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Espagne: Dix millions de travailleurs participent à la grève générale
Par Paul Mitchell
5 octobre 2010
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Près de 70 pour cent des travailleurs espagnols – 10 millions – ont
participé à la grève générale de mercredi. Dans certains secteurs tels la
mine, la métallurgie, la production automobile, l’électronique, la pêche et
d’autres industries, le taux de participation était de près de 100 pour
cent. De nombreux travailleurs indépendants et de petites entreprises ont
aussi rejoint le mouvement.
Le gouvernement a essayé de minimiser les effets de la grève, mais la
société d’électricité espagnole, Red Electrica, a dit que la consommation
d’électricité avait chuté de 20 pour cent.
La grève a porté un coup aux patrons d’entreprises, aux politiciens et
aux médias qui avaient affirmé qu’elle ne serait pas très suivie. Mais, sans
le niveau de service minimum accepté par les syndicats, et qui ont permis au
gouvernement et aux autorités locales de déterminer le nombre d’avions, de
trains et de bus devant circuler, le pays aurait été complètement paralysé.
Les dirigeants syndicaux se sont démenés toute la journée pour montrer
qu’ils respectaient les accords relatifs au service minimum.
Les travailleurs se sont mis grève pour s’opposer aux mesures d’austérité
et aux réformes anti-ouvrières appliquées par le gouvernement PSOE (Parti
socialiste ouvrier espagnol) du président José Zapatero.
Le mot d’ordre de grève a été lancé par deux centrales syndicales la
Confédération syndicale des commissions ouvrières (Comisiones Obreras,
CC.OO) dominée par le Parti communiste et l’Union générale des Travailleurs
(Unión General del Trabajo, UGT) dominée par le PSOE. C’est la deuxième plus
importante manifestation de l’année que les syndicats ont été obligés
d'appeler. Mais elle n’a eu lieu qu’après que les réformes sont devenues
loi, réfutant les affirmations des dirigeants syndicaux qu’elles pourraient
être édulcorées par le Congrès.
Le gouvernement a eu beaucoup de temps pour se préparer la grève. Un
comité spécial, présidé par le sous-secrétaire de Zapatero, Juan José
Puerta, a été mis en place pour préparer des mesures destinées à briser la
grève et à organiser le déploiement de la police. Pendant la grève, de
nombreux travailleurs ont été blessés, des dizaines ont été interpellés et
des milliers identifiés en vue de poursuites ultérieures. L’un des incidents
les plus graves a eu lieu devant le siège de la compagnie aéronautique
EADS-CASA à Getafe [banlieue de Madrid] où neuf manifestants sur un piquet
de grève ont été blessés.
La grève générale a débuté peu après minuit lorsque des grévistes se sont
rendus en nombre dans des marchés de gros pour assurer leur fermeture à
Madrid, la capitale, dans la deuxième plus importante ville, Barcelone, et
dans d’autres grandes villes dont Séville et Valence.
Les travailleurs en poste de nuit dans les principales usines automobiles
ont ensuite débrayé. La production aux usines GM, Ford, Citroën, Peugeot,
Seat, Volkswagen, Mercedes et Iveco a été immobilisée. Les travailleurs de
la Monnaie nationale, les exploitations laitières des Asturies, de la
raffinerie de Castellón, et du plus gros producteur d’huile de moteur,
Repsol, ont débrayé. Les ports de Valence et d’Alicante ont été paralysés.
Les principales entreprises de Catalogne, dont Alstom, Ercros, Pirelli,
Delphi, Sony et Yamaha ont été paralysées.
En Galice, les principales banques BBVA, Banco Santander, Banco Pastor et
Caixanova ont été fermées et les principales régions industrielles étaient
littéralement vides. Dans le pays basque où le Parti nationaliste basque est
le pilier qui a permis au PSOE de faire voter les mesures de rigueur au
congrès, la grève semble avoir eu moins d’impact.
Les quotidiens espagnols n’ont pas été imprimés et les kiosques
rapidement fermés. La chaîne de télévision nationale Telemadrid a cessé la
diffusion, tout comme Canal Sur, TV3 et d’autres chaînes.
