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  WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les dirigeants syndicaux français cherchent à réduire l'opposition aux coupes dans les retraites

Par Alex Lantier et Kumaran Ira
9 novembre 2010

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Dans les jours qui ont précédé la journée de manifestations nationale de samedi contre les coupes dans les retraites voulues par le Président Nicolas Sarkozy, les dirigeants syndicaux ont montré qu'ils n'étaient pas favorables à la poursuite de l'opposition à ces coupes. Bien que de nombreux travailleurs restent en grève et que l'opposition à la réforme des retraites reste profonde, les syndicats veulent hâter la fin de la grève et agissent de manière à isoler les travailleurs qui y participent encore.

Comme pour la grève du mois dernier dans les ports et l'industrie pétrolière ainsi que le mouvement dans les lycées, les syndicats isolent les grévistes et découragent la participation aux manifestations – alors qu'ils les ont organisées eux-mêmes.

Des sections importantes des travailleurs poursuivent les grèves contre la réforme, qui a été votée malgré une opposition massive de la population : plus de 70 pour cent de la population est contre.

Les éboueurs des banlieues de Paris maintiennent la grève. L'incinérateur de St-Ouen, près de Paris, est occupé depuis mercredi – comme celui d'Ivry-sur-Seine qui est en grève depuis le 21 octobre.

Depuis hier matin, les travailleurs bloquent une plateforme logistique dans la région PACA qui alimente les magasins Carrefour en produits frais. Ils protestent contre les conditions de travail lamentables et la suppression des primes par leurs employeurs.

Une grève est également prévue la semaine prochaine au Pôle emploi, dont la direction a annoncé récemment 1800 suppressions d'emploi pour la fin 2011. La grève nationale a été déclenchée pour protester contre la détérioration des conditions de travail et l'augmentation de la charge de travail.

À Lyon, les employés de mairie travaillant dans les cantines scolaires sont en grève depuis trois semaines, manifestant contre de mauvaises conditions de travail et de bas salaires. Ils demandent également des embauches supplémentaires.

Les universités de plusieurs villes, dont Toulouse et Lyon, restent bloquées.

Pourtant, loin de chercher à développer cette opposition pour lancer un appel à un soutien plus large de la classe ouvrière, les syndicats abandonnent les manifestations et ouvrent des négociations avec les dirigeants patronaux.

Dans une déclaration de presse publiée jeudi, les syndicats promettent de « poursuivre le travail commun sur les emplois, les salaires, le pouvoir d'achat et les conditions de travail » En même temps, plusieurs syndicats – la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et Force ouvrière (FO) – ont déjà pris rendez-vous avec le Medef, la fédération patronale. Ce genre de négociation ne peut produire que des coupes sociales supplémentaires.

Hier, les responsables syndicaux ont fait des déclarations visant à réduire les manifestations contre la réforme des retraites.

Le dirigeant de la CFDT François Chérèque a déclaré, « On va s'éloigner petit à petit malheureusement » de la question des retraites.

Il a fait une croix sur la mobilisation contre Sarkozy, la qualifiant de perdue d'avance : « Si je dis aujourd'hui "on va faire reculer le président de la République" [...] je crois que personne ne me croirait, on se dirait "celui-là, il rêve". ». Chérèque préfère avoir comme objectif : « Aujourd'hui, ouvrons des espaces de négociations avec le patronat. »

Il a suggéré que le seul moyen de s'opposer aux coupes dans les retraites était d'élire un gouvernement de la « gauche » bourgeoise. Parlant des retraites, il a dit « On va continuer à en parler […] en 2012 », l'année des prochaines élections présidentielles.

Le dirigeant de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Jean grosset a prévenu que les « modalités d’action qui ne correspondraient pas à la situation » pourraient amener les syndicats à « s’inflig[er] une défaite. »

Le responsable des cheminots à la Confédération générale du travail (CGT), Didier Le Reste, a exprimé « une certaine colère » contre la décision des syndicats, qui selon lui auraient pu être « plus fermes. » Cependant, le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, a déclaré que le mouvement passait par « une période de doute » Il a dit qu'il était favorable à protestations plus décentralisées et prenant des formes diverses.

C'est-à-dire que Thibault voudrait que la CGT n'organise aucune action large de solidarité pour les travailleurs encore en grève contre les coupes de Sarkozy. C'est dans la continuité de l'isolement, par Thibault, des grèves du secteur pétrolier et portuaire du mois dernier, en dépit des actions répétées des CRS pour briser la grève, et contre lesquelles la CGT et les autres syndicats n'ont décidé d'aucune action. En d'autres termes, les grévistes vont à nouveau être poignardés dans le dos.

