WSWS :
Nouvelles et
analyses :
AsieLe Japon relâche le capitaine de chalutier suite aux
menaces de guerre économique par la Chine
Par John Chan
4 octobre 2010
Imprimez cet
article |
Ecrivez à
l'auteur
Les procureurs japonais sur l'île d'Okinawa ont annoncé hier la
libération du capitaine de chalutier Zhan Qixiong, qui était au cœur d'une
confrontation de plus en plus grave entre les deux pays. Si la libération de
Zhan a fait disparaître les tensions immédiates, aucun des conflits
sous-jacents n'a été résolu.
Zhan a été placé en détention le 7 septembre après que son navire a,
selon les Japonais, percuté deux patrouilleurs japonais au large des îles
Diaoyu (ou Senkaku pour les Japonais) dont la souveraineté est contestée. Le
gouvernement chinois a demandé sa libération immédiate et sans conditions,
affirmant qu'un citoyen chinois ne pouvait pas être arrêté dans ce qu'il
considère comme des eaux chinoises.
Après qu'une cour japonaise a prolongé de 10 jours la détention de Zhan,
la Chine a indiqué qu'elle pourrait appliquer de « fortes contre-mesures »
et le conflit a rapidement gagné en intensité. Pékin a suspendu les contacts
gouvernementaux au plus haut niveau avec Tokyo et annulé une visite de 1000
étudiants japonais à la Shanghai World Expo prévue pour cette semaine
ainsi qu'un concert de pop japonaise en Chine.
Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a refusé de rencontrer le Premier
ministre japonais Naoto Kan aux abords de l'Assemblée générale des Nations
unies cette semaine. Le mardi, Wen a répété la demande de la Chine que Zhan
soit relâché et a clairement annoncé : « Si le Japon s'obstine en dépit des
avis contraires, la Chine prendra des mesures supplémentaires, et le Japon
devra accepter la pleine responsabilité pour toutes les conséquences graves.
»
Le jour d'après, les autorités chinoises ont arrêté quatre japonais
travaillant pour Fujita accusés d'avoir illégalement filmé une zone
militaire interdite dans la province d'Hebei. La compagnie japonaise
Plus important encore, Pékin semble avoir imposé une interdiction de fait
des exportations de terres rares vers le Japon. Bien que le ministère du
commerce chinois ait démenti ces informations, le New York Times a
cité des dirigeants d'entreprises et des commerçants au Japon, en Chine et
aux États-Unis qui ont indiqué que Pékin avait donné l'ordre aux
exportateurs d'interrompre les envois vers le Japon pour quelques jours.
Cette action de Pékin menaçait de déclencher une guerre économique entre
les deux pays. La Chine a 36 pour cent des réserves de terres rares connues
au monde, mais au cours de la décennie écoulée elle a établi un monopole
mondial virtuel sur la production – plus de 90 pour cent – grâce au faible
coût de la main d'œuvre. Les terres rares recouvrent 17 éléments métalliques
qui ont une importance capitale dans la fabrication des composants
électroniques et de nombreuses autres pièces métalliques de haute
technologie, dont celles des réacteurs d'avions et des systèmes de guidage
des missiles.
Cet embargo de fait a fait monter les prix des terres rares sur toute la
planète et a fait paniquer les producteurs japonais, qui dépendent de la
Chine à 100 pour cent pour leur approvisionnement. Le mois dernier, Tokyo a
insisté auprès de Pékin pour qu'il augmente ses exportations de terres rares
suite à la décision prise en juillet par la Chine de réduire la production
et de conserver ses réserves de ces matériaux stratégiques.
Le Japon a commencé à faire marche arrière. Devant la menace de Wen, Kan
a déclaré au Financial Times que le conflit serait résolu « calmement
» et que les relations sino-japonaises étaient « fondamentalement très
bonnes. » Mercredi, le secrétaire général du gouvernement japonais Yoshito
Sengoku a demandé que le Japon et la Chine tiennent des discussions à haut
niveau « dès que possible pour détendre les relations diplomatiques. »
La décision de Tokyo de faire marche arrière met en lumière le dilemme
qui se pose aux élites dirigeantes japonaises. Le Japon a récemment perdu sa
position de seconde plus grande économie mondiale au profit de la Chine et
est de plus en plus dépendant de ses relations économiques avec celle-ci. En
même temps le Japon a une alliance militaire durable avec les États-Unis et
ni Washington ni Tokyo ne sont prêts à concéder la domination économique et
stratégique en Asie à Pékin.
La prise de position initialement agressive du gouvernement japonais
était certainement encouragée par les propres manœuvres agressives du
gouvernement Obama visant à saper l'influence chinoise en Asie de ces
derniers mois. Les mers qui entourent les îles Diaoyu convoitées par les
deux puissances ont aussi une autre importance que celle de réserves de
pêche et d'énergies fossiles: elles sont situées stratégiquement au large de
la côte chinoise.