Quatre-vingt pour cent des trains à grande vitesse espagnols ont été
annulés, aucun train de moyenne distance n’a circulé et seulement un quart
des trains de banlieue a roulé. Bien que les syndicats aient garanti que le
métro de Madrid, qui avait connu un débrayage total des travailleurs les
années précédentes sur la question des réductions de salaires, assurerait un
service réduit, les services de trains et de bus régionaux ont été bloqués.
Seuls environ 20 pour cent des vols inter-européens et 40 pour cent des
autres vols internationaux ont été assurés, une fois de plus en raison
seulement des accords de service minimum convenus entre les syndicats et le
gouvernement. La compagnie low cost Ryanair qui avait affirmé vouloir
assurer les vols a été obligée d’annuler une grande majorité de ses vols en
direction de l’Espagne et tous ses vols intérieurs. La compagnie de
transport aérien espagnole Iberia affirme avoir assuré 35 pour cent de ses
vols en accord avec les syndicats.
Les universités et les écoles publiques semblent avoir soutenu en masse
la grève. Les éboueurs ont cessé le travail dans toutes les grandes villes.
De nombreux magasins, des bistros et des cafés étaient fermés. A Barcelone,
le syndicat des conducteurs de taxis a dit que 90 pour cent de leurs membres
avaient cessé le travail.
Durant la journée, le secrétaire général de la CC.OO, Ignacio Fernandez
Toxo a déclaré, « La grève a été un succès incontestable, » en affirmant
qu’elle forcerait le gouvernement à reculer. Il a humblement appelé le
gouvernement à revoir son budget de 2011 qui sera présenté aujourd’hui au
congrès afin de « corriger les effets nocifs que la réforme du marché du
travail a sur le marché du travail. »
Le secrétaire de l’organisation UGT, José Javier Cubillo, a aussi imploré
le gouvernement de « faire une chose intelligente et raisonnable » et de
« corriger immédiatement » sa politique. Une fois de plus, il a permis au
gouvernement d’avoir une marge de manœuvre en disant qu’il reconnaissait que
les gouvernements précédents qui avaient été confrontés à une situation
identique n’avaient jamais été en mesure de changer de cap « le jour
d’après. »
Cayo Lara, le coordinateur de la Gauche Unie (IU) qui est dominée par le
Parti Communiste, a déclaré que la grève générale avait été un « succès
total » et « dépassait les attentes les plus optimistes. » Mais il a ensuite
fait appel à Zapatero et au PSOE pour « ouvrir les yeux… changer la
politique économique » et pour parler aux syndicats. Le gouvernement « a
assez de soutien à gauche au parlement pour corriger toutes ses erreurs, »
a-t-il ajouté en mettant en garde que « S’il ne changeait pas sa politique,
le peuple espagnol changera Zapatero. »
Zapatero a répété sa déclaration habituelle qu’il « respecte » les
syndicats et qu’il compte entamer des négociations avec eux et les
dirigeants d’entreprises comme prévu aujourd’hui. Il a redit avec insistance
toutefois qu’il ne changera pas ses réformes du marché du travail et les
mesures de rigueur – un message réitéré tout au long de la journée par sa
ministre des Finances, Elena Salgado,
Le ministre du Travail, Selestino Corbacho, a aussi fait l'éloge des
syndicats, disant qu’ils avaient fait preuve de « beaucoup de
responsabilité » durant la grève et qu’ils avaient garanti le fonctionnement
d’un service minimum dans 98.4 pour des cas.
Le PSOE est conscient que ses alliés politiques au sein des syndicats ont
appelé hier à la grève générale en tant que manifestation d’opposition
nécessaire avant de participer à d’autres pourparlers avec les employeurs et
le gouvernement dans le but de pousser en avant les mesures d’austérité. La
classe ouvrière ne doit pas se laisser berner par un tel jeu. Une rébellion
doit être organisée contre les appareils syndicaux traditionnels comme
partie intégrante de la construction d’un nouveau parti promouvant un
programme socialiste révolutionnaire.
(Article original paru le 20 septembre 2010)