement militaire sud-coréen a dit avoir infligé « des dégâts considérables » aux bases côtières des villes de Gaemeori et de Mudo dans le Nord.

Alors que le gouvernement de Séoul accuse l’armée nord-coréenne d’avoir tiré en premier dans une attaque non provoquée, le gouvernement à Pyongyang accuse le Sud d’avoir initié la confrontation en tirant dans ses eaux territoriales.

« L’ennemi sud-coréen, malgré nos avertissements répétés, a commis des provocations militaires irresponsables en procédant à des tirs d’artillerie dans notre territoire maritime, » a déclaré le commandement de l’armée nord-coréenne dans un communiqué diffusé par l’agence KCNA contrôlée par l’Etat.

Tout conflit dans la péninsule coréenne implique directement d’autres grandes puissances, avant tout les Etats-Unis et la Chine. Le président américain Barack Obama a réagi mardi en apportant le soutien de son gouvernement à la défense de la Corée du Sud. « La Corée du Sud est notre alliée. Il en est ainsi depuis la guerre de Corée, » a-t-il dit. « Et nous affirmons avec force notre engagement à défendre la Corée du Sud dans le cadre de cette alliance. »

Cette récente confrontation a éclaté dans le contexte d'un exercice militaire annuel « Hoguk » auquel participent quelque 70.000 soldats sud-coréens. L’exercice, qui dure neuf jours et prend fin le 30 novembre, prévoyait des essais simulés de débarquement de troupes sud-coréennes et que Pyongyang dénonce comme étant la répétition pour une invasion du Nord. Les Etats-Unis, qui participent habituellement à cet exercice avec les Sud-Coréens ont cependant annulé leur participation au début du mois.

La Corée du Nord a accusé l’armée du Sud d’avoir tiré des obus dans ses eaux côtières territoriales au cours de cet exercice. Le Sud, toutefois, insiste pour dire qu’il avait tiré en direction de l’Ouest, à l’opposé de la terre ferme et de la frontière contestée. L’armée sud-coréenne reconnaît avoir reçu un message téléphonique du Nord le matin même du duel d’artillerie l’avertissant que « Le Nord ne resterait pas là à regarder sans rien faire si le Sud tirait dans les eaux territoriales de la Corée du Nord. »

Le Pentagone a annoncé mardi que le porte-avions USS Washington avait quitté sa base au Japon en Mer Jaune ce qui peut être considéré comme une démonstration de force contre la Corée du Nord.

Le dernier exercice en date était l’un des exercice d’une série d’actions conjointes entre les armées américaines et sud-coréennes dans la région après le torpillage du navire de guerre sud-coréen en mars dernier au cours duquel 46 marins trouvèrent la mort. Le torpillage avait également eu lieu près de la ligne de démarcation au Nord. Alors qu’une enquête sud-coréenne avait conclu qu’une torpille nord-coréenne en était la cause, Pyongyang nie toute responsabilité.

Des exercices précédents qui avaient été menés en juillet et en septembre ont provoqué des protestations de la part de Beijing dont le territoire borde également la Mer Jaune et dont les armées ont combattu dans la guerre de Corée il y a près de soixante ans. C’est une trève et non un traité de paix qui avait mis officiellement fin à la guerre, ce qui signifie qu’un état de guerre existe toujours sur la péninsule coréenne.

Après l’affrontement, le président sud-coréen Lee Myung-bak a convoqué une réunion d’urgence de son cabinet et a rencontré ses commandants militaires. Tout en mettant en garde contre toute intensification des tensions, Lee a menacé de se venger par le lancement de missiles contre la Corée du Nord en cas de « nouvelles provocations. » Il a dit que le bombardement de Yeonpyeong par la Corée du Nord « pourrait être considéré comme une invasion du territoire de la Corée du Sud. »

Depuis son arrivée au pouvoir en 2008, Lee, membre du Grand Parti national (GNP) droitier, a adopté une ligne dure contre Pyongyang, en abandonnant la soi-disant politique du « rayon de soleil » (Sunshine Policy) de son prédécesseur qui avait recouru aux aides et à la diplomatie pour réduire les tensions et ouvrir le Nord aux investissements capitalistes étrangers. Sous Lee, les nouveaux investissements ont quasiment cessé et les aides ont été plus ou moins supprimées.

D’intenses spéculations portant sur les motifs de la Corée du Nord sont développées par les médias et les groupes de réflexion occidentaux. Peu de temps avant l’affrontement en Mer Jaune Pyongyang avait révélé à un scientifique américain que le pays avait développé une usine de 2.000 centrifugeuses destinée à produire de l’uranium enrichi. Alors que le pays insiste sur le fait que la production est destinée à un usage civil, les installations constituent une possibilité de fabrication d’armes nucléaires.

Bon nombre de gens voient dans ces actions une tentative de l’Etat de la Corée du Nord d’exercer une pression à la fois sur Séoul et les autres principales puissances pour la reprise de ce qu'on appelle les négociations à six parties sur le désarmement nucléaire qui avaient débuté il y a deux ans et pour la reprise des aides et la levée des sanctions qui étranglent l’économie appauvrie du pays.

