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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Canada :Un assaut sur les droits fondamentaux des réfugiés

Par Laurent Lafrance
22 novembre 2010

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Lors d’une récente allocution, le ministre de la Sécurité publique Vic Toews et le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme Jason Kenney ont annoncé les détails du projet de loi C-49 sur l’immigration clandestine et le trafic humain. La loi visant à empêcher les passeurs d’utiliser abusivement le système d’immigration canadien donnerait le pouvoir au ministre de l’Immigration de décider arbitrairement si l’arrivée d’un individu cherchant refuge au Canada est « irrégulière », entraînant un traitement de l’État plus sévère et la privation de certains droits fondamentaux pour cette nouvelle classe de réfugiés.

Le gouvernement a expliqué que la désignation « irrégulier » serait utilisée s’il jugeait qu’une organisation terroriste ou de passeurs illégaux cherchant le profit est impliquée dans le processus de passage. Mais selon les groupes de défense des droits des réfugiés, le projet de loi est rédigé si largement qu’il pourrait s’appliquer à la grande majorité des demandeurs d’asile et des organisations aidant les réfugiés. Selon ces mêmes groupes de défense, avec l’adoption du projet de loi C-49, le Canada violerait ses obligations internationales sous trois traités en plus de violer la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, la création d’une classe de réfugiés ayant moins de droits annihile le principe d’égalité devant la loi.

Si le projet de loi C-49 devenait loi, les passeurs d’immigrants s’exposeraient à au moins 10 ans de prison s’ils étaient reconnus coupables d’avoir fait entrer au pays plus de 50 étrangers. Mais si le gouvernement prétend qu’avec sa nouvelle loi, il vise les passeurs de migrants clandestins, en fait le gros de la loi consiste en une négation des droits démocratiques des réfugiés. En d’autres termes, le gouvernement Harper a plutôt les victimes des passeurs dans sa mire que les passeurs eux-mêmes.

Avec son nouveau projet de loi, le gouvernement conservateur créerait une nouvelle classe de demandeurs d’asile dont les droits seraient bafoués dès leur arrivée au Canada. S’ils réussissaient à convaincre le gouvernement qu’ils sont des réfugiés légitimes, alors la nouvelle loi leur accorderait moins de droits qu’un réfugié n’ayant pas été désigné « irrégulier ». 

Tout d’abord, le gouvernement compte rendre obligatoire la détention des demandeurs d’asile « irréguliers » — hommes femmes et enfants — pour une période pouvant aller jusqu’à un an sans que ces derniers aient droit d’être représentés en justice. Le Canada violerait ainsi la protection des réfugiés en droit international selon laquelle il est interdit pour un État de sanctionner les réfugiés pour être entrés de façon illégale et est interdit de les refouler vers la persécution.

Ensuite, ceux qui obtiennent le statut de réfugié se verraient imposer une période de probation de cinq ans, les empêchant de quitter le Canada et de poser leur candidature pour parrainer la venue de leurs enfants au pays, et ce, en violation des obligations du Canada sous la Convention sur le droit des enfants, la Charte canadienne et les obligations internationales en matière de droits de l’Homme. Finalement, ces réfugiés feraient l’objet d’une nouvelle évaluation au bout de cinq ans afin de déterminer s’ils ont toujours besoin de protection ou s’ils peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine.

Selon la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, ceux-ci ont droit aux mêmes soins de santé que les citoyens canadiens. Or, sous la loi actuelle, ils ne reçoivent déjà que le strict minimum, ne bénéficiant pas d’une couverture de santé complète. Avec la nouvelle loi, le gouvernement Harper irait encore plus loin et leur refuserait le droit aux médicaments, chaises roulantes, canes et marchettes. Dans la même optique, les réfugiés n’ont pas droit à la même aide qu’un citoyen canadien dans le besoin, n’ayant pas, entre autres, aux prestations fiscales pour enfants.