Les syndicats ne veulent pas plus que Sarkozy et ses aides de grandes manifestations ni qu'un appel politique puissant émerge samedi des cortèges. Tous espèrent une participation faible, pour déclarer que l'opposition populaire aux coupes est « finie. »

Ce défaitisme des syndicats n'est pas une réaction à une quelconque remontée de Sarkozy dans l'opinion, celui-ci reste toujours aussi impopulaire. Le taux d'approbation de Sarkozy reste à 31 pour cent, selon le sondage du Parisien, et les sondages ont régulièrement montré un soutien de 65 à 70 pour cent pour les grèves contre ces coupes.

Les syndicats craignent qu'une lutte authentique contre Sarkozy ne soit un succès et n'entraîne des attentes plus élevées parmi les masses, produisant un mouvement politique qu'ils ne pourraient pas contrôler. Ils signalent ainsi leur hostilité aux manifestations qu'ils ont eux-mêmes appelées. D'après certains experts interviewés par les médias, les dirigeants syndicaux s'attendaient à cette issue : en fait, ils n'ont jamais voulu faire échouer les coupes de Sarkozy.

Jean-Marie Pernot de l'Institut pour la recherche économique et sociale a déclaré au Monde que « Il y a eu un degré très fort de maturité du salariat et des syndicats...La fin de mobilisation se fait sans déception majeure, puisque chacun avait anticipé que le pouvoir ne bougerait pas. » Cependant, Pernot a affirmé qu'un tel résultat ne signifierait pas que le mouvement « a failli, » et constituerait même une « défaite symbolique de Nicolas Sarkozy, pas une victoire. »

Ce genre de commentaire montre le gouffre social qui sépare la classe ouvrière des syndicats et de leurs soutiens parmi les partis politiques officiels. Il souligne la raison centrale de la capacité de Sarkozy à imposer ses coupes en dépit de grèves massives et de l'opposition populaire : les syndicats n'ont mené aucune lutte sérieuse. Ces manifestations ne visent pas à faire tomber le gouvernement Sarkozy, mais à infliger des rebuffades « symboliques » et à aider le parti bourgeois de « gauche » qu'est le Parti socialiste (PS) à battre Sarkozy en 2012, une fois les coupes passées.

Cela souligne la justesse de l'appel du World Socialist Web Site aux travailleurs pour qu'ils forment des comités d'action indépendants pour retirer la lutte des mains des syndicats, pour préparer des grèves politiques de masse visant à faire tomber le gouvernement Sarkozy et lutter pour un gouvernement des travailleurs s'appuyant sur une politique socialiste.

Mais en l'absence d'une lutte réelle, les syndicats permettent à l'Etat de vaincre la classe ouvrière et soutiennent implicitement la campagne de 2012 du PS. C'est une trahison, et il est bien compris dans les cercles politiques que le PS se prépare à des mesures d'austérité massives contre les travailleurs, dans la droite ligne des coupes sociales appliquées par les gouvernements socio-démocrates en Grèce et Espagne.

Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'Université de Reims a déclaré au Monde : « Globalement, le PS a bien géré cette séquence. Il a réparé symboliquement sa rupture consommée avec les syndicats et regagné une légitimité dans le mouvement social. » C'est un euphémisme pour faire référence au fait qu'après la chute du gouvernement Jospin en 2002, le PS était tellement détesté pour ses privatisations et autre politique de droite que ses dirigeants ne pouvaient même pas se montrer dans les manifestations ou les grèves.

Tandis qu'il conserve quelques porte-paroles pour gérer ses relations avec les syndicats, tel Benoît Hamon, la majorité du PS prépare les mesures d'austérité du futur gouvernement.

Le Monde explique : « D'un côté, l'aile gauche, menée par Benoît Hamon, qui veut "coller" au mouvement social, de l'autre, les sociaux-démocrates comme François Hollande, Manuel Valls ou Gérard Collomb, qui jouent la partition du "réalisme nécessaire". "Ils savent qu'il sera très difficile de succéder à Nicolas Sarkozy et veulent tenir un discours de vérité »

Ces derniers mois, ces représentants du PS ont fait des appels répétés à des coupes dans les retraites et autres dépenses sociales. (voir: Les dirigeants du Parti socialiste prônent des mesures d'austérité).

(Article original paru le 6 novembre 2010)

Voir aussi:

La couverture de la lutte contre la politique d'austérité en France

 

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