L’on suppose aussi que les actions militaires sont destinées à renforcer le soutien au sein de l’armée nord-coréenne pour Kim Jong-eun, qui, à l’âge 25 ans, a été désigné pour succéder à son père, le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jon-II qui est malade. Des rumeurs ont circulé cette semaine que Kim Jong-II serait mort. « Je ne peux ni confirmer ni infirmer s’il est mort ou vivant, » a dit mardi le porte-parole du Pentagone, le colonel David Lapan.

Stratfor, le groupe de réflexion américain qui entretient des liens étroits avec les services de renseignement américains a suggéré une autre possibilité, à savoir que l’armée nord-coréenne agirait pour son propre compte. « Avec la transition du pouvoir en Corée du Nord qui dure, il y a eu des rumeurs de mécontentement au sein de l’armée et les incidents actuels pourraient refléter des défauts de communication, voire pire, au sein de la structure de commandement et de contrôle du Nord, ou bien des désaccords au sein de la direction nord-coréenne, » a dit Stratfor.

L’ancien secrétaire d’Etat adjoint américain, Christopher Hill, qui avait dirigé la délégation américaine lors des négociations à six parties, a émis le même avertissement. « La Corée du Nord traverse une difficile phase transitoire de politique intérieure, » a-t-il dit. « Il est absolument clair que l’armée nord-coréenne n'est pas très enthousiaste de la proposition de succession de Kim Jong Il à son fils. Il y a énormément de problèmes et je pense que nous le voyons à l’attitude affichée à l’égard du monde extérieur. »

Washington a réagi au conflit par une condamnation sévère de Pyongyang et un soutien inconditionnel à la Corée du Sud.

Le président Barack Obama a qualifié le tir d’artillerie de la Corée du Nord d’« acte scandaleux et provocateur. » Un communiqué publié par la Maison Blanche a exigé que Pyongyang « cesse son action belligérante » et déclaré que Washington « était fermement engagé à défendre notre allié, la République de Corée et à maintenir la paix et la stabilité dans la région. »

Les responsables du Pentagone ont toutefois dit qu’il n’y avait pas de projet d’envoyer des troupes supplémentaires dans la région et les 29.000 soldats américains déjà sur place en Corée du Sud n’ont pas été placés en état d’alerte plus élevé.

Les commandants militaires américains haut placés ont insisté sur le fait que les Etats-Unis disposaient de forces suffisantes dans la région pour attaquer la Corée du Nord. « Il n’y a pas de doute, nous disposons d’une force aérienne substantielle et de capacités conjointes dans le Pacifique occidental ce qui a des qualités de dissuasion que les Coréens du Nord doivent respecter, » a dit le général Norton Schwartz, le chef d’état-major de la force aérienne américaine à des journalistes à Washington.

Washington a exclu une reprise des négociations à six parties – comprenant les deux Corées, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Japon – en réponse à la récente confrontation.

Le Japon aussi a adopté une attitude dure. Le premier ministre du Japon, Naoto Kan a dit qu’il avait donné l’ordre à ses ministres « de faire des préparatifs de façon à pouvoir réagir fermement en cas d’événements imprévus. Nous ferons des préparatifs de façon à pouvoir faire face quoiqu’il arrive. »

La Chine et la Russie cependant insistent toutes deux sur le fait que la confrontation a montré la nécessité de reprendre tout de suite les négociations.

« Ce qui est impératif à présent, c’est de reprendre les négociations à six parties dès que possible, » a dit à des reporters à Beijing le ministre chinois des Affaires étrangères Hong Lei.

Le communiqué chinois n’a pas pris parti dans le conflit. « Nous espérons que les parties concernées contribueront davantage à la paix et à la stabilité dans la péninsule coréenne, » a dit le porte-parole du ministère. Il a ajouté que la Chine était encore en train de chercher à clarifier les événements qui avaient conduit à la confrontation. « La situation a encore besoin d’être vérifiée, » a-t-il dit.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en visite à Minsk, capitale biélorusse, a exigé des deux côtés, « de cesser immédiatement tous les tirs. » Il a dit aux reporters, « Il y a un énorme danger qui doit être évité. Les tensions dans la région s'accroissent. »

Washington se sert de ce récent incident pour intensifier la pression sur la Chine. ABC News, la chaîne d’information américaine, a cité mardi un responsable américain anonyme disant que le gouvernement Obama avait « envoyé un signal fort aux Chinois disant qu'il est nécessaire qu’ils tiennent tête à la Corée du Nord. »

La Chine, principal partenaire commercial et allié politique de la Corée du Nord, n’a aucun intérêt à faciliter un renforcement militaire américain dans la région sous prétexte de combattre les provocations nord-coréennes. Elle redoute aussi que le fait d’exercer une pression sur Pyongyang ne produise un effondrement politique et économique qui pourrait entraîner la dissolution de la Corée du Nord et inciter des vagues de réfugiés à traverser ses frontières.

Eclipsant l’échange de tirs d’artillerie entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, il y a le conflit émergeant entre les Etats-Unis et la Chine au sujet des intérêts stratégiques de l’ensemble de l’Asie. C’est ce conflit qui donne aux heurts sur la frontière entre les deux Corées, tracée à la fin de la guerre de Corée il y a près de soixante ans, le potentiel de déboucher sur une conflagration bien plus importante.

(Article original paru le 24 novembre 2010)

 

 

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