Le projet de loi C-49 vient sur les talons d’une récente modification fortement réactionnaire d’une autre loi sur les réfugiés, la loi C-11, adoptée en juin dernier. Les conservateurs avaient obtenu la collaboration de l’opposition officielle, formée par le Parti libéral de Michael Ignatieff, pour accélérer l’adoption de ce projet de loi. En adoptant la loi C-11, intitulée Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, le gouvernement s’est octroyé le droit de rejeter les demandeurs d’asile provenant des pays dits « démocratiques » faisant partie d’une liste arbitraire qu’il dresse de pays « sécuritaires ». Selon les officiels gouvernementaux, cette loi vise à empêcher les « faux réfugiés » et les « abuseurs » du système de s’installer au Canada. En plus, lors d’un appel, la commission chargée d’entendre la cause « n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve », c’est-à-dire que les preuves de ouï-dire ou obtenues sous la torture pourraient être acceptées.

Non contents d’avoir réussi à imposer ces reculs sur les droits des demandeurs d’asile, les conservateurs ont exploité l’arrivée de 490 réfugiés tamouls à bord du MV Sun Sea au mois d’août dernier pour monter une opération militaire très médiatisée au cours de laquelle les réfugiés ont été présentés comme des terroristes potentiels. A l’arrivée du navire en Colombie-Britannique, Toews annonçait qu’il fallait durcir les lois canadiennes de l’immigration, ce que le gouvernement conservateur a accompli avec le projet de loi C-49.

Les libéraux et néo-démocrates ont annoncé qu’ils ne rejetteront pas ce projet de loi, mais proposeraient des amendements pour qu’il soit accepté par le parlement.

Le gouvernement conservateur tente de justifier son attaque sur les personnes fuyant la persécution et cherchant refuge au Canada par le fait qu’ils contournent le système en ne respectant pas la file d’attente. Mais la réalité est que cette loi sert l’agenda anti-crime et anti-terrorisme du gouvernement Harper, dans lequel les réfugiés et les immigrants plus généralement jouent le rôle de boucs-émissaires, alors qu’il cherche à mettre en place des politiques de droite fortement impopulaires auprès des masses.

Le renforcement de la sécurité aux frontières, liée à l’obsession pour « le respect de la file d’attente », sert aussi à garder un contrôle ferme sur la main-d’œuvre immigrante que l’État tente de subordonner le plus possible aux besoins et demandes de l’entreprise et du profit. Dans un discours propagandiste prononcé à Ottawa  lors d’une cérémonie officialisant la citoyenneté canadienne de 72 immigrés, Harper a mentionné que le gouvernement veut adopter de « nouvelles lois strictes » pour endiguer « le problème croissant de l’arrivée massive d’immigrants clandestins », prévenant toutefois que l'économie canadienne « aura besoin davantage d'immigrants ».

En fait, il est si difficile pour un réfugié de faire une demande d’asile au Canada que seulement quelques dizaines de milliers de personnes ont réussi à franchir les différents obstacles sur les 42 millions de réfugiés recensés par les Nations unies l’an dernier. De ceux-ci presque quatre cinquièmes font leur demande au Canada même, et l’autre cinquième en arrivant à la frontière canadienne.

Selon le Conseil canadien pour les réfugiés, les mesures administratives adoptées par le gouvernement canadien en 2009 ont entraîné une baisse spectaculaire (possiblement du tiers) du nombre de demandeurs d’asile au Canada. L’année dernière, seule la moitié des 33.000 demandes d’asile ont été acceptées.

La plus récente attaque sur les droits démocratiques des réfugiés s’inscrit dans une longue série de mesures punitives du Canada à l’égard des réfugiés. À titre d’exemple, l’imposition de visas aux ressortissants du Zimbabwe en 2001 puis aux Mexicains et aux Roms tchèques en 2009 avaient empêché un bon nombre de personnes persécutées de trouver refuge au Canada. Après le récent séisme en Haïti, le gouvernement canadien avait émis un très faible nombre de visas aux Haïtiens, empêchant ces derniers de rejoindre les membres de leurs familles au Canada. 