Au début de la semaine, le vice secrétaire d'état américain James
Steinberg a déclaré que les tensions entre la Chine et le Japon étaient «
regrettables, » ajoutant : « De bonnes relations entre la Chine et le Japon
sont de notre intérêt. » Cependant, le gouvernement Obama a intensifié la
pression sur la Chine au sujet d'un grand nombre de questions – de
l'exigence de Washington à ce que Pékin réévalue sa monnaie, aux défis
lancés à la Chine dans les eaux stratégiquement sensibles de la Mer jaune et
de la Mer de Chine du sud.
La rencontre entre Obama et Wen à New York a été dominée par les
désaccords nets sur la question monétaire. Alors que dans sa rencontre avec
Kan, Obama n'a même pas évoqué le fait que le Japon venait d'intervenir
unilatéralement pour dévaluer le yen face au dollar, au contraire, il a
glorifié l'alliance américano-japonaise comme « l'une des pierres angulaires
de la paix et de la sécurité de par le monde. »
Hier, Obama a tenu un second dialogue américano-ASEAN (Association des
nations d'Asie du sud-est) soulignant le fait que les États-Unis avaient une
« mise de fonds énorme » dans la région et entendaient jouer le premier rôle
en Asie. Au forum stratégique de l'ASEAN en juillet, la secrétaire d'état
américaine Hillary Clinton a provoqué la colère de Pékin en déclarant que
les États-Unis avaient un « intérêt national » à assurer « la liberté de
navigation » dans toute la mer de Chine du Sud contre les prétentions
chinoises dans cette zone.
Le lundi prochain, en dépit des protestations chinoises, Les États-Unis
vont commencer un exercice naval conjoint avec la Corée du Sud dans la Mer
jaune entre la péninsule Coréenne et le continent. Les deux marines ont déjà
organisé un entraînement commun en Mer du Japon en réaction à la perte d'un
navire de guerre sud-coréen qui aurait été coulé par la Corée du Nord en
mars. Tout en l'organisant formellement contre la Corée du Nord, les
États-Unis se servent de l'exercice de la semaine prochaine pour affirmer
leur "droit" à la libre navigation dans une autre zone stratégiquement
sensible.
Le Japon fait partie intégrante de la stratégie du gouvernement Obama
pour conserver une position dominante en Asie. Au début de la semaine, le
Vice-président américain Joe Biden a résumé le point de vue américain,
disant : « il y a une relation émergente que nous devons établir
correctement entre les États-Unis et la Chine […] franchement, je ne sais
pas comment cette relation peut s'arranger sans passer par Tokyo. »
La Chine, cependant, n'a aucune intention de faire marche arrière. Wen a
déclaré à l'Assemblée générale des Nations unies que la Chine ne chercherait
pas « l'hégémonie » en Asie, mais a également insisté sur le fait qu'elle ne
ferait aucune concession sur les questions essentielles de l'intégrité
territoriale – un message très clair à l'attention du Japon et des pays du
sud-est asiatique concernant ses litiges maritimes.
La confrontation entre la Chien et le Japon a rapidement produit des
réponses belligérantes dans les deux pays. Un éditorial du Global Times
cette semaine, intitulé « Trouver le talon d'Achille du Japon, » demandait
que l'on étudie les faiblesses économiques du Japon afin d'infliger une
douleur « aiguë » à tous les citoyens japonais. « Provoquer la Chine, cela
coûte cher. Trouver le point faible du Japon contribuera à arrêter sa
politique hostile contre la Chine durant son ascension, » y était-il écrit.
Alors que le secrétaire général du gouvernement japonais Yoshito Sengoku
se prononçait contre « le nationalisme extrême à l'esprit étroit, » le maire
de Tokyo Shintaro Ishihara annulait mardi une visite en Chine prévue pour le
mois prochain et dénonçait Pékin qui agit selon lui comme les yakuzas, les
truands japonais réputés pour leur violence. « Je n'irai jamais en Chine, un
pays pareil, » a-t-il dit aux journalistes.
Ishihara a également demandé que le gouvernement japonais adopte une
position bien plus forte contre la Chine. Si un sous-marin japonais
s'introduisait dans les eaux de la Corée du Sud, de la Corée du Nord, ou de
la Chine, a-t-il dit, il serait attaqué. « Pourquoi le Japon ne fait-il pas
la même chose ? » a-t-il demandé, faisant référence aux sous-marins chinois
qui pénètrent dans les eaux japonaises. D'une manière encore plus
provocante, il a appelé à des exercices militaires conjoints avec les
États-Unis aux îles Diaoyu.
L'escalade rapide d'un incident relativement mineur en une confrontation
majeure entre les seconde et troisième puissances économiques mondiales
souligne les tensions extrêmes entre les grandes puissances dans le contexte
d'une crise économique qui perdure. Aggravée par les interventions sans
scrupule de Washington en Asie, cette rivalité menace d'éclater sous de
nouvelles formes encore plus dangereuses.
(Article original paru le 25 septembre 2010)
Voir aussi:
Des tensions sino-japonaises ont surgi au sujet des petites îles contestées
de Diaoyu