À l'heure actuelle, les conservateurs poussent plus que jamais l’assaut sur les droits démocratiques des réfugiés, mais tant les libéraux que les conservateurs, avec l’appui des néo-démocrates, ont travaillé au cours des dernières années à fermer la porte aux réfugiés. C’est d’ailleurs sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 2002 que le Canada avait conclu l’Entente sur les tiers pays sûrs, donnant le droit aux autorités canadiennes de refuser tout demandeur d’asile entrant au Canada par les États-Unis.

Certes, l’exploitation des réfugiés par les passeurs est monstrueuse (des sri lankais du MV Sun Sea ont affirmé avoir payé jusqu’à 50.000 dollars pour atteindre le Canada), mais elle est le résultat d’un système d’immigration étatique subordonné au profit qui empêche des personnes persécutées de venir au Canada. Ce processus entraîne donc de nombreuses personnes dont la vie est menacée dans leur pays d’origine à utiliser des passeurs comme dernier recours à qui ils doivent payer des sommes exorbitantes et affronter des conditions de transport extrêmement dangereuses.

De plus, comme les autres gouvernements impérialistes, le gouvernement canadien utilise une distinction entre des réfugiés politiques et économiques pour justifier de ne pas reconnaître aux travailleurs leur droit démocratique de se rendre dans le pays de leur choix pour travailler et vivre.

Bien que la nouvelle loi engendre une violation majeure des droits des réfugiés, le gouvernement canadien possède l’appui des instances internationales, de nombreux États et des médias.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, celui-là même qui a établi la Convention sur les réfugiés en 1951, a déclaré qu’il appuyait le travail important en matière de renforcement de la loi, vantant le travail exemplaire du Canada lorsqu’il a intercepté à l’aide d’avions militaires et d’une frégate des Forces armées canadiennes les 490 réfugiés tamouls, toujours emprisonnés à l’heure actuelle.

Dans le cas du Sri Lanka, le HCR a récemment fait des recommandations qui indiquent « qu'avec l'amélioration de la situation depuis la fin du conflit au Sri Lanka en mai 2009, les demandes d'asile de ce pays devraient être considérées sur une base individuelle ».

Cette recommandation est frauduleuse. Malgré la fin de la guerre communale sanglante perpétrée par la bourgeoisie singhalaise qui a duré une trentaine d’années et causé la mort de milliers de Tamouls, la persécution de la minorité tamoule se poursuit. En plus de servir l’agenda communautariste du gouvernement sri lankais, qui utilise la prétendue menace terroriste pour justifier la répression continuant à ce jour contre les Tamouls, la recommandation du HCR permet au gouvernement canadien et à tous pays recevant des réfugiés tamouls de faciliter l’emprisonnement de ces derniers et de durcir les lois en matière d’immigration.

Le gouvernement de la Thaïlande — qui fait partie des dix pays recevant le plus de demandeurs d’asile sri lankais — mène aussi une campagne anti-réfugiés, comme le démontre la récente interception par les autorités thaïlandaises d’un bateau de migrants clandestins d’origine tamoule qui s’apprêtait à partir en direction du Canada. Après cette arrestation soutenue par les médias, le ministre Kenney a souligné que le Canada avait effectivement augmenté de façon significative sa coopération avec les pays d'Asie du Sud-Est afin d'enrayer la migration clandestine vers le Canada.

Cette campagne anti-réfugiés est liée à toute la campagne anti-immigrants et anti-musulmans menée par les pays impérialistes sur la scène internationale. Tant en France qu’aux États-Unis, en passant par l’Australie, la bourgeoisie tente de diviser les travailleurs sur des bases ethniques pour détourner les tensions politiques et sociales vers des voies réactionnaires. Les élites canadiennes travaillent fort pour demeurer dans le peloton de tête.

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